L'Horloger...

Kairy : Le temps

J'accélère son coeur, et souris. Je dois l'avouer, je savoure avoir enfin une emprise sur elle.
Il y a des siècles, c'était loin d'être le cas. Il y a des siècles, elle m'echappait à chaque fois.
En face d'elle , je plisse le regard :
_ Détends- toi. Même si j'y suis pour quelque chose , dans cette peur et ce changement de rythme de ton mécanisme.
_ Le changement de quoi ?

Je plisse encore les yeux, et augmente un peu plus son rythme cardiaque. Elle s'affole et porte une main à sa poitrine, rouge et essoufflée :
_ Qu'est-ce que....
Je penche ma tête contre la sienne :
_ Ça ne va pas ? Ce n'est pas agréable je sais, mais il y a des siècles en arrière, tu as fait bien pire que ça.
_ Je....je....
Elle prend chaque respiration comme une apnée sans laquelle elle a l'impression qu'elle ne pourra plus respirer.
Et puis , je pose ma main sur son poignet.
_ Tic Tac, Tic Tac, Tic Tac... Personne ne comprend ce qu'est réellement le temps. Le temps n'est pas une notion abstraite pour compter. Il est bien réel, il est là, dans ce mécanisme , celui qui bat et qui nous permet de vivre. Le temps sera celui qui, tout au long de chaque vie, va tout décider.Le temps est celui qui...

Je m'adosse contre le siège en cuir et la fixe quelques secondes. Lentement elle reprend son souffle , parce que j'ai ralenti son mécanisme.
_ ...peut tout arrêter. Le temps et lui sont reliés. Celui qui est écorché chez toi, celui dont tu te demandes s'il va de nouveau bien tourner.
Un sourire en coin, si l'arme de certains sont les flèches ou les mots, pour moi ils sont mon regard et mon sourire.
Je sais que peu importe qui je serais amenée à croiser , je saurais le déstabiliser.
_ Fais-moi sortir d'ici ! Je ne sais pas qui tu es mais je veux pas rester une minute de plus avec toi! 
_ Tu étais moins peureuse il y a longtemps de ça. Jamais personne ne te résistait, je n'ai jamais su comment tu faisais. C'était peut être en lien avec le pouvoir que tu avais mais tu n'as jamais voulu me le révéler.
Elle devient pâle d'un coup et cette fois c'est mon coeur qui accélère :
_ Ne me dis pas que.... Stan! Arrêtez-vous ! Vite! 
Mais cette fois, c'est son sourire qui m'effraie, celui que je ne connais que trop bien. 
Et alors que je m'apprête à me lever, je ne peux plus bouger.
_ Tu crois que tu allais m'échapper comme ça ? Tu crois qu'après des siècles, j'allais te laisser avoir le pouvoir sur moi ?
La voix d'Esa est transformée, et moi je serre les dents :
_ Arrête ça.... laisse-là ! Ne lui fais pas ça. Elle a l'air d'une fille bien à qui on a déjà assez fait de mal !
_ Oh oh, à peine quelques heures et elle te plaît déjà. Ça va faire pas mal de dégâts, et tu sais que.... j'adore ça, n'est-ce pas ?

**

Devant la cafet, je jure avant qu'Esa arrive.
Je sais ce qui s'est passé, je sais qu'on est le matin, et je sais qu'Esa ne va pas se rappeler.
_ Suis-moi, dépêche toi.
_ Bonjour à toi aussi.
Je ne lui laisse même pas le temps de parler quand elle arrive et me dirige vers la berline, un signe de tête à Stan :
_ Là où vous savez ! 
_ Quoi ? Qu'est-ce que.... Où on va ? Et qu'est-ce qui dit que je vais te suivre?

J'attrape son poignet et relève sa manche découvrant le tatouage que je m'attendais à trouver :
_ Ça !
Elle pâlit :
_ Comment est-ce que tu....
_ Monte, il est temps qu'on ai une vraie discussion je crois.
Mon ton est sans appel et quand elle aperçoit mon visage fermé, elle ne se fait pas prier.
Quand Ésa s'assoit , je passe une main sur mon visage et fixe la fenêtre, laissant le silence maitre dans l'habitacle.
Mais dans ma tête , la même question en boucle. 
Comment je vais faire mon boulot d'Horloger alors que ma pire ennemie s'amuse à traverser les siècles à tout effacer ?