L'Horloger...

Esa

                           ***

Je me réveille en sursaut , éssoufflée et mes larmes arrivent comme un torrent qu'on ne veut pas arrêter. Celui qu'on veut juste laisser s'intensifier parce qu'il ne pourra pas faire plus de dégâts qu'il y en a déjà.
Parce qu'il ne pourra rien dévaster de plus et que tout est déjà tombé.

Je me lève, grimaçant sous les douleurs, mais je souris quand je me dis que celles à l'intérieur sont beaucoup plus intense. En face de moi, un psyché , ce grand miroir semblable à celui du manoir.
Je m'en approche , je n'aime pas ça et pourtant j'en ai besoin.
J'ouvre les yeux, attrape ce qui me paraît idéal pour le faire , juste l'écorcher, juste la raviver. Ne plus penser, juste sentir cette douleur s'écouler , de cette blessure que moi-même au moins je me serais infligée.
_ Tu as rêvé d'elle n'est-ce pas ?
Je ne sursaute même pas comme si je le savais déjà.
Un murmure en réponse:
_ Oui.... Et j'ai compris...
_ Tu as compris quoi ?
Sa mère s'approche doucement :
_ Je t'écoute, explique-moi.
_ Qu'elle non plus n'avait personne pour la protéger contre Calista. Elle l'a aimé, je crois qu'elle ne pouvait pas se résoudre à se défendre.
_ Je ne sais pas si on peut parler de se...
_ C'était votre rôle, alors il est plus facile de dire que c'était de sa faute à elle.
Dans le miroir, le reflet de sa mère, figée. Elle sait que j'ai raison mais personne n'a osé lui parler et lui faire entendre ce qu'elle refuse de s'avouer. Alors elle disparaît, et avec cet objet je trace en lettre sur le miroir :
S E U L E .... et je comprends.
Personne n'était là pour me protéger, et personne ne réussira à me soigner. Les blessures sont beaucoup trop ancrées pour qu'on puisse s'en approcher.
C'est à moi et moi seule de trouver comment avancer, et faire en sorte que ces douleurs cessent de résonner.
Alors je ferme les yeux et revois ce rêve :
Calista , sa main en l'air , armée et prête à frapper. Son public , ses suivants pour admirer et Kairy , une rose blanche à la main , avec un seule pétale qui essaye de s'accrocher. Un rictus sur les lèvres de Calista, Kairy baisse la tête, prête à recevoir le coup.
Et mes larmes qui coulent le long de mes joues. Pourquoi personne ne bouge ? Pourquoi personne ne proteste?
Alors je détourne la tête quand sa main la saisit et qu'elle lui murmure :
_ Tu n'auras jamais le dessus avec moi, tu n'auras jamais ma vulnérabilité, ce défaut a cessé il y a bien longtemps d'exister.
Je m'approche lentement de cette scène surréaliste, un genoux à terre , observant Kairy. Déjà un œil bleu , déjà une tâche de sang de plus en plus grande maculant son habit. Alors j'essaye de lui parler  :
_ Laisse-moi t'aider, s'il te plaît.
Mais la scène se fige, et quand je relève la tête, figerdans les airs lui aussi, le dernier pétale de rose en train de tomber.

*

Devant ce miroir, je raye mon reflet; je n'ai pas réussi à l'aider , parce que je me suis réveillée. Comme si rien ne pouvait être changé, comme si être seule était gravé.
Et puis je sursaute, la main de Kairy se pose sur la mienne pour enlever cet objet coupant :
_ Je ne veux pas savoir ce que tu comptais faire.
Elle fixe l'inscription sur le miroir :
_ On a pas vraiment le choix, il y a des moments où la vie nous impose ce mot là. Et on doit lui donner une autre couleur, après celle de la douleur. Mais il faut trouver cette peinture.

Je fixe ses doigts sur les miens :
_ Où ça?
_ Je ne sais pas.
Et puis son regard se perd et sans même faire un pas , elle s'éloigne de moi, sûrement dans ses blessures que lui a fait subir Calista.
Ses doigts quittent les miens :
_ Le repas est prêt.
Elle s'en va, me laissant seule face à ce mot pour lequel chacune doit trouver sa peinture.
Je saisis alors, que j'ai longtemps attendu que quelqu'un la cherche pour moi alors que finalement , elle est là,en moi et une seule personne pourra l'attraper.
Celle qui doit comprendre comment son histoire doit être démêlée. Cette fille qui essaye mais n'y arrive pas, moi.