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Alors que le soleil commençait lentement à se coucher derrière les arbres qui protégeaient la cité Lurus, Arthur arpentait les couloirs du palais pour se diriger vers sa chambre. Vouté, perclus de courbatures, couvert de sang et d'ecchymoses et vêtu de haillons, il faisait pitié à voir. Pourtant, à chaque pas en avant sa démarche se faisait moins raide, plus alerte, tandis que sa peau reprenait une teinte normale et qu'il se redressait, bombant presque le torse, le regard sévère et l'esprit focalisé sur sa guérison. Il avait une heure pour se restaurer, se laver et s'habiller, et comptait bien en profiter. Il sourit intérieurement. Les progrès de sa faculté régénératrice lui faisaient gagner beaucoup de temps. Il remercia en silence Maître Amani. L'idée de celui-ci de rediriger son énergie là où il en avait besoin était adaptable à plus de situations qu'uniquement le combat, et se guérir sans avoir besoin de méditer risquait de s'avérer très pratique dans les heures à venir.

Mais surtout, il se sentait redevable envers Maître Sans-Nom. Outre sa technique de protection astrale, elle lui enseignait comment employer l'Éther dans plusieurs directions à la fois. Et même s'il avançait laborieusement, il parvenait à l'utiliser pour se renforcer et s'accélérer en même temps. Il restait lucide sur ses chances de victoire, mais abordait le combat du lendemain un peu plus sereinement, maintenant qu'il savait posséder quelques moyens de défense et de contre-attaque.

Lorsqu'il arriva à sa chambre, il sentit un bref coup de fatigue le traverser et s'arrêta en souriant. Posant sa main sur la poignée, il l'abaissa pour aller s'assoir sur son lit en silence avant de fermer les yeux.

— Te voilà enfin, Petit prince.

La femelle en chaleur venait de surgir derrière lui pour le prendre dans ses bras et l'embrasser dans le cou tandis que sa poitrine et son ventre se frottaient contre son dos.

— J'avais hâte.

Le loup grogne en souriant.

— Moi aussi, figures toi !

La femelle se redressa, surprise.

— Tu peux parler ?

Le loup se lève du lit et se retourne pour lui faire face avant de répondre.

— Pas que...

Souriante, elle se lèche les lèvres en tendant les mains vers le sexe de celui qui lui fait face, mais il la repousse. Surprise, elle le dévisage.

— Tu n'as pas utilisé tout ton Éther ?

— Si. Mais j'apprends vite. Il n'y a pas que l'Éther pour se défendre sur le plan astral.

La femelle grogne.

— Maudite tortue ! Elle va voir !

— Non, elle ne viendra pas te voir. Ce sont nos affaires, je lui ai demandé de ne pas y mettre le nez.

— Pourquoi... Tu as envie que ça continue ?

— Non. Là d'où je viens, profiter de quelqu'un sexuellement sans son accord ou en profitant de son état, ça porte un nom. Donc de deux choses l'une. Soit tu arrêtes définitivement, soit après mon couronnement je te ferais châtier.

La femelle se redresse, surprise, et pendant une fraction de secondes une odeur amidonnée monte aux narines du loup, avant qu'elle ne porte une main à sa bouche en rigolant.

— Petit louveteau impétueux et prétentieux ! tu crois pouvoir m'imposer quelque chose sur le plan astral ? Je peux si je le souhaite faire de toi mon esclave, et tu reviendrais en demander tous les soirs sans même t'en rendre compte tellement tu trouverais ça bon !

Alors qu'elle claironne, le décor se transforme en un donjon sadomasochiste, et le loup se retrouve entravé par de lourdes chaines le long d'un mur. Pourtant il rigole.

— Tu as peur au point d'en perdre la raison, Petit Prince ?

— Non. Je repense à ce que m'a dit Maître Sans-Nom.

— Et quoi donc ?

— Plus la création est conséquente, plus fort est le feedback...

La femelle hausse un sourcil d'incompréhension, alors que le loup ferme les yeux, et soudain elle panique. Son énergie se concentre, elle le sens. Il avait gardé ça caché en lui, mais depuis le début il engrangeait de l'Éther qu'il compressait pour le dissimuler. Et maintenant qu'elle le sent, elle réalisa la quantité qu'il a stocké et sait ce qu'il va en faire. Elle veut couper le lien, mais il la retient, et plus elle glapie de terreur et le supplie, plus il sourit.

— Ceci vous servira de leçon, Maître. Je ne sais pas grand-chose, mais j'apprends vite !

Il rouvre les yeux, et l'illusion se dissipe dans une violente explosion.

Arthur se retrouva de nouveau face à la porte de sa chambre. Souriant, il l'ouvrit pour se diriger vers son diner, posé sur un plateau sur son lit.

Dans la grande salle des festins, Sans-nom arriva en souriant et dévisagea Maribel. Celle-ci lui lança en retour un regard courroucé tout en discutant avec Asterios, avant d'hurler et de s'écrouler en arrière, inconsciente. Les autres Maîtres se penchèrent alors vers elle, inquiets, quand la vieille tortue tapa le sol de sa canne.

— On se calme. Elle vient de prendre une bombe Éthérée... Laissez-la se reposer, elle a une leçon à retenir.

Les autres Maîtres échangèrent des regards lourds de sous-entendus. Ils avaient compris qu'elle essayait d'abuser de quelqu'un sur le plan astral, et même sans savoir qui, ils avaient de lourds doutes quant à l'identité de la victime. Se détournant d'elle, ils se rassirent face à leurs assiettes pour reprendre leur repas, alors que Sans-Nom se plaçait aux côtés d'Amani.

— C'était le petit ?

La tortue hocha la tête.

— Pas mal... C'était ton plan ?

— Le nôtre. Mais c'est moi qui lui ai appris. Comment va Breena ?

— Elle dort... Comment avance Arthur ?

— Il survivra. Je crois...

— Il n'a toujours pas mué ?

— Et il n'est pas prêt de le faire... Nous allons assister à un combat d'anthologie demain.

— Ou à un massacre en bonne et due forme... C'est mon tour ce soir ?

— Non. Ce soir, je voudrais qu'il se repose... Il a quartier libre. Jusqu'au couronnement.

— Donc presque douze heures à tuer, avec le stress qui l'envahit ? Tu es dure avec lui...

— Espérons que ça stimule sa volonté... Donnes moi ce plat.



La Trinité des Monstres - Tome 1 - LouveteauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant