Chapitre 23

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Les petites flammes rougeoyantes des innombrables bougies allumées dans la grande chambre qu'Éléonore occupait dans le manoir des Aragon, dansaient délicatement sur la surface immaculée du bain de lait d'ânesse que la vampire avait fait préparée par Tomaze et Thaïs.

Des torrents de pluies s'abattaient sur le toit de la bâtisse et berçaient la vampire de leurs tambours mêlés au grondement sourd presque continu du tonnerre. Éléonore se prélassait dans son bain fumant, elle caressait sa peau d'ivoire pour lui rendre l'éclat que lui enlevé son affrontement avec Ernestine tout en se délectant d'un grand verre de sang vermeil prélevé à son nouveau servant.

L'immortelle femme allait s'assoupir dans le liquide chaud lorsqu'elle entendit frapper à la porte de sa chambre. Sans bouger du cuvier dans lequel elle était installée, elle invita son visiteur à entrée d'une voix grave. La porte grinça devant Garnier, l'homme s'avança dans la pièce, le regard à la recherche d'Éléonore. Ses joues rougirent en découvrant la vampire nue dans son bain.

— Pardonnez-moi Princesse, je ne savais pas que vous n'étiez pas en état de me recevoir.
— Ne vous en faites pas Garnier, dites-moi plutôt la raison de votre présence.
— Je voulais m'assurer que vous alliez bien, le village n'est plus sûr désormais.
— Que ce passe-t-il ? demanda-t-elle intriguée.
— Croyez-vous aux démons Éléonore ?

La vampire ouvrit de grand yeux surpris devant l'homme, elle ne pensait pas que le noble était éclairé aux choses surnaturelles.
— Les démons vous-dites ? Ce ne sont que des contes que raconte l'Église pour justifier son pouvoir sur ses naïfs sujets et leur soutirer les pauvres deniers qu'ils se tuent à gagner !

Garnier émit un petit rire, mais reprit rapidement un air serieux.
— De là où vous venez c'est peut-être le cas, mais ici, dans ce village, les démons sont bien réels. Au milieu du siècle dernier, lorsque les religieuses se sont installées dans la forêt, elles ont découvert la présence de monstres abominables dans nos bois, des êtres sauvages à peine humain. Mon ancêtre a immédiatement mobilisé les villageois pour aider les sœurs, mais il aura fallut des décennies avant d'exterminer ces monstres.
— Des créatures de la forêt, souffla Éléonore en serrant les poings en repensant à la fourbe Florélia et sa fille Aska.
— Quelques temps après, alors que mon père était en fonction et que je n'étais qu'un enfant, nous avons découvert que plusieurs servantes de Satan habitaient dans le village. Ces sorcières ont été pendues à l'une des branches du plus grand chêne de la forêt et leur corps jetés dans des fosses communes.

Éléonore voulait éclater de rire, il était certain que les sorcières étaient encore présentes dans le village.
— Si vous vous êtes débarrasser de toutes ces créatures, que devrions-nous craindre à présent ?
— Les sœurs ont découvert une marque du diable dans la forêt, un servant de satan s'est installé dans notre village, ou a été réveillé récemment !
— Lilith, chuchota la vampire pour elle-même. Garnier, j'ai une mission à te confier, s'exclama-t-elle tout haut.

La vampire se leva de son bain immaculé et quitta le cuvier d'un mouvement lent et élégant. Les yeux bruns de l'homme s'écarquillèrent face au corps nu à la beauté divine qui se tenait à quelque pas de lui, telle une statue antique sur laquelle ruisselait une pluie de perles scintillantes. Mais contrairement à une sculpture de marbre, la femme devant lui se mouvait avec grâce et embaumait l'air d'un délicieux parfum de rose.

Éléonore plaça sa longue chevelure ardente sur son buste pour masquer ses charmes d'une irrésistibilité provocante. Elle s'amusa du visage empourpré que Monsieur Aragon lui adressait alors qu'elle s'avançait vers lui d'une démarche féline. Elle s'arrêta au plus près de l'homme, si près qu'elle pouvait sentir le souffle de sa respiration sur sa peau, la chaleur émanante de son corps.

Eleonore's SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant