chapitre trente-huit *

47 6 0
                                    

Dans l'autobus, la musique à la radio me rappelle Dylan. Elle est dans notre liste de lecture. Il me manque terriblement. J'aimerais qu'on revienne un mois auparavant où la fin semblait encore loin. Désormais, je m'accroche à nos derniers moments passés ensemble.

Ethan m'a dit de me battre pour lui. J'aimerais ça, mais je ne peux pas. Hier, j'ai réalisé qu'il ne serait pas prêt à se battre pour moi. Il ne m'aime pas et je ne peux pas lui en vouloir. Après tout, il est hétérosexuel.

Toutefois, j'aimerais qu'on reste ami. Je ne veux pas être en couple avec, mais seulement continuer de lui parler. Qu'est-ce qui nous y en empêche? Nous ne sommes pas un vrai couple. Nous n'avons pas à continuer de jouer la comédie.

Nous arrivons à l'école. Je débarque avec un grand sourire. La journée est pleine de potentiel.

Je suis les personnes de mon autobus et nous entrons dans la bâtisse. Je défais mon sac à dos lentement. Ensuite, je referme mon casier.

Je me retourne et je vois Dylan. Son visage commence peu à peu à guérir. On ne s'est pas reparlé depuis qu'on a annoncé notre simulation. Je crois que nous voulions tous les deux avoir du temps sans l'autre.

Il marche lentement. Il fait tout pour ne pas me regarder dans les yeux. Il passe à côté de moi comme si je n'existais pas. Pourquoi fait-il cela? Qu'est-ce que je lui ai fait?

La cloche retentit. Je prends mes choses pour monter à mon cours.

Une fois que j'arrive, M. Jensen demande à me parler. Je le rejoins les sourcils froncés. Je me demande ce qu'il me veut. Je n'ai pas fait de mal à personne.

– Je voulais te parler de quelque chose, me dit-il. Il y a un concours d'écriture qui se situe dans notre région et, lorsque j'en ai entendu parler, j'ai tout de suite pensé à toi. J'aime beaucoup ton style d'écriture et je vois un vrai potentiel en toi. Est-ce que ça t'intéresse?

Est-ce que ça m'intéresse? Bien sûr. J'adore écrire et, depuis que je suis jeune, c'est ma passion.

– Ouais, je lui réponds avec le sourire collé aux lèvres.

– Très bien. Viens me voir après le cours et je vais te donner les informations.

Je hoche de la tête et je repars à ma place. J'ai l'impression que c'est irréaliste. Je vais participer à un concours d'écriture. Je pense déjà à des dizaines d'histoires potentielles.

-

Je suis en face de Dylan. Nous sommes dans une autre classe juste à côté de la nôtre. Nous devons passer notre oral dans une vingtaine de minutes puisqu'il n'était pas là la dernière fois.  Il regarde son crayon avec lequel il n'arrête pas de jouer. S'il continue à m'ignorer, je vais quitter le cours pour qu'il soit seul comme il avait fait.

Je ne peux pas vraiment faire ça. Mais si je le pouvais, je le ferrais.

– Allez, Dylan, je le supplie. Qu'est-ce que j'ai fait? Dis-moi. On ne s'est pas parlé depuis cinq jours. Qu'a-t-il pu arriver à propos de moi dans ces cinq jours?

Il ne me répond pas. Il ne me regarde pas non plus. J'en ai assez de lui. Il est un vrai gamin. Quand quelque chose arrive, il fait son gamin.

– Si tu veux avoir une bonne note, il faut avoir l'air que tout va bien, je lui explique. Dis-moi ce qu'il y a et je te laisse en paix après. On va simuler qu'on est ami, ça ne devrait pas être trop dur pour nous, et on pourra arrêter de se parler après.

Il lève les yeux vers moi. J'ai un frisson qui parcourt mon corps. En cet instant, j'ai l'impression de voir son beau-père. Il n'est pas totalement là comme s'il te regardait derrière un miroir.

– Tu veux savoir? il me demande avec un air provocateur. Très bien. Tu  te souviens de mon beau-père? Le mec qui a été arrêter par la police? Ouais, ce gars-là. Il était un vrai salaud, mais tu n'avais aucun droit d'appeler la police.

– Es-tu en train de me dire que tu m'ignores parce que j'ai libéré toi et ta mère d'un homme violent? Tu ne dois vraiment pas être bien dans ta tête.

– À cause de toi, ma mère se noie sous son travail. Elle n'est plus à la maison. Elle l'aimait. Bien sûr, il fallait que Jordan Carter vienne tout foutre en l'air. Tu dois toujours fourrer ton nez dans les choses des autres et de les détruire ensuite.

– J'ai tout foutu en l'air? Réveille un peu. Je ne suis pas lui qui a provoqué le mec de sa mère en premier. Si tu dois blâmer quelqu'un, blâme-toi.

Il se lève.

– Pourquoi je devrais me blâmer? Pour une fois dans ma vie, j'ai fait quelque chose. Je ne suis pas resté sur le bord de la route à regarder ce qui se passe.

– Tu n'as pas le droit de mettre ça sur ma faute. C'est injuste. Je ne pouvais rien faire pour toi. Qu'est-ce que t'aurais voulu que je fasse? Que je vienne le tabasser?

– Ouais, mais... Ah! C'est vrai. Jordan Carter est trop poule mouillée pour se battre.

Je me lève à mon tour. Je suis sur les nerfs. Quel idiot. Il m'énerve tellement. Il se prend pour qui tout d'un coup?

– Va te faire foutre, Dylan. T'es qu'un sale fils à sa maman qui a toujours besoin d'approbation. Pourquoi tu ne vas pas la voir pour lui demander de me frapper? C'est vrai, elle est à son travail. Oups!

C'était la goutte qui fait déborder le vase. Je regrette tout de suite après l'avoir dit. Qui suis-je devenu ?

– Je n'en ai pas de besoin.

Il saute par-dessus le bureau qui nous séparait et il me frappe d'un coup de poing dans le ventre. Je tombe sur le sol. Ma tête frappe une chaise. Ma vue devient brouille. Je suis sonné. Cela n'empêche pas Dylan de me donner plusieurs coups.

Quelques secondes plus tard, les coups arrêtent. J'entends des voix, mais mes oreilles ne captent rien. Je me laisse tomber sur le sol. Je l'ai bien mérité.

-

Moi et Dylan sommes assis dans un bureau. Aucun de nous deux ne dit un mot.

– Je m'excuse, je finis par dire. Je l'ai mérité. Je sais que ce doit être dur.

Le garçon vient pour ouvrir la bouche que le directeur entre dans la pièce. Il vient s'asseoir sur la chaise en avant de nous.

– Regardez qui est là, s'exclame-t-il. Vous avez la forme?

Nous ne disons rien.

– Qu'est-ce qui vous a pris? nous demande-t-il.

J'aimerais lui dire que tout est de ma faute. Cependant, aucun son ne veut sortir de ma bouche. Dylan avait raison, je ne suis pas capable de me lever et de dire ce que je pense. Je suis lâche.

– Très bien, conclut-il. J'ai appelé vos parents pour qu'ils viennent vous chercher. Pour cette fois, vous n'aurez rien. Je sais que beaucoup de choses se sont passé ces temps-ci. Mais ne recommencez pas, parce que vous subirez les conséquences.

Nous quittons le bureau lentement. Nous devons ensuite nous asseoir sur un siège jusqu'à ce que quelqu'un vienne nous chercher.

Nous ne parlons pas. Nous en avons assez fait pour aujourd'hui.

Ma mère arrive avant la sienne. Tous les enfants sont dans la voiture. Je suis submergé de regret. Je vais devoir marcher devant eux avec cet air désastreux.

J'entre dans l'automobile. Ma mère me regarde avec de gros yeux. Je sais qu'une centaine de questions lui passent dans la tête. Heureusement, elle les garde pour elle.

Je regarde Dylan assis sur la chaise. Sa tête reposée contre le mur, il a les yeux fermés. Je détourne les yeux. Je ne peux pas le regarder. C'est trop douloureux. Que sommes-nous devenus?

Nous quittons le stationnement.

C'était la dernière fois que j'ai vu Dylan.

Jordan Carter et sa vie en trois motsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant