Chapitre 32

13 5 0
                                    

Les flammes rougeoyantes valsaient dans l'âtre de l'immense cheminée et rongeaient de leurs brûlures ardentes, les bûches de bois crépitantes. Alanguie sur un petit fauteuil face au brasier, Éléonore faisait tourner le liquide rouge sombre contenu dans son verre en cristal entre ses doigts. Elle trempa ses lèvres dans ce vin au gout infecte et s'en abreuva avidement. Ce n'était les propriétés gustatives du breuvage qui l'attirait, c'était l'ivresse qu'il provoquait dans son esprit ne serait-ce qu'un court instant.

Les sens enivrés de la vampire entendirent la lourde porte de l'entrée s'ouvrir sur le passage de la famille Aragon. Le pas de Madeleine firent grincer le parquet du salon et s'approchèrent de l'invitée.

— Votre journée s'est-elle déroulée comme vous l'espériez Princesse ? demanda la noble femme sans masquer l'agacement qu'elle ressentait d'avoir été chassée de sa propre demeure.
— Parfaitement, répondit froidement Éléonore.
— Et pouvons-nous savoir qu'elle affaire urgente a nécessité notre départ de notre propre manoir ?
— Madeleine, vous comprenez qu'une femme doit parfois garder certaines affaires secrètes, continua la vampire d'un ton détaché.
— Bien entendu, lâcha sèchement Madame Aragon, dont l'éducation lui interdisait d'insister malgré son profond désir de le faire. Dans ce cas, je vais rejoindre ma chambre, cette journée a été particulièrement éprouvante.

Les marches des escaliers craquèrent sur le passage de Madeleine. Garnier et Florestan entrèrent saluer celle qui se faisait nommer Princesse de Provence et se dirigèrent ensemble dans le fumoir du manoir. Il ne resta plus qu'Adrastée et Éléonore dans la vaste pièce.

— Venez-vous réchauffer devant la cheminée jeune enfant, sussura la vampire à la jeune domestique.

L'adolescente accepta d'un timide mouvement de la tête et vint s'asseoir sur l'un des confortables fauteuils, idéalement positionné devant l'âtre de la cheminée pour être enveloppé de l'agréable chaleur dégagée par les flammes.
— Qu'est-il arrivé à votre main, s'enquit Éléonore d'un étonnement feint.

Adrastée posa son regard sur le bandage blanc qui entourait sa paume et releva les yeux vers la vampire.
— Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, je me baladais dans le cloitre du couvent puis plus rien. Je me suis réveillée plus d'une heure après, allongée dans le lit d'une sœur et avec ça. Les religieuses n'ont pas voulu me dire ce qu'il m'était arrivé, mais...
— Quoi ? l'encouragea Éléonore.
— Elles... elles avaient l'air terrifié par quelques choses, elles serraient leurs crucifix contre elles. J'en ai même vu certaines sculpter des pieux de bois dans des petites bûches destinées au feu !

Les mâchoires de la vampire se crispèrent. Elle avait dépensé tant d'énergie pour ne pas se faire repérer par les villageois, mais ses efforts avaient été réduit à néant par l'imprudence enfantine de son serviteur. Ce n'était pas pour rien que l'on ne considérait même pas ces êtres comme de véritable vampire. Ses doigts se serrèrent fermement autour du verre en cristal jusqu'à le faire se briser en de nombreux éclats tranchants.

Adrastée émit un petit cri de stupeur. Les débris cristallins se répandirent sur le parquet empourpré du sang d'Éléonore.
— Princesse, vous saignez, s'exclama la domestique.

L'adolescente se leva et s'empressa de prendre la main de la femme pour s'occuper de la blessure. Ses doigts frissonnèrent au contact de la peau glacée de la vampire et ce frisson gagna son corps tout entier lorsque que son regard ne découvrit aucune coupure dans la paume de l'ancienne reine.

— Comment... je ne comprends pas, souffla-t-elle tout bas les yeux écarquillés.
— Je n'ai rien, ce n'était qu'un fond de vin dans le verre.
— Mais je vous ai vu le finir, il n'y avait plus rien dedans, il était vide... chuchota-t-elle sans parvenir à comprendre.

Eleonore's SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant