Chapitre 28

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Les marches rocheuses s'enfonçaient abruptement dans les profondes fondations obscures du manoir Aragon. Éléonore et Lilith s'engagèrent dans le passage étroit au plafond bas et voûtée. Rapidement, elles découvrirent que le corps de Rosaline ne reposait plus au pied des escaliers comme il l'aurait dû.

La pièce s'ouvrant au bas des marches était une vaste cave humide et sombre. Une grande part de celle-ci était vide ou encombré de vieux meubles délabrés et recouvert d'une importante couche de poussière, seul un pan de mur était véritablement utilisé. Le coin le plus éloigné de l'entrée était consacré à l'entreposage de bouteilles de vin et d'autres alcools régionaux, le reste était dédié à quelques denrées alimentaires entassés sur un établit de bois branlant.

Éléonore enjamba d'un pas lent et vigile, les debris de la vieille porte moisie qui fermait encore, il y a quelque seconde, cette pièce souterraine. Son regard empourpré perçait l'obscurité et balayait la pièce à la recherche de la sorcière. Elle était forcément entre ses murs, il n'y avait aucune autre issue par laquelle elle aurait pu fuir. La vampire fit signe à Lilith de rester poster dans l'escaliers pour que sa sœur ne puisse leur échapper par l'unique sortie.

La belle à la chevelure flamboyante se risqua au centre de la cave, elle tourna sur elle-même afin de vérifier chaque recoins de la pièce humide, mais ne trouva aucune trace de vie si ce n'est d'abjectes rats obèses. Quelques choses ne collaient pas, si Rosaline s'était enfuit par une quelconque issue elle en aurait trouvé la trace, mais elle semblait belle et bien s'être volatilisée.

— Est-ce que tu es sûr que ta sœur ne peut pas réciter d'incantation ? demanda Éléonore ne trouvant pas d'autre explication à cette disparition.
— Certaine, répondit Lilith catégorique. Depuis que ses pouvoirs se sont manifestés elle n'a jamais été capable de faire se réaliser la moindre formule.

La vampire fronça les sourcils et se retourna vers le fond de la pièce.
— Éclaire-nous, je dois vérifier quelque chose ! ordonna-t-elle.

Lilith récita une brève incantation, l'instant d'après, les murs se paraient de torches enflammées. La sombre cave était désormais envahie d'une lumière rougeoyante dansante avec les ombres sinistres des meubles oubliés. La vampire fixa son regard sur un petit pan de mur et s'en approcha de quelques pas.

— Regarde ! La paroi en pierre est différente ici, déclara-t-elle en pointant un bout de mur d'un mètre de large et autant de haut, dans un coin de cette cave. Elle n'est pas sale, il n'y a ni poussière, ni aucune toile d'araignée dessus alors qu'il y'en a partout ailleurs, comme si ce mur était beaucoup plus récent ! parla-t-elle tout bas.

Éléonore posa sa main sur la parois rocheuse et ferma les yeux pour percevoir le moindre son qui pouvait en émaner.
— J'entends de l'eau ruisseler ! souffla la vampire. Il y a une cavité derrière ses pierres !

Il n'en fallut pas plus à Lilith, elle brandit ses mains devant elle et entonna de sombres paroles. Les pierres qu'elle fixait du regard s'effritèrent lentement jusqu'à ne plus être qu'un tas de poussière. Un ouverture voûtée sur une obscure chambre souterraine se dévoila devant les deux femmes.

Éléonore s'avança lentement dans cette pièce qui n'en semblait pas une, elle était en faite une cavité naturelle probablement découverte lors de la construction du manoir. Un sol rocheux grossièrement plat s'étendait sur les deux tiers de la longueur de la cave attenante, mais n'était large que d'une paire de mètres. Après cela le sol laissait sa place à un bassin d'eau clair à la profondeur difficile à estimer.

Le plafond s'élevait plus haut que dans la cave à près de trois mètres au-dessus du sol avant de brusquement s'enfoncer dans le bassin en une masse de roche luisante et boursouflée. Les marques laissées ici ou là sur la pierre pouvait laisser penser que d'anciens propriétaires du manoir avait tenté de creuser une crypte dans le prolongement de la cavité naturelle, mais le projet avait de toute évidence été abandonné après l'inondation de leur ouvrage à peine ébauché.

La vampire n'eu pas le temps de chercher la sorcière de son regard perçant même la plus sombre noirceur. Rosaline se posta devant elle et laissa déferler toute sa rage sous la forme d'une flamme ardente.

La langue enflammée allait frapper de sa morsure brulante la peau d'ivoire d'Éléonore lorsque Lilith se posta à ses côtés, les lèvres animées d'occultes paroles païennes et croisa les bras sur sa poitrine. Les flammes enveloppèrent les deux femmes d'un brasier rougeoyant et infernal.

Le feu déferla sur les êtres belliqueux durant de longues minutes, jusqu'à ce que Rosaline, à bout de force ne tombe à genoux d'épuisement. Elle releva la tête pour observer son œuvre, mais ce qu'elle vit entre ses longs cheveux dorés la terrifia et lui glaça le sang. Éléonore et Lilith se dressait toujours devant elle sans montrer la moindre trace de brûlure. Un rire cruel s'empara de sa cadette et résonna dans la salle souterraine.

— Tu peux voler autant de pouvoir que tu veux, tu ne seras jamais une véritable sorcière, tu ne sais pas ce que cela implique ! s'exclama Rosaline toujours agenouillée sur le sol.
— Ne soit pas triste, tu vas pouvoir rejoindre ta précieuse Ernestine ! entonna sèchement Lilith. Elle semble te manquer tellement, je me ferais un plaisir de vous réunir !
— Tu ne t'en sortiras pas aussi facilement ! cracha Rosaline.
— Et qui va m'arrêter ? gronda la sorcière. Nos chers parents te suivront dans la tombe ainsi que quiconque cherchera à me faire du tort !
— Je ne te laisserais pas faire ! hurla-t-elle en se relevant brusquement sur ses jambes encore tremblantes.

Éléonore fixa son regard féroce sur la jeune femme. Dans un dernière espoir, Rosaline brandit les mains vers le plafond, ses doigts se crispèrent dans d'horribles positions en même temps que la terre commençait à trembler. Le manoir tout entier était pris de violente secousse, la vampire comprit soudain avec effroi ce que la sorcière aux cheveux d'or était prête à faire pour arrêter Lilith. Elle était prête à se sacrifier en faisant s'effondrer la noble demeure sur eux.

Éléonore ne pouvait la laisser lui arracher le seul espoir qu'elle n'aurait jamais de retrouver Théolias dans la vie. L'ancienne reine fondit sur la jeune femme et la précipita dans l'eau cristalline et glacée du bassin. La terre cessa aussitôt de frémir alors que la buveuse de sang retenait la sorcière à la chevelure doré sous la surface de l'eau. La vampire n'émergea du bassin cristallin que lorsque sa proie eu perdu connaissance.

Le corps inerte et détrempé de Rosaline s'écrasa lourdement sur le sol rocheux de la grotte.
— Tu ferais mieux de te dépêcher avant qu'elle se réveille... ou meurt de froid ! conseilla Éléonore à sa complice. 

Lilith ne perdit pas une seconde. Elle décrocha le médaillon pendant à sa cou et le déposa sur le poignet gauche de sœur. Animée par la musique occulte qui émanait des paroles d'une langue ancienne que récitait la sorcière, la pierre violacée s'entoura d'une halo sombre. Les veines de Rosaline se firent de plus en plus visibles et obscures à mesure que ses pouvoirs étaient arrachés à son corps.

Sous le regard brûlant d'exultation d'Éléonore, la jeune femme serra le manche du long couteau qui lui avait servit a achever Ernestine et le plongea dans la poitrine de sa deuxième sœur. La vie quitta le corps de Rosaline.

Lilith replaça le pendentif à son cou, au contact de sa peau, celui s'illumina d'une obscure lumière violacée. Cette lueur sinistre enveloppa entièrement la sorcière dont les pieds se soulevèrent du sol, ses yeux se révulsèrent tout en s'emplissant d'une noirceur abyssale et sa longue chevelure sanguine voleta autour de son crâne. Les veines de son visage se firent visibles sous sa peau clair et devinrent plus noir que la nuit, les immenses pouvoirs de ses sœurs coulaient désormais dans ses veines.

Eleonore's SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant