Chapitre 33

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Le souffle coupé par la puissante main refermée autour de sa gorge, Olenne sentait l'air lui manquer. Ses pieds se balançaient tristement au-dessus du sol sans parvenir à trouver le moindre appui, elle se débattait avec hargne de l'emprise de la vampire sur son cou, ses doigts essayèrent de faire s'ouvrirent la poigne d'Éléonore, sans succès. L'ancienne souveraine afficha un terrifiant sourire sur ses belles lèvres vermeilles, elle se délectait de la terreur qu'elle pouvait lire dans les yeux de sa prisonnière.

Sous le porche du manoir, Ludolphe se détourna de sa fille et découvrit le terrible spectacle qui se déroulait à quelques mètres seulement des marches.
— Rentre te mettre à l'abris, intima-t-il à sa descendance.

L'homme dévala à toute vitesse les escaliers dressé devant le manoir.
— Lâche là ! ordonna-t-il à Éléonore dans un grondement menaçant.

Le regard de Ludolphe s'illumina d'un éclat rouge de rage, ses lèvres se soulevèrent pour dévoiler de longs crocs acérées. La vampire tourna la tête vers cet inconnu qui avait l'audace de lui donner des ordres et de la menacer. Elle toisa son adversaire de ses yeux teintées de la couleur du sang et dévoila elle aussi ses longues canines pointues.

— Je t'aurais prévenue ! tonna l'homme les sourcils froncés.

Ludolphe jeta sa chemise ample et salit par le labeur sur le sol et se laissa tomber à quatre pattes sur la terre. Son dos se gonfla de muscles hypertrophiés, ses articulations craquèrent et se retournèrent, ses os se brisèrent dans un abominable cri, sa peau se déchira pour se couvrir d'une épaisse fourrure grise tachetée de noire. Après quelques instants, il leva son imposante gueule de loup vers la vampire et gronda de ses mâchoires salivantes. Il prit appui sur ses pattes arrières afin de prendre de l'élan et bondit de tout son poids sur son adversaire.

Éléonore projeta Olenne plusieurs mètres plus loin et se prépara à recevoir le canidé géant. La vampire arrêta la gueule de l'animal à un millimètre à peine de se refermer sur son visage, elle empoigna le loup par le col et le repoussa de toute sa force surnaturelle. Ludolphe atterrissait tout juste sur le sol qu'il revint à la charge.

— Papa, non ! hurla Adrastée en descendant à son tour les marches menant au porche du manoir.
La jeune femme courut à toute vitesse en direction des êtres belliqueux malgré l'ordre de son père.

L'énorme loup envoya l'une de ses pattes armées de griffes tranchantes lacérer l'épaule de la vampire. Éléonore riposta aussitôt d'un puissant coup de poing en plein flan. Le canidé roula sur lui même dans la cour encore boueuse. La vampire ne lui laissa pas le temps de se relever, elle brandit sa main aux fins doigts terminés de longs ongles pointus et l'abattit sur la créature.

— Non ! gronda Adrastée.

Les doigts de la jeune domestique agrippèrent le bras d'Éléonore avant qu'elle n'atteigne sa cible. La vampire braqua son féroce regard bestial sur la jeune femme, elle était prête à la repousser lorsqu'elle sentit une violente décharge électrique parcourir son corps tout entier. Elle sentit immédiatement ses muscles être vidé de toutes leurs forces, toute son énergie être aspirée.

Autour de la main d'Adrastée, de petite étincelle blanchâtre jaillissait de sa peau, rapidement ses étincelles éparses se firent de plus en plus nombreuses et se transformèrent en de véritables éclairs foudroyants. L'adolescente poussa un hurlement terrifié par ses propres capacités. Elle sentait son corps être submergé par une force incontrôlable. Ses doigts relâchèrent le bras d'Éléonore, mais les arcs électriques émit par son être ne cessèrent, au contraire, ils prirent encore plus d'intensité.

La foudre frappa la reine déchue de plein fouet et l'envoya s'écraser brutalement contre un petit muret de pierre une dizaine de mètres plus loin. Adrastée tomba à genoux, ses longs cheveux s'élevèrent dans l'air nocturne et perdirent leur couleur sombre pour n'être plus que d'une blancheur immaculée. Ses cris terribles, dans lesquelles la douleur se mêlait à l'extrême terreur qu'elle ressentait, déchiraient la nuit sombre couronnée d'une froide lune blafarde.

Elle ne pouvait contenir l'excès d'énergie accumulée dans l'ensemble de ses cellules, un infernal déferlement d'électricité jaillit de sa frêle silhouette et foudroya tout ce qui se trouvait autour d'elle. La végétation, le sol, rien ne fut épargné, pas même le corps étendu à terre de Ludolphe, son père.

Olenne redressa la tête sur cette effroyable scène, elle était suffisamment éloignée de la jeune femme pour ne pas être menacée par les violents éclairs qui jaillissaient d'elle, mais suffisament proche pour être témoin du triste sort de l'énorme loup, dont l'imposante carrure était pilonnée par la foudre. Elle comprit à cette instant qu'elle n'avait pas le choix. La jeune femme à la chevelure argentée s'empara du poignard accrochée à sa cheville et le lança sur l'être incontrôlable.

La lame courte tournoya dans la nuit en reflétant les rayons argentés de la lune, puis vint se planter en pleine poitrine d'Adrastée. La jeune domestique s'effondra sur le sol, les éclairs cessèrent leur destructeur ballet dans la cour du manoir alors qu'une mare de sang vermeil s'étirait autour du corps de la pauvre enfant.

Olenne s'empressa de rejoindre Ludolphe, le loup avait reprit sa forme humaine ce qui dévoilait sa peau criblée d'impact de foudre.

— Ludolphe, parle-moi ! s'écria la jeune femme espérant encore qu'il soit encore en vie. Je t'en pris, dis-moi quelque chose !
— Adrastée... prononcèrent dans le plus léger des souffles, les lèvres de l'homme.
— Comment a-t-elle pu faire ça ? Les loups ne sont pas capables de créer la foudre !
— Sa mère... était une sorcière...

Les mots de Ludolphe quittèrent se lèvres et emportèrent avec eux avec son dernier souffle. Ses paupières à jamais se refermèrent sur ses yeux marrons.
— Non ! Tu ne peux pas mourir, pas après tout ce que tu as fait pour moi, pas comme ça ! hurla-t-elle un regard suppliant adressé à la lune.

L'astre majestueux se contenta de luire de son éclat blafard dans l'immensité céleste peuplée de petites étoiles scintillantes. Olenne se redressa tremblante, haletante de colère face à ce drame.
— Elle était une sang-mêlé, à moitié louve et à moitié sorcière... c'est cette union malsaine qui a créé cette abomination ! s'exclama-t-elle en divaguant autour des cadavres du père et de la fille.

Un gémissent sourd résonna dans la cour du manoir, Éléonore reprenait vivement conscience après son violent choc contre le muret de pierre. Entre les longues mèches ondulées de ses cheveux flamboyants, les pupilles émeraudes de la vampire ne purent manquer de voir la dépouille d'Adrastée étendue sur le sol, la poitrine transpercée par une arme qu'elle reconnue en un instant.

— Tu l'as tuée ! gronda Éléonore d'une voix terrifiante aussi grondante que le tonnerre.
— Je n'avais pas le choix, elle était incontrôlable, elle a tué son père, elle allait tout détruire.

La vampire se releva, ses pupilles s'assombrirent de rouge. Elle se préparait à se ruer sur la louve lorsque celle-ci fuya à toute vitesse. Olenne bondit sur le dos de son cheval et s'enfonça au galop dans la nuit obscure. Éléonore aurait pu la suivre et la rattraper, mais elle renonça à ce projet tentant, elle devait faire disparaitre les corps avant que les Aragon ne les remarque.

***

La petite flamme incandescente du cierge vacillait au rythme des paroles occultes et maléfiques, répété en boucle par les fines lèvres vermeils de Lilith. La petite chambre de la sorcière était plongée dans le noir, seul la faible lueur rougeoyante de la chandelle permettait de deviner avec horreur les nombreux cadavres d'animaux pendus au plafond pentu de la minuscule pièce. Les corps de lapins, de poules ou encore de rongeurs donnés en sacrifice à un dieu païen se balançaient sinistrement au bout d'une corde, scarifiés d'abjects symboles sataniques.

Au-dessus de la flamme, une fumée noire s'élevait en une volute légère jusqu'aux lèvres de Lilith qui respira avidement se fumet obscure. Ce sombre nuage imprégna la peau blafarde de la jeune femme et colora les veines de ses joues d'un violet profond jusqu'à atteindre ses yeux et les emplirent complètements d'une noirceur plus sombre que la pire des nuits, que le plus profonds des gouffres.

L'effrayant phénomène se dissipa en quelques instants terribles. La sorcière à la chevelure de la couleur du sang brandit sa main devant son visage et se concentra, la seconde suivante, sa paume s'embrasa d'une flamme infernale.

— Que les choses sérieuses commencent ! gronda Lilith d'une terrifiante voix.

Eleonore's SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant