Chapitre 11

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Une pluie torrentielle se déversait sur la sombre nuit et inondait les sols herbeux de ses flots diluviens. L'air obscur était fendu par la course impossiblement rapide des frères vampires. Des perles de grêles se mêlaient aux gouttes d'eaux, pour s'abattre et exploser en milliers d'éclats sur les épaules des fils d'Éléonore, déjà léchés par leur longues chevelure dorés et détrempées.

Sous les flashes de lumières blafardes qui illuminaient la nuit au rythme des éclairs foudres, un petit village apparue au sommet de l'une des innombrables collines, qui jalonnaient le paysage. Les deux hommes, à l'apparente jeunesse malgré les deux siècles qui s'étaient écoulés depuis leur naissances, échangèrent un regard. Leur mère était dans cet hameau.

Élias s'arrêta au milieu de la place, qui s'étendait entre les modestes habitations de pierres. Aucune âme ne se risquait dans les ruelles, en cette nuit de tempête ténébreuse.

— Dans quelle direction doit-on aller ? demanda le jeune homme.
— Je ne saurais le dire, je n'arrive pas à suivre l'odeur du sang de Tomaze plus précisément avec cette pluie, avoua Théodore. Il pourrait être n'importe où dans ce village.
—  soleil ne tardera pas à se lever, lança Élias à son frère. Nous devons nous séparer pour fouiller cet endroit, avant que sa lumière ne nous emprisonne dans l'obscurité d'une maison.
— Tu as raison, nous irons plus vite si nous cherchons chacun de notre côté, répondit Théodore, des perles de pluies ruisselante sur son visage.
— Je prends le sud du village, toi tu prends le nord !

Théodore acquiesça d'un hochement de la tête, l'instant d'après, les deux vampires avaient disparu dans la nuit.

Quelques secondes plus tard, Théodore fouillait la modeste habitation du cordonnier, lorsque l'hurlement d'un loup résonna à l'extérieur. Un instant, il pensa que c'était en faite le tonnerre, avant d'entendre de sa fine ouïe, les grognements d'une meute toute entière de ses animaux sauvages. Le cri le conduisit jusqu'à la cour d'une petite ferme, à la fin du hameau. Le vampire commençait à s'approcher, mais soudain, l'homme se figea.

Sous son regard azur, la silhouette fière et élancée d'Éléonore se dessinait dans la nuit. Elle n'était donc pas morte, même si tout le laissait déjà penser, il en avait désormais la certitude. Il avait la certitude que sa propre mère avait feint sa mort, qu'elle l'avait abandonnée.

Les grondements sourds, s'échappant des gueules des loups qui l'encerclaient, le ramenèrent à la réalité. Éléonore était entouré de ses bêtes sauvages et féroces, face à elle, une énorme louve à la fourrure grise s'apprêtait à bondir sur elle. Sans réfléchir une seconde, il fonça vers le champ de bataille. Il saisit l'un des canidés à la gorge et le projeta sur l'énorme spécimen de la même espèce.

Théodore voulu s'approcher de sa mère, mais le regard que celle-ci posait sur lui changea. Elle semblait absente, prise d'un rêve malgré ses yeux grands ouverts. Avant qu'il n'ait pu lui adresser la moindre parole, les loups qui les encerclaient bondirent sur lui.

***

Les paupières élégamment ombrées de fard vermeil d'Éléonore s'ouvrirent sur ses grands yeux émeraudes. Son corps, flottait à la surface d'une mare à l'eau trouble. Les mèches de sa chevelure rousse, se mêlaient à la nage immobile des algues brunes, affleurant délicatement à la surface et étaient parées de fleurs de lotus immaculé, dont la blancheur n'avaient d'égal que celle de sa peau.

Au-dessus d'elle, si proche et la fois si éloigné, le corps de Théolias semblait lui aussi flotter dans une mer céleste. Son visage et son torse aux muscles saillants, d'une beauté digne des statues de marbres antiques, émergeait à la surface d'une eau noire, parsemée de millions de petites étoiles scintillantes et couronnées de sa chevelure doré voletante autour de sa tête.

Une larme naquit au creux de l'œil éreinté de la vampire. Elle était épuisée de vivre, épuisée de feindre le bonheur, épuisée de lutter contre la noirceur de son âme, qu'elle combattait chaque seconde, pour ne pas être à nouveau submergée par cette rage incontrôlable qui faisait battre son cœur. Ses lèvres rouges s'ouvrirent, mais aucun son ne put sortir. Ses doigts longs et délicats s'élevèrent lentement au-dessus de l'eau, son bras se tendit autant qu'il lui était possible vers les cieux, mais cela n'était pas suffisant pour atteindre celui qu'elle avait perdu depuis si longtemps.

Elle resta ainsi, immobile et silencieuse, légèrement baladé par les calmes flots, ne pouvant qu'admirer le doux visage de l'être aimé de ses yeux scintillants. Mais soudain, un cri parvint à ses oreilles, d'abord à peine audible et étouffé, comme s'il provenait des profondeurs de la mare, puis se faisant de plus en plus fort et audible.

— Mère ! Aidez-moi ! arriva-t-il à ses oreilles.
— Théodore ! s'écria-t-elle, émergeant de ses rêves.

Le voile d'inconscience qui planait sur les iris d'Éléonore se dissipa en un instant. Apparue alors dans son champ de vision, la silhouette de Théodore, se battant vaillamment contre la dizaine de loup qui l'assaillait. L'instinct maternel qu'elle s'employait à réprimer depuis quelques jours, brisa ses chaînes et déferla en elle. L'instant d'après, la vampire refermait ses mains puissantes autour de la queue de l'un de ses animaux.

Éléonore le souleva dans les airs, comme s'il ne pesait rien et l'envoya dans la nuit orageuse, se heurter aux arbres de la forêt, pourtant plus d'une vingtaine de mètres plus loin, en couinant de douleur. Le visage déformé par une rage dévastatrice, la reine déchue attrapa un second loup par la peau du cou et l'envoya rejoindre son congénère.

Théodore jouait des poings afin d'éviter les crocs de ses animaux sauvages, lorsqu'Olenne aboya. La meute de canidé se stoppa, les loups tournèrent leurs regards vers l'énorme créature qui partageait leurs traits. La louve grogna à nouveau et envoya sa tête faire signe aux animaux de s'enfuirent. Ce n'était pas leur combat, c'était le sien, elle ne voulait pas qu'ils soient blessés ou pire. Mais alors que les canidés obéissaient à ses ordres, Éléonore s'élança furieusement à leur suite. Ils avaient essayé de faire de mal à son fils, elle ne pouvait les laisser fuir sans rien faire.

Le vampire aux longs cheveux dorés et détrempés, regarda les animaux fuir vers l'épaisse forêt qui s'annonçait à la fin de ce petit village, suivit par la course enragée de sa mère. Soudain, un violent éclair de foudre s'abattit sur un arbre fruitier dressé au milieu de la cour. Il fixa, autant fasciné que terrifié, la fracture net et carbonisée, qui barrait l'arbre, avant qu'il ne se fende en deux et que ses branches ne s'écrasent sur le sol boueux.

Olenne décela immédiatement le manque d'attention de son nouvel adversaire. Elle ne savait de qui il s'agissait, mais s'il se battait ainsi pour Éléonore, c'était qu'il avait un lien avec elle et le faire souffrir la ferait souffrir elle aussi. Le regard ailleurs, Théodore ne vit pas Olenne fondre sur lui. L'énorme louve, aussi imposante qu'un ours, l'écrasa sur le sol et pesa de tout son poids sur son torse. La nomade pressait ses pattes imposantes, sur la poitrine du vampire.

La respiration de Théodore était presque devenu impossible, il pouvait entendre et sentir à l'intérieur de sa chair, ses côtes rompre les unes après les autres. Son corps s'enfonçait dans le sol, qui n'était plus qu'un vaste océan de boue.

Eleonore's SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant