Chapitre 10

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Les flammes se propagèrent en un instant, sur le sol de l'auberge imbibé d'alcool. Le soleil venait de se coucher dans le dos des deux frères. Théodore détourna son regard du brasier qui dévorait les preuves du passage de leur mère et se dirigea vers les écuries pour récupérer son cheval.

— Mon frère ! l'arrêta Élias. Nous ne l'a rattraperons pas à cheval, nous devons courir.
— Courir ? Nous n'aurons pas assez de force pour courir toute la nuit !
— Nous en aurons plus qu'il ne nous en faut si l'on boit cela, dit-il en sortant deux petites fioles de sa poche.
— Du sang de sorcière ?
— Datant de plus d'un siècle. La sorcière qui me la donné m'a dit que quelques gouttes de ce sang augmenterait notre force et notre vitesse. Si on prend ça, on peut la rattraper avant le lever du soleil, dit-il, sous les reflets rougeoyants du feu qui consumait l'auberge.
— Et pourquoi te les a-t-elle donné ?
— Euh... c'était en échange d'une promesse... je devais arrêter de voir son frère.
— Et tu as accepté ?
— Je l'ai fait pour lui, ça n'aurait mené à rien entre nous, répliqua-t-il.
— Bien sûr, souffla-t-il en levant les yeux aux ciels.
— Tu le prends ou non ? lança Élias pour recentrer la conversation.

Théodore réfléchit durant quelques secondes, avant d'hocher la tête. Les deux vampires ajoutèrent un peu d'eau aux quelques gouttes de sang séché, collé au fond du récipient. Le sombre contenu des fioles s'écoula dans leur gorges et emplit aussitôt leurs veines d'une énergie comme il n'en avait encore jamais ressentit. L'instant suivant, ils avaient disparut dans la nuit à une vitesse incroyable.

***

La surface parfaitement plane de la cuve remplie de sang, fut troublé par l'émergence des épaules d'Éléonore. Les perles vermeilles ruisselèrent sur sa peau diaphane, à mesure que son sublime corps nue émergeait de ce bain merveilleux. La vampire sortie avec lenteur et élégance de la cuve, sa peau n'était recouverte que par sa longue chevelure rousse, de laquelle dégoulinait des litres de sang. Une mare vermeille se forma sur le sol alors qu'Éléonore se saisissait d'une robe au tissu noire. Les longues manches bouffantes et fendues aux niveaux des coudes, trainaient sur le sol, un large décolleté offrait à la vue d'Olenne, le sublime galbe de ses seins.

— La soif de vengeance brûle à l'intérieur de toi ! lança-t-elle soudain à la nomade, fascinée par la beauté délicate de la vampire.
— Tu ne mérites pas de vivre plus longtemps ! se reprit-elle, ivre de rage.
— Nous sommes bien d'accord, murmura Éléonore en baissant un instant le regard. Rien de ce que je pourrais faire, rien de ce que je pourrais dire n'excusera mon acte, reprit-elle d'un ton grave. Mais sache que la culpabilité m'accompagne chaque seconde de ma vie. J'ai été trompé, j'ai été mise sur votre route pour satisfaire les vicissitudes du destin. J'ai tenté de me racheter en réunissant Caelessa et Tristan, bien que cela est fort peu en comparaison du mal j'ai fait.
— Cesse de te chercher des excuses, aucune ne pourra m'apaiser.

Une sourire se dessina sur les lèvres d'Éléonore.
— Je ne me cherche pas d'excuse, continua-t-elle. Je veux te mettre en garde. Si j'ai survécu à tous mes ennemis, et il y'en a eu beaucoup, ce n'est pas pour rien. Tu ne pourras pas me tuer, alors ne me force pas à te faire du mal !

Un nouveau coup de tonnerre déchira le ciel de son cri sourd et fit trembler les murs de la ferme, immédiatement suivit un déferlement de pluie apocalyptique. Olenne restait sourde aux avertissements de la vampire. Son être emplie de rage, s'écroula sur les dalles de pierres.

Ses muscles secs gonflèrent sous ses vêtements, sa robe se déchira, sa peau éclata avant de se recouvrir d'une épaisse fourrure grise. Chacun de ses os se brisèrent, chacune de ses articulations se déboîtèrent. Un long museau émergea de son visage, sa gueule se remplit de crocs acérées.

— Tu auras été prévenu ! tonna Éléonore en serrant ses poings et fronçant ses sourcils.

Les grognements de l'énorme louve résonnèrent entre les murs de la pièce. Ses yeux n'étaient animés que de rage, ses mâchoires dégoulinaient de bave. Olenne bondit sur la vampire. Ses longues griffes lacérèrent la robe et la peau diaphane d'Éléonore. La rousse incendiaire entoura le large cou de l'animal de ses doigts et la projeta contre la cuve de sang. Le grand bain de bois se brisa et laissa son contenu se déverser sur le sol.

La louve se redressa sur le sol ensanglanté. Sous son regard féroce, elle découvrit que les blessures qu'elle avait infligée à son adversaire s'était déjà refermé. Elle se secoua pour débarrasser son pelage de l'hémoglobine de bovins qui la souillait et se jeta à nouveau sur la vampire. Celle-ci la reçu en envoyant son poing frappé la mâchoire de l'animal.

Olenne roula sur elle-même avant se relever et de se ruer sur sa proie. Sa gueule se referma sur le bras qu'Éléonore leva pour protéger son visage, ses crocs acérées se plantèrent profondément dans sa chair froide.

Un hurlement de douleur jaillit des lèvres de l'ancienne reine, ses grands yeux verts s'emplirent d'une rage féroce. La vampire martela le thorax de la louve de puissants coups de pieds. De sa deuxième main, Éléonore essaya, de toute ses forces, de libérer son bras des mâchoires de l'animal.

Olenne sentait qu'elle allait lâcher prise, elle serra les dents autant qu'elle le put et d'un brusque mouvement de la gueule, projeta la vampire contre le mur. Le corps de la belle aux cheveux enflammés, traversa la paroi de pierres et s'écrasa sur le sol boueux de l'extérieur.

La forte pluie, déversée par les nuages orageux, martelait le sol déjà inondé et le corps d'Éléonore. La louve s'approcha lentement, du trou béant qui perçait le mur. Elle se délectait avec joie du spectacle qui s'offrait à ses yeux. La vampire, étendue immobile et sans défense dans une mare de boue. Il ne lui restait plus qu'à l'achever et sa vengeance serait assouvie.

Soudain, un éclair de foudre déchira le ciel et l'aveugla un instant, lorsque sa vue lui revint, Éléonore avait disparu.

Un sourd grognement résonnait entre les mâchoires d'Olenne, alors qu'elle sautait gracieusement hors de la ferme. Les perles de pluies ruisselaient sur son pelage grisé, son regard perçant la noirceur de la nuit, cherchait la trace d'Éléonore. Soudain, un piquet de bois vola vers elle. Elle eut tout juste le temps de bondir sur le côté pour l'éviter.

La vampire se dressa face à elle, éloignée de quelques mètres, illuminée par les nombreux éclairs de plasmas blafards, qui déchiraient le ciel. Sous les lambeaux de tissus noirs de sa robe, la peau d'Éléonore ne portait déjà plus aucun stigmate de leur affrontement, contrairement au corps endolori de la louve.

— Je te laisse encore une chance de fuir ! s'exclama-t-elle face à l'animal aux yeux rouge.

Comme unique réponse, Olenne hurla à la lune. Quelques secondes plus tard, des grognements de loups se firent entendre tout autour des deux femmes. Les yeux phosphorescents de dizaines de ses canidés s'allumèrent, Éléonore étaient encerclés.

La nomade abandonna sa forme animale pour reprendre ses traits humains. Sa peau caramel était recouverte de douloureuses taches bleutées et ruisselaient de pluie.

— Tu n'as nulle part où fuir, s'exclama-t-elle.
— Tu ne peux pas me tuer, personne ne le peut !
— Si je ne peux en finir avec toi, le soleil s'en chargera. Il ne tardera pas à se lever désormais.

Éléonore étouffa un rire.
— Lorsque j'écoutais Lycos parler de toi avec tant d'admiration dans la voix, je m'imaginais une femme d'une grande intelligence. Visiblement ce n'était que l'idéalisation d'une mère par sa fille.
— Je t'interdis de parler d'elle ! Ce que tu as fait à notre peuple l'as détruite, hurla Olenne.

La rage submergea à nouveau la femme. La nomade se transforma une nouvelle fois en énorme louve. Elle s'apprêtait à bondir sur Éléonore, lorsque l'un des loups qui encerclaient la vampire, fut projetée sur elle en couinant bruyamment. La reine déchue tourna la tête et découvrit la silhouette d'un jeune homme, aux longs cheveux blonds collant à son visage, aux yeux azurs et à l'élégant costume trempé par la forte pluie.

— Théolias... s'échappa des lèvres d'Éléonore.

Eleonore's SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant