Chapitre 9

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Le puissant souffle du vent glacé, venait soulevé la chevelure incandescente d'Éléonore dans l'air nocturne. Ses mèches rousses dansaient dans la nuit, telle une multitude de langues de feux ardentes et virevoltantes dans l'obscurité. Au plus loin que pouvait porter son étincelant regard émeraude, la vampire assistait à la naissance du jour, derrière les épais nuages orageux qui emplissaient le ciel depuis des heures et masquaient une grande partie des rayons du soleil. L'ancienne reine voyait ses formes s'assombrir et se répandre dans le ciel depuis la tombée de la nuit, l'orage qui s'annonçait allait être puissant, elle en était sûr.

Elle se leva du banc de pierre, posé le long de la petite rivière au rapide courant qui alimentait autrefois le moulin. Devant elle, Olenne finissait de rassembler ses affaires et s'apprêtait à partir.

— Vous nous quittez si tôt ? lui demanda-t-elle en s'approchant.
— Oui, une longue route m'attends, les membres égarés de mon peuple sont menacé par les chasseurs à chaque seconde qui s'écoule. Puis je ferais mieux de trouver un abri avant que cet orage n'éclate.
— Dans qu'elle direction allez-vous ? demanda Éléonore. Nous pouvons peut-être faire la route ensemble.
— Et bien, mon instinct me dit de poursuivre sur ce chemin, avant de prendre vers le sud et vous ?
— Notre carte nous indique de suivre cet route avant de partir pour le nord.
— Je suppose que nous pouvons faire quelques pas ensemble, avant que nos directions ne se séparent.

Éléonore acquiesça d'un signe de la tête. Elle fit préparer la berline par Albéric et ils se mirent en route vers les sombres nuages amoncelés à l'horizon.

Après quelques minutes de voyage, le véhicule s'arrêta, là où le chemin se divisait.
— C'est ici que nos routes diverges, s'exclama Olenne.
— Je vous souhaite le meilleur pour votre quête ! répondit Éléonore alors que le chasseur ouvrait la porte de la cabine et offrait sa main à la jeune femme pour l'aider à descendre.

Olenne monta sur son cheval. Elle s'éloignait à peine de la berline, lorsque sa fine ouïe capta des paroles provenant de la cabine.

— Puis-je vous poser une question ? demandait Tomaze.
— Qui a-t-il encore ? répondit Éléonore, une lassitude non dissimulée dans la voix.
— Pourquoi avoir aidé cette femme ? Vous la connaissez ?
— Non, je ne l'avais jamais rencontré, mais j'ai connu son peuple par le passé et je ne suis pas fière de ce que je leur fais.

Le sang d'Olenne se glaça dans ses veines. Était-ce possible ? Était-ce...

— Maîtresse Éléonore, que leur avez-vous fait ? s'enquit gravement Tomaze.

— Par ma faute, la lune les a condamné à se transformer en bête sanguinaire à chaque fois qu'elle règne dans le ciel.

Cette fois, la nomade n'avait plus de doute, cette vampire était Éléonore, la femme qu'elle détestait le plus au monde. Olenne resta droite, sur le dos de son cheval, malgré la larme qui ruisselait sur sa joue. Finalement, sa quête devrait attendre un peu, elle avait désormais une autre mission à accomplir, une revanche à prendre.

***

Comme soudain vidé de toute son énergie, Élias se recula de quelques pas dans la salle sombre de l'auberge. Théodore relâcha la gorge de Candice de sa prise et s'approcha de son frère. Dans son dos, la jeune fille se laissait glisser contre le mur jusqu'au sol et respirait avidement le précieux air ambiant.

— J'aurais voulu me tromper, je te le jure, mais j'ai sentis que quelque chose n'allait pas lorsque notre mère nous a demandé de quitter la bastide avant l'attaque des chasseurs.
— Pourquoi a-t-elle fait ça ? Que peut-elle avoir de si grave à cacher, pour préférer nous faire croire à sa mort, plutôt que nous le dire.
— Je ne sais pas mon frère, souffla Théodore, en proie au même tourbillonnement de questions sans réponse.
— Toi ! s'exclama Élias en s'avançant vers Candice. Est-ce que la femme qui t'as donné la fiole t'as dis ce qu'elle comptait faire ?
— Non, elle ne m'a rien dit, répondit-elle sèchement, toujours assise sur le sol. Je l'ai seulement vu discuter avec un homme habillé comme un chasseur, puis elle est repartie dans une berline avec un deuxième homme.
— Un chasseur ? Qu'est-ce que notre mère ferait avec un chasseur ?
— On lui demandera lorsqu'on la retrouvera ! Le deuxième est très probablement Tomaze, tant qu'elle reste avec lui, nous pourrons la suivre à la trace.
— Si seulement on pouvait suivre notre mère même la journée, elle prend de l'avance sur nous, elle ne craint pas les rayons du soleil à l'intérieur de la berline.
— On y arrivera, même si cela doit prendre plusieurs années !

Élias se laissa tomber sur l'un des tabourets posé le long du comptoir. Son regard balaya impassiblement le carnage dont l'auberge avait été le théâtre pour se poser sur son auteure, Candice.

— Qu'allons-nous faire d'elle, elle semble avoir perdue l'esprit, fit-il.
— Ce n'est pas à nous de nous en charger, puis qui peut lui en vouloir d'avoir craqué après ce qu'elle a vécu.
— Oui, mais tout ça. Nous ne pouvons pas laisser quelqu'un découvrir ce massacre, cela attirerait l'attention des chasseurs et c'est la dernière chose dont on a besoin.
— C'est vrai, souffla-t-il en enfouissant ses doigts dans sa chevelure blonde. Le feu est le meilleur moyen de faire disparaître les corps.
— Jeune fille, rassemble ici tout l'alcool que tu trouveras et part le plus loin possible ! lança Élias à Candice.

***

Le lent trot de la monture d'Olenne, battait les pierres de l'escarpé chemin de campagne. La nuit recouvrait ses épaules, d'autant plus assombrie par les épais nuages orageux grondant pour annoncé leur proches éclatements. Autour d'elle, d'innombrables collines bosselaient le paysage, certaines étaient nues de toutes végétations, d'autres recouvertes de sombres bois denses.

Devant les yeux de la nomade, quelques habitations apparurent au loin, au sommet d'une butte. Éléonore c'était forcément arrêté là, ses chevaux auraient besoin de repos et elle n'avait passé aucun autre lieu susceptible de l'accueillir.

Olenne sillonna les ruelles étroites du petit village. Après avoir suivi la trace d'Éléonore durant toute la journée, la chef des nomades allait enfin la retrouver. Deux siècles de malheur s'étaient abattus sur son peuple après leurs rencontres avec cette femme. Par sa faute, les siens étaient éparpillés dans tout le royaume et traqués par les chasseurs. Il était temps de la faire payer.

Un sifflement mélodieux résonnait dans le silence enveloppant le village et attira son attention. Le cheval avança au pas jusqu'à une petite ferme, à la sortie du hameau. Elle descendit de sa monture et continua à pieds. Elle entra furtivement dans l'écurie, où Albéric sifflotait tout en remplissant les mangeoires de grains et les bacs d'eaux des chevaux. Elle se saisit du poignard qu'elle gardait autour de sa cheville et appuya sa lame contre la gorge du chasseur. L'homme n'eut pas le temps de réagir, Olenne lui trancha la gorge et laissa le corps se vider de son sang sur le tapis de paille qui recouvrait le sol.

La nomade se faufila dans le corps de ferme. Dans l'entrée, elle découvrit un couple étendu sur le sol, certainement les propriétaires. Ils n'étaient pas morts, mais plongés dans une profonde inconscience. La jeune femme aux cheveux argentés, remarqua immédiatement les quelques gouttes de sangs qui souillaient les dalles de pierres et dans lesquels se reflétaient les flammes des torches.

Olenne suivit la piste ensanglantée à l'intérieur de la demeure. Derrière l'une des portes donnant sur le couloir, elle entendit les pas de Tomaze, il s'approchait de la sortie. Elle se plaqua contre le mur percé de la porte et attendit le vampire. La porte se refermait à peine dans le dos du jeune homme, portant dans sa main un seau en bois cerclé de métal, dans lequel restait encore quelques gouttes d'un liquide vermeil. La nomade se rua sur lui et lui brisa la nuque d'un coup sec. Elle savait que ça ne le tuerait pas, mais ce n'était pas lui sa cible.

La louve pénétra dans la pièce que venait de quitter le vampire. Son regard grisé se posa sur Éléonore, la vampire se prélassait dans une large cuve, remplie de sang frais.

— Olenne ! Qu'elle surprise de vous voir ici, entonna la vampire d'une voix grave, en apportant un verre de vin rouge à ses lèvres. Je suppose que vous avez découvert qui je suis, reprit-elle plus sérieusement, mais sans ne laisser paraître la moindre surprise ou crainte.
— Éléonore, vous allez payer de votre sang pour vos crime ! s'écria-t-elle les mâchoires serrées.

Comme pour accompagner ses paroles, un violent coup de tonnerre retentit dans la nuit et fit trembler les murs de la modeste ferme.

Eleonore's SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant