Chapitre 27

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La faible lumière vacillante des quelques chandelles, éclairait la petite chambre sous les combles qu'occupaient le serviteur d'Éléonore et le jeune homme qu'elle avait recueilli. Tomaze avait allongé Thaïs sur son lit de fortune et épongeait son front d'une serviette humide.

— Je sens plus mes jambes... j'ai du mal à respirer... gémit le blessé dans un souffle à peine audible.

Tomaze déchira le vêtement du jeune homme, ce qu'il redoutait était bien vrai. Il n'y avait aucune plaie sur le corps de son ami, seulement d'énorme ecchymoses témoignant d'une atteinte interne. Le vampire glissa ses doigts glacés sur le torse de Thaïs. Malgré sa délicatesse, le jeune homme hurla de douleur lorsqu'il approcha ses mains de ses côtés, plusieurs d'entre elles étaient cassées.

— Je ne sais pas quoi faire, le sang de vampire ne peut guérir que les blessures ouvertes, s'il est bu il devient un poison.
— Ce n'est rien Tomaze, chuchota Thaïs. Je serais mort libre grâce à toi et Éléonore, pas en l'esclave des gens qui m'ont retrouver quand j'étais bébé.

Le jeune homme déposa ses doigts sur la joue humide du vampire et plongea un regard témoignant de ses sentiments dans les yeux scintillants de Tomaze.

— Non ! s'exclama-t-il fermement. Je te laisserais pas mourir, il y a encore un moyen de te sauver, je dois te transformer en vampire !
— Mais je croyais que les serviteurs ne le pouvaient pas, puis de toute façon nous n'avons pas de sang de vierge.
— C'est vrai, mon sang ne pourra pas te transformer, mais celui d'Éléonore oui, quant au sang vierge, je sais où m'en procurer même si ça ne sera pas aisé... souffla-t-il en jetant un regard à la minuscule fenêtre de la chambre, par laquelle de faibles rayons de soleil s'infiltraient dans les déchirures du rideau opaque.

Tomaze se retourna vers Thaïs et le couvrit de son doux regard.
— Je t'interdis de mourir avant mon retour, lui dit-il tout bas.

Le vampire allait sortir de la chambre, mais se figea avant de passer le pas de la porte. Il s'avança vers le lit du blessé, déposa délicatement ses lèvres glacés sur celle de Thaïs avant de cette fois s'engouffrer dans les escaliers.

***

Une rougeoyante langue de feu ardente, jaillit des paumes de Rosaline, traversa le grand salon en direction de Lilith. La sorcière à la chevelure de la couleur du sang, brandit ses mains devant elle, ses lèvres étaient animées d'une occulte parole. La flamme brulante se brisa en deux sur les paumes de Lilith et alla mourir de chaque côté de la jeune femme.

La plus jeune des sœurs esquissa un sourire terrible face la mine stupéfaite de son aînée. Elle entama immédiatement la récitation d'une nouvelle incantation. Rosaline se reprit, elle ne laissa pas à la meurtrière d'Ernestine le loisir de terminer sa formule et frappa du pied sur le sol. La terre trembla d'une violente secousse, telle que le plancher de chêne massif se souleva et se brisa en une longue trancher jusqu'au pied de Lilith.

La jeune femme aux cheveux sanguin s'écrasa lourdement sur le sol. Rosaline s'empara du premier objet qui lui tomba sous la main, une lourde statuette en bronze représentant la déesse Diane reposante sur un socle de marbre griotte et s'élança vers la traîtresse. Dans sa furie vengeresse, la sorcière à la chevelure d'or oublia la protection que lui offrait le petit espace éclairé des rayons du soleil.

Éléonore ne laissa pas passer cette erreur, elle se rua sur la sorcière et la plaqua brutalement contre l'un des murs du salon. La statue glissa des doigts de Rosaline et se brisa sur le sol. La vampire approcha son visage, animé de la plus féroce bestialité qu'il lui était possible d'exprimer, de la face blême de la jeune femme.

— Que vas-tu faire maintenant que le soleil ne te protège plus ? ricana la femme immortelle.

Rosaline serra les dents, elle fixa Éléonore un instant avant de lui asséner un puissant coup de tête. La vampire eu un mouvement de recule, ce qui laissa à la sorcière juste le temps de ramasser l'une des parties de la statuette en bronze, la partie inférieure du corps de femme et son socle. Éléonore revint immédiatement à la charge, mais la jeune femme planta le fragment de sculpture au bord tranchant dans sa poitrine.

L'ancienne reine poussa un hurlement sinistre à en réveiller les morts en tombant sur le parquet fendu. La sorcière aux cheveux dorés se retourna vers sa sœur, mais son regard azur ne la trouva plus là où elle était étendue encore quelques instants auparavant. Malgré la soif de justice pour Ernestine qui brulaient ses entrailles, Rosaline se savait en infériorité contre ses deux puissantes ennemies. Elle n'avait d'autre choix que de fuir et chercher de l'aide auprès des autres sorcières du village.

Elle s'élança vers la porte d'entrée, ses doigts effleurèrent à peine la poignée lorsque Lilith reapparue derrière elle et la tira par ses longs cheveux bouclés. La jeune sœur poussa son aîné dans les abruptes escaliers menant à la cave. Rosaline dévala les marches de pierre usées et passa au travers de la vieille porte de la pièce souterraine.

La jeune femme à la chevelure rouge sombre adressa un regard à son alliée. Éléonore se tenait dans l'ouverture du salon sur le couloir, elle entoura la statuette brisée de ses doigts et l'arracha à sa chair. Elle abandonna la sculpture creuse emplie de son sang sur la commode de l'entrée et rejoignit la sorcière au sommet de l'escalier.

— Rosaline est piégée, finissons-en ! s'exclama Lilith sans pouvoir masquer son impatience.

***

Les gonds de la vaste chambre qu'occupait Éléonore dans le manoir grincèrent après le passage du serviteur vampire. Tomaze se hâtait, il enfila une paire de gant de cuir et couvrit ses épaules d'un long manteau en laine munie d'une large capuche. Ainsi protégé des faibles rayons du soleil de l'extérieur, le vampire s'avança sur le balcon de la chambre, il enjamba la balustrade et se jeta dans le vide.

L'homme à la peau glacée atterri avec la dextérité d'un chat sur le sol boueux. Il longea le plus possible l'ombre de la demeure noble jusqu'à voir le puits. Éléonore lui avait raconté son escapade dans la forêt en compagnie de Lilith et comment elle s'y était rendue par d'obscur souterrain ensorcelé. Ses mains gantés lâchèrent le dernier barreau métallique de l'échelle et se pieds atterrirent sur la corniche rocheuse.

Tomaze se saisit d'une torche invisible, dont la présence n'était signalée que part l'anneau métallique rouillé encore fiché dans le murs et courut sur le chemin lumineux qui s'offrait devant lui. Le tunnel déboucha sur un îlot de nature morte et desséchée sur lequel ne se dressait plus que les colonnes brisées et quelques murs effondrés d'un ancien temple romain à la gloire de la déesse Cybèle.

L'esprit du vampire était bien trop embrumé d'inquiétude pour s'émouvoir du désert sinistre qui l'entourait. Il s'enfonça dans l'épaisse forêt encore trempée par la pluie orageuse de la matinée. Quelques minutes seulement lui furent nécessaire pour apercevoir le couvent depuis la protection des bosquets.

Après avoir reçu l'ordre de partir de la part d'Éléonore, Garnier avait décidé d'aller se réfugier dans le couvent perdu au milieu de la forêt avec sa famille et Adrastée. Tomaze avait pu discuter avec elle, il était certain que le sang de la jeune femme était encore pure.

Il resta sous la protection ombragée de l'épaisse forêt jusqu'à se rapprocher au plus près de l'édifice religieux. Son esprit se retrouva en proie à l'incertitude quant à la manière dont il allait trouver la jeune domestique des Aragon dans l'immense bâtiment inconnu, mais cette inquiétude disparue en un instant lorsqu'il vit la frêle Adrastée déambuler seule dans les couloirs du cloître.

Le vampire attendit que l'adolescente ai le dos tourné pour s'engager lui aussi dans cette allée ouverte d'un côté sur un luxuriant jardin. Il vida sa flasque d'alcool dans un mouchoir avant de presser le tissu imbibé contre la bouche de la jeune femme.

Eleonore's SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant