Chapitre 12

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De longues mèches de cheveux ardents, dansaient entre les gouttes de la pluie diluvienne qui s'abattait sur la nuit. Éléonore filait, rapide comme l'air, entre les arbres de l'épaisse forêt entourant le hameau sur la colline. Elle poursuivait rageusement, la meute de loup qui s'en était prise à son précieux fils. La colère s'était emparée d'elle et rien ne pouvait la détourner de sa vengeance. Elle fonçait sur les canidés, refermait ses mains autour de leur queues ou saisissait brutalement la peau de leur nuque pour les projeter contre les troncs d'arbres un à un.

De ses iris devenus pourpre, elle scrutait l'obscurité des bois à la recherche des animaux en fuites. Mais soudain, son cœur se serra brutalement dans sa poitrine. Une vive douleur se diffusa de cette organe et se propagea dans tout son corps. Elle s'arrêta, essoufflée. Elle tomba d'épuisement sur le sol boueux entre deux arbres. Elle parvenait à peine respirer.

Un coup de tonnerre assourdissant déchira la nuit, un éclair blafard frappa un arbre dans son dos, un second en enflamma un autre à sa droite. Éléonore n'y accorda même pas un regard, son esprit était absorbé par autre chose.

— Théodore ! Il est en danger ! s'exclama-t-elle, une main pressée sur son cœur.

Malgré le peu de force qui lui restait encore, la vampire se redressa et s'élança vers la ferme.

Le corps de Théodore s'enfonçait de plus en plus dans le sol devenu boue. Il parvint à libérer ses bras et tenta de repousser l'énorme louve qui pesait sur lui de tout son poids. Les puissantes mâchoires d'Olenne claquaient à quelques centimètres de son visage. Il pouvait sentir l'haleine putride de cette créature, envahir ses narines.

La force que lui conférait le sang de sorcière, l'abandonnait peu à peu. Il ne pourrait bientôt plus retenir les mâchoires de la créature, les empêcher de se refermer sur son cou. Ses paupières se fermèrent sur ses yeux azurs, alors qu'il utilisait ses dernières forces pour repousser le loup-garou.

D'un coup, la pression qu'Olenne exerçait sur son corps s'évanouit. Il ouvrit précipitamment ses yeux. Éléonore venait de saisir la nomade par le col et la jeta violemment contre l'écurie qui se dressait quelques mètres plus loin. Le corps massif de la louve traversa le mur de pierre et s'écrasa sur le sol recouvert de paille, de l'un des boxes inoccupé.

Éléonore tendit la main pour aider son fils à se relever. À peine sur pieds, Théodore se saisit d'une fourche et s'élança vers le bâtiment pour chevaux.

— Mon fils, attends ! s'écria Éléonore en le retenant d'une main sur son épaule.
— Pourquoi ? Cette créature voulait vous tuer et a bien failli m'avoir ! Elle doit mourir.
— Non, elle avait une bonne raison de faire ce qu'elle a fait. Et elle a encore une mission à accomplir dans ce monde !
— Mère, je ne vous reconnais plus. Jamais vous n'avez laissé un tel affront impuni !

La vampire baissa le regard un instant.
— Mais qui me puni pour les miens... souffla-t-elle si bas que s'en était presque inaudible. Je ne te demande pas de me comprendre, juste d'obéir à mes ordres, assena-t-elle froidement.

Les doigts de Théodore s'ouvrirent, laissant tomber la fourche qu'il tenait.
— Comment osez-vous me donner des ordres, après nous avoir abandonnée moi et Élias, après nous avoir fait croire à votre mort !
— J'ai donné deux cent ans de ma vie pour vous deux, il était temps que je poursuive mon chemin seule ! Je devais vous faire croire à ma mort pour que vous ne me cherchiez pas ! Mais vous l'avez fait quand même...
— Vous... c'est vous qui avez prévenu les chasseurs, pour pouvoir disparaître sans que l'on se pose de questions !
— Je n'aurais jamais fait une telle chose ! gronda-t-elle. Lorsque Tomaze m'a informé de leur approche, j'ai su que c'était un signe du destin, j'ai su que le moment était venu pour moi.

Un rire étouffé, n'exprimant en rien une émotion joyeuse s'échappa de la gorge de Théodore.
— Quelle chose peut être si importante à votre cœur, pour vous faire abandonner tout ce que vous avez construit depuis deux siècles ?
— As-tu déjà été amoureuse Théodore ?
— J'ai eu plusieurs aventure...
— Je ne te parle pas de cet amour ! le coupa-t-elle sèchement. Je te parle de sentiments si puissant qu'ils... Tu ne peux pas comprendre, souffla-t-elle. Retrouve ton frère et arrêtez de me suivre, je ne veux plus vous revoir ! asséna-t-elle avant de disparaître.

La pluie s'arrêta soudain de battre le sol, mais ses gouttes furent remplacées par des larmes, sur les joues du vampire.

***

Le soleil pointait ses premières lumières à l'horizon. Les nuages qui ensevelissaient le ciel, encore quelques instants plus tôt, s'étaient dissipés après le déluge qu'ils avaient provoqué sur la terre.

Théodore vagabondait dans les ruelles inondées du petit village, sans but, sans se soucier des rayons solaires qui ne tarderaient pas à l'atteindre. Son esprit n'était occupé que par une seule chose, les derniers mots de sa mère, si durs et si cruels à entendre. Il ne pouvait pas infliger cela à son frère, il avait toujours été le plus proche d'Éléonore, il ne le supporterait pas. Il continua son chemin jusqu'à la petite place, où son frère et lui s'était séparé. Élias était là, comme il s'y attendait.

— Mon frère ! s'exclama ce dernier, en le voyant approcher. As-tu retrouvé notre mère ? demanda-t-il, sa voix et ses grands azurs empreint d'espoir.
— On devrait se mettre à l'abri avant que le soleil ne soit trop haut dans le ciel, répondit-il tout bas, en baissant le regard vers ses pieds, pour ne pas croisé celui de son frère.
— Que... que t'est-il arrivé ? Tes vêtements sont couvert de boue ?
— Je t'expliquerais, mais nous devons rentrer avant.

Sans attendre une réaction d'Élias, Théodore s'élança vers une petite taverne, la seule du village. Elle semblait fermée, en raison de la tempête, mais cela n'arrêta pas le vampire. Il força la porte d'un puissant coup de pied et se dirigea immédiatement vers le bar. Il se saisit d'une bouteille de l'alcool, le plus fort qu'il trouva et s'accouda au comptoir.

— Théodore, dis-moi ce qu'il ce passe ? implora Élias en prenant place face à lui.
— Mère n'est pas là...
— Comment ça ? C'est impossible, le sang de Tomaze nous a conduit ici. Elle est forcément quelque part, on a peut-être pas fouiller toutes les...
— Non ! Elle n'est pas là, j'ai trouvé Tomaze. Après nous avoir annoncé la mort de notre mère, il l'a rejointe à l'auberge. C'est là qu'elle lui a rendu sa liberté, en récompense. Il ne sait pas où elle est allée ensuite, menti Théodore afin de protéger son frère jumeau.
— Il ment, j'en suis sûr. Où est-il, je dois lui parler, s'exclama-t-il en se levant de sa chaise.

Théodore ferma ses doigts autour de la bouteille d'alcool et l'apporta à ses lèvres. Il en avala le contenu aussi rapidement que si cela avait été de l'eau, ou plutôt du sang, et reposa brutalement le récipient sur la table de bois.

— C'est impossible, on s'est battu et je... j'ai arraché son cœur de sa poitrine...
— Quoi ! Non ! Comment as-tu pu faire une telle chose ? Comment as-tu pu le tuer ? Il était notre seul piste pour retrouver notre mère ! hurla Élias, des larmes naissantes aux creux de ses yeux.
— Il ne nous aurait dit, puis...
— Puis quoi ?
— Elle nous à abandonner Élias, notre mère nous a tourné le dos. Si elle nous aimait, ne serait-ce qu'un peu, elle ne serait pas partie. Je ne veux pas gâcher un instant de plus de ma vie à la chercher. Au coucher du soleil, je retournerai chez Mademoiselle D'Avignon, le temps que notre domaine soit rebâti. Je serais heureux si tu venais avec moi.
— Je... je ne peux pas abandonner, je retrouverai ma mère, peu importe le temps que cela me prendra.
— Tu es libre de perdre ton temps dans une quête qui ne conduira à rien de plus que du désespoir... répondit-il cinglant.

L'instant d'après, Théodore avait disparu vers les quelques chambres de l'étage.

Eleonore's SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant