Chapitre 19

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— Vous êtes réveillé, enfin, s'exclama l'homme assit à son chevet.

Olenne tourna douloureusement son regard vers l'inconnu. C'était homme dans la quarantaine, son visage buriné par le soleil et son corps sec lui indiquèrent immédiatement qu'il s'agissait d'un paysan. La louve tenta de se redresser, mais l'homme lui retint les épaules pour qu'elle reste allongée sur le lit de paille.

— Vous devez rester couchée, vous êtes trop faible pour vous lever, lui dit-il avec bienveillance.
— Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que je fais ici, articula Olenne avec difficulté.
— Mon nom est Ludolphe, je vous ai trouvé inconsciente et grièvement blessée dans les écuries d'une des fermes du village. Je vous ai amené chez moi pour soigner vos blessures et veiller sur vous.
— Pourquoi est-ce que m'avez vous aidé ? Vous ne me connaissez même pas !
— Je... je ne vous ai pas trouvé par hasard, j'ai entendu votre hurlement de détresse dans la nuit, je suis comme vous, je suis un loup moi aussi. Malheureusement, le temps que je vous trouve le jour s'était déjà levé et vous gisiez dans le foin de l'écurie.

La jeune femme aux cheveux argentées posa à nouveau son regard sur Ludolphe. Elle ressentait désormais son appartenance à son peuple, elle ne l'avait certainement pas sentis jusque là à cause de sa rage à l'encontre d'Éléonore.

— Merci de m'être venue en aide, je m'appelle Olenne... commença-t-elle.
— Olenne ? Vous êtes la femme dont les légendes parlent ? Celle qui s'est sacrifiée pour nos ancêtres ?
— En effet, c'est bien moi, acquiesça-t-elle.
— Mais, qui a bien pu vous faire cela ?
— C'est une vampire, son nom est Éléonore, c'est elle qui est responsable de la malédiction qui pèse sur nos nuits et de la dispersion de notre peuple. Je pensais pouvoir la tuer seule, mais elle a eu l'aide d'un autre suceur de sang et j'ai été battu...

Ludolphe humidifia un petit morceau de tissu et l'appliqua sur le front de la nomade.
— Ne vous en faites pas, vous aurez d'autres occasions de lui faire payer.

Olenne essaya à nouveau de se redresser, une violente douleur s'alluma dans ton son corps, mais malgré celle-ci, elle tenta de se lever.

— Vous ne devriez pas bouger, vos blessures ne sont pas suffisamment guéries ! s'exclama l'homme.
— Je ne peux pas perdre plus de temps, je dois poursuivre ma mission et retrouver le plus de loup possible avant que les chasseurs ne les retrouvent et les tuent.

— Vous ne sauverez personne si vous mourrez en passant cette porte. Vous devez vous reposer encore, que sont quelques jours comparés aux dizaines d'années que les nôtres devront attendre pour que vous retrouviez vos souvenirs.

Olenne ne répondit pas, elle se sentait bien trop faible pour entreprendre un quelconque voyage et les paroles de Ludolphe ne pouvait être contredite. À contre cœur, elle s'allongea à nouveau sur le lit de paille.

***

L'échelle rouillée plongeait dans les profondeurs sombres et humides du puits, jusqu'à une petite corniche rocheuse devant laquelle un tunnel perçait le mur de pierre circulaire. En contrebas de celle-ci se devinait la source d'eau qui alimentait se trou creusé dans le sol.

Lilith s'engouffra la première dans le petit passage, tout juste suffisamment haut de plafond pour que les deux femmes puissent s'y tenir debout et dont les murs parfaitement lisse était sans doute possible, l'œuvre de l'homme.

— Qu'elle est cet endroit, demanda Éléonore plus qu'intriguée par cet étrange couloir où régnait l'obscurité.
— Ce sont les souterrains, un dédale de tunnel qui court sous tout le village et permet d'aller d'un endroit à un autre sans être vu. On ne sait plus qui les a creusé, ni pourquoi, mais ces souterrains sont utilisés par les sorcières depuis les villageois on décidé de pendre toutes les femmes un peu trop instruite et indépendante aux branches du chêne géant. Les tunnels sont également ensorcelés, si quelqu'un trouve une entrée et s'y risque, il mourra en cherchant la sortie ou deviendra fou.
— Comment tu te repères ici toi ? Tu es peut-être une sorcière, mais tu n'as aucun pouvoir.
— Pas besoin de pouvoir, entonna-t-elle. Regarde.

Lilith se tourna vers l'un des murs dans lequel était enfoncé un anneau métallique utilisé pour retenir une torche, mais une torche, s'il y'en avait eu une un jour, elle avait disparu depuis longtemps à en juger par l'épaisse couche de poussière et les toiles d'araignées qui encerclaient l'anneau. Portant, la sorcière sans pouvoir tendit la main devant elle et se saisit d'un objet jusque là invisible. Au contact de ses doigts, une torche enflammée apparut dans sa main ainsi que plusieurs autres contre le mur tout au long du tunnel.

— Nous n'avons qu'à suivre le chemin éclairé, il nous conduira là nous le souhaitons.

Éléonore arpenta le passage labyrinthique à la suite de Lilith. Le couloir enterré semblait suivre le relief du terrain en descendant en pente douce tout le long. À un moment, de nombreux autres passages rejoignirent le premier et la vampire comprit à qu'elle point il était facile de s'y perdre tant les croisements étaient nombreux et absolument identique.

La longue et silencieuse marche prit enfin fin avec l'apparition d'un petit escalier en pierre usé qui remontait vers la surface. Lilith déplaça la lourde pierre qui dissimulait l'entrée et s'engouffra dans l'obscurité nocturne. Les deux femmes venait de déboucher en plein cœur de la forêt, où d'immenses arbres et buissons touffus côtoyaient ce qui semblait être des ruines antiques, englouties sous une épaisse couverture de lierre.

Éléonore s'étonna de ne voir ni d'entendre le moindre animal en cette nuit sombre. Aucun prédateur nocturne ne fendait l'air, aucune proie ne parcourait le sol à la recherche d'une quelconque source de nourriture. Peut-être la chaleur étouffante de la nuit les auraient découragés de sortir de leurs abris.

La vampire ne pu réfléchir plus longtemps, Lilith dressait déjà le décor de son rituel entre les murs en pierre effondrés et à moitié ensevelies depuis des siècles déjà de la ruine. La sorcière installa une couverte ronde sur l'herbe sèche, elle alluma un grand cierge et laissa couler un filet de cire fumante tout autour du tissu. Elle reposa la chandelle au centre du cercle et ajouta à ses côtés, un calice doré. Elle s'agenouilla alors devant la couverture et posa le grimoire maléfique sur ses genoux.

— Pourquoi sommes-nous venu jusque ici pour accomplir ce rituel ? l'interrompit Éléonore. Les abords du manoir auraient tout aussi bien fait l'affaire, ils sont également en pleine nature et nous n'aurions pas craint d'être surprise là-bas non plus, s'exclama-t-elle alors que son impatience de retrouver Théolias grandissait de seconde en seconde.
— Les abords du manoir n'aurait pas suffit, nous ne sommes pas dans un lieu ordinaire ici, nous sommes sur les ruines d'un temple romain à la gloire de la déesse Cybèle. Ce temple était peut-être modeste à l'époque, mais il n'en reste pas moins un lieu de culte et les lieux de cultes sont chargés en énergie surnaturelle, ce qui est ce dont nous avons besoin pour ce rituel.
— Et moi, pourquoi suis-je ici ?
— Eh bien, comme vous le savez, je n'ai pas de pouvoir du moins pas encore. Pour ce rituel je vais avoir besoin de me servir de la sorcellerie qui coule dans vos veines ! entonna Lilith d'une voix calme, avant de tendre le calice à la vampire.

Éléonore la regarda un instant sans bougée, avant de se saisir sèchement du gobelet. Elle planta l'un de ses longs ongles dans sa paume et laissa son sang emplir le récipient métallique. Elle le tendit à nouveau à la sorcière, celle-ci s'en saisit avec précaution et le plaça devant elle. Elle s'empara de la bougie et versa sa cire dans le liquide glacé. Le calice allait presque déborder lorsqu'elle s'arrêta et reposa la bougie, elle se pencha alors et approcha son visage du récipient, elle huma son fumet, aspira ses effluves.

— Je te déconseille de boire mon sang, lança Éléonore.
— Ne t'en fait, je ne vais pas le boire, j'attend seulement que la cire de ce cierge absorbe la sorcellerie qu'il contient.

Lilith terminait à peine sa phrase lorsqu'une pellicule de cire sombre se forma à la surface du récipient. La sorcière plongea ses doigts dans le calice, le sang froid d'Éléonore déborda et imbiba la couverture tandis que les mains de la jeune femme ressortaient maculées de sang et recouverte d'une pellicule de cire molle plus noir que la nuit elle même.

Lilith appliqua vivement cette substance étrange sur son visage et son cou, la cire sembla être instantanément absorbée par la peau de la sorcière en s'infiltrant par ses veines. Les paupières de la jeune femme se refermèrent un court instant avant de s'ouvrir brusquement sur des yeux emplis d'une noirceur si profonde que même la plus vive des lumières ne pourrait percer.

— Enfin la sorcellerie coule dans mes veines, déclama-t-elle en levant ses paumes vers le ciel.

Sous le regard impassible d'Éléonore, un cercle de flammes infernales se forma autour de Lilith et s'éleva dans le ciel.

Eleonore's SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant