Chapitre 16

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La lueur argentée de la lune faisait scintiller les iris redevenus de la couleur de l'émeraude d'Éléonore. Le visage impassible qu'elle adressait à la nuit n'était qu'une façade pour dissimuler l'intense espoir qui renaissait dans son cœur, mais auquel elle n'osait croire de peur d'être à nouveau terriblement déçue. La vampire fixait de son regard intrigué, la jeune Lilith dont les belles promesses étaient aussi tentantes que celles du diable.

Cette sorcière arborait une longue chevelure d'un rouge sombre, rappelant la couleur du sang, qui enveloppait sauvagement ses larges épaules. Elle était vêtue d'une robe violette, bien trop large pour sa carrure mince et fine et parsemée de tâches, de déchirures et d'usures en tous genres. Malgré les traits juvéniles de son visage qui exprimait une douce candeur, une étonnante assurance brulait dans le regard aux pupilles plus sombres que la nuit de Lilith et un léger sourire presque sournois était affiché sur ses lèvres fines.

— Comment comptes-tu ramener mon tendre Théolias à la vie ? demanda Éléonore d'une voix basse.
— Il existe un rituel issue d'un ancien ouvrage occulte, mais la nécromancie requiert de grands pouvoirs, des pouvoirs que je ne possède pas, du moins pas encore... Avec votre aide, je pourrais voler les capacités de mes sœurs et ainsi je serais assez puissante pour ramener l'être que vous aimer à la vie !
— Pourquoi je t'aiderais à voler les pouvoirs de tes sœurs quand je pourrais leur demander à elle de faire ce rituel !

Lilith laissa échapper un rire.
— Mes sœurs n'accepteront jamais d'accomplir un tel acte, la nécromancie est la sorcellerie la plus... extrême qui existe et cela fait peur à la plupart de mes semblables, vous avez déjà pu constater le peu de témérité dont mes chères sœurs font preuve. Ce n'est pas mon cas !

Éléonore plongea son regard dans les yeux sombres de la sorcière, avant de tendre sa main à la peau glacée vers elle. Lilith la lui serra fermement, le visage parée d'un large sourire.

— Notre pacte est donc scellé, je t'aiderais à t'emparer des pouvoirs de tes sœurs et toi tu ramèneras Théolias d'entre les morts !

Lilith acquiesça et s'apprêtait à prendre congé de la vampire, mais celle-ci la retint.
— Il semblerait que je doive rester un peu plus longtemps que je ne l'avais prévu dans ce village, n'y a-t-il pas dans les alentours une demeure plus digne de me recevoir que ces taudis miteux ?
— Il y a bien le manoir des Aragon sur la colline, ce sont les seigneurs de ces terres, mais ils ne sont pas réputés pour leur hospitalité.
— Ne t'inquiète pas pour cela, je sais me montrer très persuasive, fit-elle d'une terrifiante voix grave.

Lilith regarda la vampire s'engouffrer dans la cabine de la berline. Sous les rênes d'un jeune homme dont l'origine lui était inconnue, le véhicule se mit en route vers la plus riche demeure du village et de ses alentours.

***

Le soleil pointait ses premiers rayons de lumières dorés au lointain de l'horizon, derrière l'immense forêt de pins, de châtaigniers ou encore de chênes centenaires qui entourait le petit village. Le véhicule tiré par des cheveux s'arrêta au sommet de la colline surplombant tout le hameau de modestes fermes paysannes.

Éléonore descendit de la berline et posa son regard sur la facade du manoir. La bâtisse en pierre volcanique noir se dressait massivement sur trois étages. Un escalier de quelques marches menait à un porche surplombant la large et lourde porte d'entrée. Les fenêtres rares, mais particulièrement large, les quelques tours arrondies et carrés, s'élevant ici et là contre le corps principal du bâtiment, témoignait de l'origine médiévale du lieu, depuis modifier pour répondre au besoin de ce siècle.

La vampire s'avança, elle passa devant un large puits et monta les quelques marches conduisant à l'entrée. Elle frappa à la porte de bois massive d'une main ferme et pressée. Quelques instants plus tard, celle-ci s'ouvrit sur une jeune adolescente vêtue d'un habit de domestique. Elle ne semblait pas avoir plus de seize ans pourtant ses longs cheveux bruns étaient parsemés de quelques mèches de cheveux blancs. Sa peau d'une pâleur maladive et ses yeux creusés de sombres cernes accentuaient l'impression de fragilité que dégageait son maigre corps.

— Que puis-je faire pour vous ? demanda-t-elle d'une voix aussi faible qu'un soupir.
— Tu m'as l'air bien jeune pour être levé à une telle heure, opina Éléonore. Comment t'appelles-tu jeune enfant ?
— Je... je m'appelle Adrastée, répondit-elle troublé par cette inconnue. Je suis la seule domestique du manoir, alors...
— Puis-je voir ton maître ? la coupa la vampire, mais d'une voix plus douce qu'à l'ordinaire.
— Bien sûr, je vais lui faire par de votre présence immédiatement. Qui dois-je annoncer ?
— Éléonore, Éléonore Princesse de Provence.

La jeune servante s'empressa de prévenir son maître, Garnier Aragon. Assit à son bureau, l'homme de quarante ans s'était levé avant l'aurore afin de pouvoir aller chasser avant les trop fortes chaleurs de l'été et préparait son fusil. Il leva une mine étonné lorsque Adrastée lui annonça le nom de l'étrangère à sa porte, mais il lui indiqua de la faire attendre dans le salon.

À la seconde où il entra à son tour dans le salon et que son regard se posa sur Éléonore, il fut instantanément stupéfait par son immense beauté. Garnier, lui, était un homme grand et plutôt svelte pour son âge, son visage était marqué de profondes rides, mais harmonieusement placé, elle ne faisait que lui rajouter autant de charme. Ses yeux étaient marrons, ses cheveux gris et court et il était vêtu d'un élégant costume de couleur pourpre parfaitement ajusté à son corps.

— Princesse, scanda-t-il en entrant dans la pièce et en se voûtant le dos pour lui faire une révérence.
— Mon cher, répondit la vampire en se levant de la chaise sur laquelle elle attendait.
— Je suis très surprit d'avoir de la visite, surtout à une heure du jour si précoce.
— Veuillez excuser mon manque de prévoyance, l'implora Éléonore d'une voix bien trop charmeuse pour être sincère. Ma présence ici n'était en rien prémédité, mais je me retrouve obliger de rester dans ce village pour quelques jours. L'on m'a parlé de votre demeure comme étant la plus digne de me recevoir de tous les alentours, susurra-t-elle tout en penchant légèrement son buste pour mettre en avant sa poitrine généreuse.

Garnier ne put s'empêcher de faire un pas vers cette femme si attirante qui se tenait face à lui, sa main se leva dans les airs et s'approcha délicatement de la joue de la vampire, mais avant que ses doigts n'entre en contact avec la peau glacée d'Éléonore, il se retint et détourna le regard.

— Je ne sais pas ce que vous voulez, mais sachez que l'on ne me dupe pas si facilement. Il n'y a plus eu de Princesse de Provence depuis plus de deux siècles, vous feriez mieux de partir si vous ne voulez être châtié pour votre mensonge ! s'exclama gravement l'homme les sourcils froncés.

— Oh châtiez-moi si cela vous plait ! chuchota-t-elle avec toute sa froide impertinence qu'elle avait tenté dissimuler jusque-là.

Éléonore s'avança vers Garnier, mais à mesure que ses pas la rapprochait de l'homme, son visage d'une si grande beauté se parait de traits féroces et bestiales. Ses belles lèvres se soulevaient sur de longues canines acérées et tranchantes, ses sourcils se fronçaient sur des pupilles à la couleur vermeille et à l'expression terrifiante d'un prédateur.

— Cette fois l'on ne pourra pas me reprocher de ne pas avoir essayé la manière douce, dit-elle avant de fondre sur le maître de maison.

Les longues canines d'Éléonore se plantèrent dans la cou de Monsieur Aragon, un sang chaud emplit la bouche de la vampire, tandis que son venin se diffusait dans les veines de sa proie.

Eleonore's SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant