Chapitre 2 : Distant

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Mes yeux s’ouvrirent lentement. J’étais toujours au salon, chez Allan, mais ça ne m’inquiétais pas. Ce n’était pas la première fois que je dormais chez lui et ça ne dérangeait plus ses grands-parents depuis longtemps. Je me levai péniblement et baillait. Moment de latence. Le moment où on se réveille et qu’on se sent mal car on a fait un rêve désagréables. J’étais de mauvaises humeurs, et d’un coup, ça empira. En tournant de la tête, je vis sur le lecteur DVD : 7h48. Merde, dans 12 minutes, je devais être en cours. J’allais être en retard. Et on dit : « jamais 2 malheurs mais 3 », alors je n’imagine pas le reste de la journée…

Le cauchemar que je venais de faire, ce n’était pas la première fois qu’il me tourmentait. C’était même toujours le même, un fait réél. ça c'est passé il y a 5ans, mais je m'en rappelle comme si c'était hier.

On allait toujours dans une vieille grange en bordure de la ville avec Allan. On avait 12ans, et je l'aimais déjà. Des fois, il amenait un ami, et on passait la soirée à se raconter des histoires de fantômes. On adorait ça. Jusqu'au jour où.

Des flammes immenses dévoraient la grange qui s'écroulait autours de nous.

- Ne vous inquiétez pas, il viendront nous sauver. Soupira Allan.

Il tremblait et ses yeux et son âme pleurait. Il avait ramené un ami cette fois là, qui s’appelait Marco. C’était la première fois qu'ils nous accompagnait, et la grange avait prit feu. Malchance.

Tout à coup, on entendit un "crac" en dessus de nous, et Allan se leva d'une traite.

- Il faut sortir nous même, la grange ne va plus faire long !

On ne bougea pas. Paralysés par la peur. Il leva la voix :

- Il faut partir, vite !

Puis, de reflex, il nous leva tous les deux. Il nous regarda l'un après l'autre dans les yeux. Ses pupilles marrons me fixèrent longuement. Je me sentis rougir. Marco et moi avions compris sa détresse ; Il fallait qu’on bouge.

Mais la porte était bloquée. Il fallait trouver un autre chemin. Allan me tapa dans l’épaule, il avait l’air de l’avoir trouvé. Il pointait du doigt une palissade en face, et se mit à courir dans sa direction. On le suivit. Mais la palissade elle aussi était couverte d'énormes flammes.

- On a pas le choix. Soupira Allan.

Et il fonça, tel un taureau fou, vers la chaleur du danger. Je ne put pas l'en empêcher, le cris resta coincé dans ma gorge.

Et c'est là que Allan cria. Il avait beau avoir forcé notre porte de sortie qui s'était ouverte directement, ça ne changeait en rien, car son épaule était couverte de sang. Même aussi loin de lui, je pouvais sentir la douleur qui le rongeait. Je voulut aller vers lui pour le consoler, mais il me repoussa.

- Sortons, vite ! Cria-t-il.

Les yeux brûlants de larmes, je courrai, fermant mes paupières pour passer dans la barrière de feu. Nous étions enfin dehors, et malgré le grésillement des flammes encore proche, je me sentais en sécurité. J'entendais des sirènes et mon esprit me dit que tout allait s'arranger. Je me trompais. Aucune trace de Allan, un énorme fracas ratatina le brasier.

Je hurlais, j'avais peur. Et c'est alors que je le vit. Il était toujours vivant, là, il marchait vers moi. Des déferlantes de larmes lui coulaient sur les joues. Il éclata en sanglot.

- Fanille, Marco...Il est...

L'effroi. Avoir vu quelqu'un mort avait à tout jamais changé Allan. Ça l'avait rendu distant, seul. Mais des fois, je me demandais si ça lui plaisait.

La courre extérieur était déjà bien vide quand j’arrivai en cours. J'allais être tuée sur place. Mais j'y pensa soudainement : Pourquoi Allan ne m'avait-il pas réveillé en partant ? Il y avait quelque chose là dessous.

J'arrivais en classe et m’excusais ; une heure de colle. Mon premier reflex fut de regarder la table en binôme avec Cassandra. Il était là, ses cheveux noirs en batailles et ses pupilles marrons dans la vagues, il rêvait d'autre chose, comme d'habitude. Mais moi, il fallait que je répète mon anglais. Les rêveries plus tard.

C'est ces moments là que je préfère. La pause. Car avec Allan, on parle de tout, de rien. Car oui, les 3 quarts du temps, je passe mes pauses avec lui, car je n'ai pas les même centre d’intérêt que les filles de mon âge. Oui, je me maquille, mais je n'aime pas trop parler garçon et c'est leur sujet principal.

Avec lui, on parle de boxe, d'animaux ou de groupe de rock. De cuisine japonaise, de la musique russe ou de vacances à la plage, bref, tout les sujets sont possible. Ou presque. On se retrouve toujours là, sur un banc rouge écarquillés du parc, un sandwich chacun et on passe un bon moment.

12h25. On à arrêté les cours il y a 10 minutes et d'habitude on se presse toujours pour manger les deux à midi. Ça me fit peur. Et si...Il était vraiment en colère contre moi ? Bah, il ne faut jamais se baser sur 10 minutes de retard. Mais je m’inquiétais quand même.

Je décidais d'aller à sa recherche.

Fouillant le bâtiment de fond-en-comble, je ne trouvais rien. 12H30. Ça me faisait peur maintenant, car le banc rouge était toujours vide.

La courre de derrière. Il aimait bien y aller. J'étais sûr qu'il y étais.

Effectivement, j'avais raison. Mais il n'était pas seul. Ils étaient 3 gros, costaux, la bande qui ferait fuir la petite mamie dans la rue. J’hésitai même à m'avancer.

Quand Allan me vit, il ouvrit grand les yeux.

- Mais, tu fais quoi ici ?

Sa question m'étonna, mais je lui répondit comme mon cœur me le dictait.

- On devait passer le midi ensemble. Tu ne t'en rappelles pas ?

La colère monta en moi et je continuai :

- Ou peut être que tu es en colère contre moi ? Tu ne veux plus manger avec moi ?!

Les autres me fixaient maintenant, avec des regards moqueurs. Allan paraissait dépassé.

- C'est une de tes copines, All ? Elle est pas mal. Tu pourrais nous la passer pour régler ta dette. Je suis sûr qu'elle vaut bien plus que toutes les babioles que tu nous donnes.

Des raquetteurs ? Je pensais bien (méchamment) que Allan n'avait pas put se faire des amis. Mais je n'aimais pas leurs manières de parler de moi. Comme une femme objet, en somme.

- C'est pas une copine. Je ne vous la donnerais pas, même pas en rêve, car on ne sait pas ce que des déchets comme vous pourraient en faire. Grogna Allan

Bien répondu, sur un ton ferme. Lunatique, comme je l'aime. Par contre le « c'est pas une copine » M'avait fait mal. Il niait notre relation, même amicale ? Et maintenant que je venais d'y penser, il venait de contrer 3 gros mecs ? Ça sentait mauvais tout ça.

Mais Allan n'est pas du genre à laisser les choses à moitiés finies. Il annonça d'un ton mielleux-aigre :

- Ce n'est pas une copine, mais ma petite amie. Et je ne vous laisserait faire de mal, ni à elle, ni à moi.

Ne me regarde pas dans les yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant