Chapitre 37

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Les doigts terminés de longs ongles pointus d'Éléonore écrasèrent la larme solitaire suffisamment audacieuse pour s'écouler sur ses joues constellées de taches de rousseurs. Comment pouvait-elle pleurer deux idiots assez bêtes pour s'aventurer dans l'antre de leurs seules ennemies de tout le village.

Malgré elle, la mort de Tomaze créait déjà un manque dans son cœur. Il n'était peut-être qu'un serviteur, mais il était présent à ses côtés depuis près de deux siècles, elle avait fini par s'attacher à son enfantine naïveté qui l'amusait autant qu'elle l'horripilait. Les souvenirs innombrables submergèrent Éléonore de leur douloureux rappel de l'effroyable réalité, incapable de revoir ces images défilés devant ses yeux, elle refoula de toutes ses forces ces tourmentants retour du passé, au plus profond de son esprit.

Un masque impassible, détaché de toutes émotions s'empara de son visage angélique. Ses poings se serrèrent violemment, elle luttait contre son désir brûlant de dévaler les marches et de faire payer la mort de son serviteur à la nonne. Si elle se retenait, ce n'était que pour préserver ses chances de retrouver Théolias. Son dos se redressa et elle resta dissimuler au sommet des marches pour écouter la conversation de son hôte à la porte de l'entrée.

— Je suis désolé pour la perte de l'une des vôtres, au moins son sacrifice aura permis au village d'être libéré de la menace monstrueuse qui pesait sur lui, déclama Garnier d'un ton grave.
— Nous sommes d'accord, acquiesça la mère supérieur avec un pincement de ses lèvres fines. Je ne prendrais pas plus de votre temps mon seigneur.

La religieuse s'acquittait d'une brève révérence et se tourna face à ses trois consœurs toujours alignés au pied des marches. Amélia entamait sa descente des escaliers lorsqu'un gémissement de Tiphaine l'arrêta le pieds en l'air entre deux paliers. La mère supérieure leva les yeux vers la jeune nonne à l'étrange don de détection du malin, celle-ci pointait du doigt quelque chose qui se trouvaient dans le dos de la femme d'âge avancée.

Amélia suivit du regard la direction indiqué par la jeune femme, Tiphaine pointait Garnier du doigt. Plus précisément encore, elle pointait le col de sa chemise blanche, sur lequel avait perler une goutte de sang. La mère supérieure parcourut vivement la distance qui la séparait du noble homme et tira sur son col pour découvrir son cou. La stupeur pu se lire sur le visage parcourut de sillons creusés par le temps de la religieuse. Ses yeux écarquillés découvrirent deux minuscules orifices vermeils dans le cou de Garnier.

— Seigneur Dieu ayez pitié de nous, pria Amélia tout bas.
— Ce n'est rien, je me suis seulement coupé en me rasant, tenta de se justifier l'homme sans convaincre personne.

— Que se passe-t-il ma mère ? demanda d'une voix aiguë et tremblante, l'une des jeunes religieuses accompagnantes.
— Je n'arrive pas à le croire... souffla-t-elle. Monsieur Aragon présente une morsure de vampire, mais contrairement à Adrastée, lui est infecté d'un mal qui rend les proies des vampires soumis à leurs bourreaux.
— Comment pouvons-nous le libérer ? s'exclama la seconde.
— La seule échappatoire est la mort ! tonna Amélia.

Éléonore releva brusquement la tête, les religieuses avaient déjà pris la vie de Tomaze et de Thaïs, elle ne supporterait pas de voir Garnier lui être arraché de la sorte à son tour. La vampire s'élança à toute vitesse dans les escaliers du manoir, mais malgré la vélocité surnaturelle de ses muscles, elle arriva trop tard. Amélia retirait déjà la lame ensanglantée de son poignard du ventre de l'homme de noble ascendance.

Garnier s'écroula sur le sol de l'entrée, Éléonore se jeta à terre à ses côtés, un atroce râle de désespoir jaillissant de ses lèvres. Ses mains pressèrent la blessure imbibée de sang brulant. La vampire n'hésita pas une seconde, elle lacera sa paume de l'un de ses longs ongles et fit couler son sang sur la plaie. C'en était trop, la rage contenu dans ses entrailles depuis l'arrivée des sœurs déborda de ses viscères et déferla sur son corps.

Eleonore's SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant