Je l’attendais. Il était en retard, comme toujours. Qu’allait-il m’inventer cette fois ? Un mensonge de plus, des larmes en moins. À chaque fois je pleure. Chaque fois ces conasses de larmes refusent de rester aux chauds. Et puis, il se pointe, comme si de rien n’était. Ça m’énerve sur le moment, mais dès que je vois son sourire mi- maladroit, j’ai envie de rire. Je crois que je tiens vraiment à lui.
- Tu faisais quoi encore, Allan ? C’est la septième fois.
- Bah, au bout de dix, je te payerais un truc à boire.
Je riais. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Je l’aimais.
Mais là, rien. Il était encore plus en retard que d’habitude. Je me demandais même si il ne m’avait pas laisser tomber. C’est ce que je pensais jusqu’à ce que…
- Fanille, il ne faut pas qu’on reste ici, dépêche-toi, il faut qu’on aille chez moi.
Je me retournais, il était là, mon cœur fit un bond. Je me sentais rassurée. Mais pourtant, son ton m’avait choqué. Pourquoi parlait-il aussi fort ? Aussi méchamment ? La question glissa d’elle-même :
- Pourquoi tu veux qu’on aille chez toi ?
Il ne me répondit pas, me regardait gravement. Ce silence me dévorait de l'intérieur. Il répéta :
- On ne doit pas rester ici, il faut partir.
Sa voix se fit tremblante cette fois. Comme quelqu'un qui à très peur, ou très mal. Je ne l'avais jamais vu dans cet état et je voulais lui en demander la raison, mais mes lèvres, autant que me jambes refusaient de bouger. Quelque chose venait de tomber de son épaule qu'il tenait depuis avant.
Un objet ? Non, c'était trop petit. Liquide je pense. De l'eau ? Sûrement. Je fis un pas vers lui, et il recula, méfiant. Une autre goutte s'écrasa au sol. Mais maintenant, je voyais précisément ce que c'était. Un rouge écarlate pareil, ça ne pouvait être que du sang.
- Tu es blessé ? Comment c'est arrivé ? Il faut vite te soigner !
Il hocha la tête.
- Je ne peux pas. Pas maintenant, je dois te mettre à l’abri avant.
- A l’abri de qui ? De quoi ? Allan, je ne comprends rien.
- Tempi, suis-moi.
- Mais explique-moi avant !
Il n'en fit rien. Il s'approcha de moi, lâcha son épaule douloureuse et mit sa main dans la mienne. Jamais il ne m’avait pris la main. Il avait peur, c'était sûr. Pour moi, c'était un contact agréable. J'aimais sentir son cœur battre à travers sa paume, comme un lien entre nos deux mondes. Mais pourtant, ce contact fut froid. Je sentais le sang se déposer sur mes doigts, à mesure qu'il me tirait dans les rues, en courant. Son sang, celui qui le fait vivre et qu'il n'a pas peur de verser.
On arrivait chez lui, dans cette maison où j'adore aller. Depuis dehors, on dirait une vieille bicoque, mais on ne s'imagine pas les secrets qu'elle peut renfermer. Il tira la porte en chêne, me fit entrer en première, surveilla les alentours, entra aussi, et referma le verrou en fer derrière lui. Il était toujours méfiant, mais là, il exagérait.
Nous reprenions tous deux notre souffle, quand il me demanda :
- Tu veux un truc à boire ?
Comment pouvait-il faire des transitions aussi débiles ? Il faisait genre de s'inquiéter pour des trucs simple, juste histoire d'oublier la course poursuite qu'on venait de faire. D'ailleurs, je ne savais toujours pas pourquoi ils nous suivaient, et qui nous suivaient. J'essayais de placer la question :
- Dis, tu peux m'expliquer qui nous suivait ?
- tu ne m'as pas répondu si tu avais soif ou non.
- Arrête de changer de sujet, j'aimerais que tu me répondes Allan.
Il me regarda, les yeux vides, comme si il cherchait un mensonge, mais rien ne semblait venir. Il restait silencieux, avait l'air inquiet, et c'est là que je compris que je n'en saurais pas plus pour l'instant. Je râlais :
- J'aimerais bien du coca, mais avant, il faut absolument te soigner.
Son regard se décolla et il regarda son épaule droite.
- T'as raison. Sers-toi le coca dans le frigo, j'arrive.
J'étais avec mon verre entre les mains, dans son canapé, et mon attente paraissait interminable. Pour me sentir mieux, je me fis le résumé de ce qui venait de nous m'arriver : Allan, mon ami d'enfance, gothique comme l'enfer, d'un an mon ainé, aussi protecteur qu'un grand frère, venait de se blesser gravement, m'avait fait courir et finalement, n'avait pas su formuler de mensonge crédible, contrairement à d'habitude. Quelque chose n'allait pas. Je ne l'avais jamais vu pareillement rongé par la peur.
- je ne t'ai pas trop fait attendre ?
Il était là, petit sourire en coin. Il avait changé de T-Shirt et je devinai un bandage sous celui-ci.
- Quand même un peu.
- Rho, arrête de râler.
Je ne voulais pas créer de dispute, mais il venait d'aborder un sujet léger.
- Et ce n'est pas la première fois. Tu te rappelles qu'on devait aller voir un film ce soir ?
- On ira à la prochaine séance.
- C'est ton excuses ça ?
La colère me montait au cœur ; Non seulement il me cachait des choses, mais en plus, il jouait au désintéressé.
- Tu ne vas pas me faire une dispute de vieux couple, nan ?
Le silence envahit la pièce, je regardais dans mon verre, pour éviter le regard d’Allan. Je fermai les yeux et me plongeais dans des pensées, pour soigner ma colère passagère. Je ne sentais plus que le froid de son sang sur mes mains. Je posai le verre et me mit sur le côté les yeux fermés. Il dut comprendre qu’il fallait me laisser tranquille.
Je l’aimais, mais des fois, je m’inquiétais trop pour lui, et c’était un poids, une source de problème qui m’épuisait. Et pourtant, qu’est-ce que je l’aimais. Je me demandais soudain s’il s’en était rendu compte en me prenant la main, car mon cœur avait presque percé ma poitrine à force de battre. Et ça depuis longtemps. Mais les mots m'en manquaient.
Je repensais au passé, puis au futur que je rêvais qu'on vive ensemble. Le ton qu'il avait emprunté ce soir, je pensais que je ne l’avais jamais entendu, mais je me mentais à moi-même. Je revoyais ces flammes. Je cauchemardais, déjà le sommeil me dévorait.
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Ne me regarde pas dans les yeux
ParanormalAllan cache quelque chose. Nous avons vécu ensemble le feu, la mort. Mon amour est sans fin. Mais cette fois, cela parait plus gros et il s'isole. Il s'est fait tirer dessus, des gens le poursuivent. Je veux le sortir de ses ténèbres. Le chrono a dé...