Esa : Elle vient de tirer

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Aspirée, je mets quelques secondes à réaliser que le paysage défile bien plus vite que si j'étais simplement en train de marcher.
Le vent frais rase mes joues mais aussi la croupe du cheval sur lequel je suis assise.
Des arbres tout autour de moi, des sentiers abîmés qu'il semble connaître, ce cheval sait où il va.
Un arc autour de mon torse , une armure sur un vêtement de cuire noir, je n'ai jamais eu ce sentiment d'être aussi sûre de ce que je fais.
Pourtant je ne sais pas où je vais, pourtant je n'ai pas le souvenir d'être un jour montée sur un animal de cet envergure.
Mais une partie de moi visiblement s'en souvient parce que ma main tapote de temps en temps légèrement son flan :
_ Fais-le pour moi s'il te plaît, dépêche-toi.
Un sentiment d'urgence, il accélère et je me redresse, mon guide sautant chaque branche tombées et arrivant à l'orée de cette forêt où je me sens chez moi.
C'est maintenant un sentier qui file vers l'horizon sur des collines  vertes à perte de vue qui s'impose à moi. Je ferme les yeux, et comprends où on est. Il m'emmène là où tout va se jouer entre Calista et moi, cet endroit où il y a des siècles elle a tenté de m'effacer.
Mon cœur ne cesse de cogner, c'est ma dernière chance et personne ne semble être  là.
Il faut être seule parfois pour faire face à soi, c'est comme ça que la vie enseigne ce que sont en réalité chacun de nos pas.
Alors, un cliquetis singulier parvient à mon oreille. Juste à ma cheville, elle pend, là. Je l'attrape et l'ouvre, cette montre à gousset semble réparée mais ses aiguilles sont encore cassées.
Une douleur résonne alors dans ma poitrine. Je suis cette montre, je suis Chronos mais je suis aussi Esa, cette fille cassée pour qui le temps est arrivé, de faire ce qu'il faut pour prouver que rien ni personne ne pourra l'empêcher de tourner.

Mes doigts se crispent autour de l'or froid, parce qu'une fumée s'élève au loin. J'essaye d'accélérer si c'est encore possible et quelques minutes plus tard, je me fige. Parce que cette silhouette qui regarde le bâtiment brûler sans rien faire n'est pas celle de Calista, mais Kairy qui se retourne, distinguant parfaitement cette fois celle que je suis comme je la vois.
Ses yeux dans les miens, je cesse de respirer, parce qu'elle vient de me viser et sans hésiter, a tiré.

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