L'Horloger...

Ésa : "Ses yeux me trouble toujours autant"

Celui qui est venu me chercher me fait traverser une immense demeure somptueuse. Tout y est en pierre et marbre , ou de carreaux de couleurs donnant un ton et une ambiance différente.
Pourtant , c'est après une petite cours qu'il me laisse, dans un abri spartiate avec, en deux pièces, tout le minimum vital.
Il me fait signe de m'asseoir et vu la carrure d'ours qui me fait face avec ses flèches acérées, je n'ose pas le contredire.
J'attends quelques minutes quand il dépose, devant moi, des plats plus alléchants les uns que les autres : une simple salade tomate et mozzarella mais dont le basilic chatouille déjà autant mon palais que mes narines.
Dans une seconde assiette , des tranches de coppa et parmesan râpé, dans une troisième des poivrons à l'huile d'olive et branche de romarin. Rien d'extravagant en soi mais dont les parfums parlent pour eux seuls comme étant les meilleurs que je n'aurais jamais goûté.
Et alors que je m'apprête à piocher dans une des entrées, la porte s'ouvre avec fracas et je me lève en sursaut mon coeur battant à tout rompre.
C'est ma protectrice , jurant tous les noms. Elle se dirige vers le lavabo , et alors que je butte dans la table elle fait volte face son arc en main en quelques secondes :
_ Ah , j'avais oublié que t'étais là!
_ Mais qu'est-ce que... qu'est-ce qui s'est passé ?
Elle se dépêche de toucher sa joue sur laquelle le sang ne cesse de couler sous son masque et dans son cou.
J'attrape le bout de tissu que mon guide m'avait laissé en guise de serviette et le passe sous l'eau froide. Ma protectrice reste sur ses gardes comme si c'était moi qui venait de lui infliger ses blessures:
_ On peut savoir ce que tu comptes faire ?!
_ Ce que tu n'aurais probablement pas fait avec autant de douceur... te soigner.
_ Ça va passer.
J'essaye de détourner son attention :
_ Peut-être, mais regarde ton masque et ta tenue , ça en met partout.
Et alors qu'elle baisse les yeux pour constater les dégâts je me retrouve à quelques centimètres d'elle seulement.
J'effleure sa joue sous son masque et elle attrape mon poignet. Comme un réflexe de celui qui se défend :
_ Ne touche pas à....
_ Je ne ferais qu'essuyer ce qui a coulé.
Elle ferme les yeux, une respiration non rassurée, et les dents serrées comme celles qui attendent ce moment où cette main finira par cogner. Alors je lui murmure doucement :
_ Tu l'as dis toi-même, je manque d'entraînement, je suis bien trop douce pour faire du mal. En général c'est à moi que l'on en fait aussi.

À ces mots, elle desserre ses doigts , mais ils ne quittent pas ma peau.
Je soulève le masque sans l'enlever quand elle m'explique :
_ Personne ne doit savoir, personne ne doit voir qui l'on est, d'où l'on vient. Personne ne doit nous reconnaître.
_ D'accord, j'ai fini cette partie là de toute façon. Qui t'as fait ça ?
_ Je ne peux pas te le dire.
_C'est Calista?
_ Je me présente rarement devant elle.
Son regard s'éteint et pourtant la couleur de ses yeux me trouble toujours autant. Je mets même quelques secondes avant de comprendre et m'ecarte d'elle.
_ Ça ne peut pas être....
_ Calista a détruit son arc, elle n'était pas de très bonne humeur et je...

Je me fige , la gorge serrée. Alors finalement Kairy est comme les autres.
Je n'écoute plus et sors sous cette nuit étoilée. Je compte bien me réveiller pour que Kairy m'explique qui elle est en réalité.