Chapitre 35

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La lumière rougeoyante des bougies, dressées sur deux chandeliers posés de chacun d'un côté du large bureau d'Amélia, la mère supérieure, emplissait la petite pièce d'une aura de mystère. Les flammes ardentes dansaient en compagnie des ombres sur le papier jaunie d'un vieil ouvrage manuscrit de la main même de Cédric Jager, l'illustre chasseur de créature surnaturelle. Celui-ci avait prit le commandement de l'ordre peu après la mort de la reine et initiatrice de ce corps armé, Diane et il avait également grandement œuvré pour émanciper ces hommes du contrôle royal ou de tout autre puissance supérieur.

Ce n'était toutefois pas sur les récits d'un homme ambitieux et stratège que glissait les doigts ridés de la femme d'église, mais sur les récits de ses exploits aux combats. La mère supérieure s'abreuvait de toutes ces atroces histoires de massacres de vampires supposés et s'imprégnait de toute les connaissances qu'il renfermait. Bien sûr, elle ne découvrait pas ces écrits pour la première fois, elle les avait déjà parcourus à mainte et mainte reprises, mais elle devait bien s'occuper en attendant la réapparition de son diabolique ennemi.

Les gonds rouillés de la fenêtre grincèrent d'un cri strident dans le dos de la mère supérieure. Un vent vif et glacée s'engouffra violemment dans le bureau et souffla d'un coup les nombreuses chandelles. La pièce se plongea immédiatement dans une obscurité presque totale, dans laquelle dansait les volutes de fumée grise s'élevant des mèches des chandelles, seul un faible halo de lumière rougeâtre émanait du feu mourant, rongeant encore une bûche dans l'âtre de la cheminée.

La mère supérieure se leva vivement de son siège, elle serrait dans une main, une fiole d'eau bénite et dans l'autre, un pieu de bois acéré en forme de croix, qu'elle avait placé à disposition dans l'éventualité d'une visite de ce genre. Son regard éclaircit par l'âge avancée scrutait avec concentration l'obscurité ambiante, mais elle ne parvenait à percevoir que de rapides ombres mouvantes tout autour d'elle.

Une pointe de peur s'installa en elle, il n'y avait pas qu'un seul vampire dans la pièce, mais deux, elle pouvait sentir le souffle léger de leur courses distinctes sur sa peau. Les doigts d'Amélia se crispèrent autour de la fiole d'eau bénite, elle ne s'était pas préparée à affronter deux de ces créatures buveuses de sang. Peu importe, elle anéantirait ces suppôts de satan de toute manière, se forçait-elle à se convaincre.

Tomaze arrêta sa course à quelques pas de la cheminée, sa silhouette sombre et immobile se devinait dans la nuit. Il fit un premier pas en direction de la mère supérieure, puis un second, mais cette ruse n'était pas du genre à marcher sur une femme expérimentée comme Amélia. La religieuse se retourna vivement et explosa la fiole d'eau bénite sur le front du second vampire qui s'apprêtait à planter ses crocs dans sa nuque.

Thaïs poussa un terrible hurlement de douleur, l'eau sacrée dévorait atrocement la peau et la chair de son visage. La femme d'église brandit son pieu de bois et l'abattit sur le vampire, mais celui-ci parvint à se jeter dans l'obscurité avant que l'arme ne pénètre sa chair. La mère supérieure ne se risqua pas à attendre que son ennemi se remette, elle se savait désavantagée par l'obscurité.

Elle fuit son petit bureau pour rejoindre sa chambre au même étage, seulement séparé par un long couloir. Dans le modeste lit, la prieure du couvent ne dormait que d'une oreille, entouré de plusieurs candélabres allumés. Alertée par le bruit, elle se redressa sur le matelas peu confortable et fixa la mère supérieure d'un regard inquiet.

— Ils sont là ! annonça gravement la religieuse à sa consœur.

***

Les cris d'atroces douleurs que poussaient Thaïs arrachaient presque une larme aux yeux bruns de Tomaze. Le serviteur se hâta au côté de son ami. Il pressa un mouchoir en tissu sur la tête du vampire, à l'endroit atteint par l'eau bénite, afin d'essuyer cette souillure sacrée. Les résultats ne se firent pas attendre plus de quelques instants, la douleur disparut et la plaie se referma d'elle-même.

Eleonore's SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant