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Arthur se réveilla avec des cheveux plein la bouche. Se redressant sur le coude, il essayait d'enlever la masse capillaire qui collait à sa langue en râlant contre les films romantiques américains avant de sortir du lit pour aller se soulager, avant d'aller lancer sa cafetière. Il resta ainsi à regarder Viviane dormir, sa tasse à la main, en pensant à ce que l'avenir pouvait être. Huit cent ans à dormir aux côtés de quelqu'un qui ronfle et qui vous étouffe avec ses cheveux, ça n'avait rien de glamour. Il rigola intérieurement en se disant que les scénaristes étaient vraiment de sacrés menteurs, avant de vider sa tasse d'une traite et de s'allumer une cigarette. Ce qu'il faisait là, son père en était incapable, à cause de ce qu'il nommait la règle des trois C.

Café.

Clope.

Caca.

Arthur avait toujours été surpris par cette règle et avait fini par faire des recherches dessus, une nuit d'insomnie, pour découvrir que le sucre du café et la nicotine entrainaient tous deux une surproduction des sucs gastriques, ce qui provoquait chez certains ce besoin irrépressible d'aller aux toilettes. Pouffant de rire, il se demanda ensuite comment il avait pu passer de la contemplation d'une femme nue dans son lit à des réflexions sur le caca, avant de remarquer sa cigarette qui tremblait.

En fait, ce n'était pas sa cigarette qui tremblait, mais la main qui la tenait. La date lui revint subitement comme un coup en plein ventre, et il se retrouva avec le souffle coupé, cherchant désespérément un endroit où s'assoir, avant de se laisser glisser le long du mur pour finir sur le parquet de sa chambre. Il resta ainsi à pleurer en silence en fumant cigarette sur cigarette, scrutant ses orteils à la recherche d'une réponse existentielle dont il ignorait la question, guettant une révélation qui ne viendrait jamais.

— Tu veux qu'on en parle ?

Arthur redressa la tête, sursautant presque de surprise, pour faire face à Viviane réveillée et enroulée dans la couette, le dévisageant avec un sourire triste sur les lèvres. Le genre de sourire qui signifie que rien ne peut être fait pour aider, mais qui compatit quand même. Et bien que peu encourageant, ce sourire réconforta Arthur, lui donnant l'impression de compter un peu pour quelqu'un d'autre que son père ou Breena.

— Pour dire quoi ? Que je suis terrifié ?

— Oui, déjà... Le formuler, c'est le libérer...

Arthur soupira en reprenant la contemplation de ses orteils.

— Je suis terrifié... En fait, je voudrais même trouver un mot plus fort... J'ai tellement peur que mes capacités cognitives en sont totalement annihilées...

— Tu arrives à citer SOS Fantômes, ça ne doit pas aller si mal que ça...

Le jeune homme rigola.

— L'humour... Mon père me disait toujours que c'était la meilleure des armes... Mais elle ne suffit pas...

Viviane soupira avant de se lever du lit pour venir se blottir contre Arthur qui se faufilla dans la couette à ses côtés.

— Dis... Vu la nuit qu'on vient de passer, pourquoi tu caches ton corps ?

— Tu n'es pas croyable... Tu nous la joue pudique depuis des jours, et maintenant tu te décoinces ? Faudrait savoir ce que tu veux...

— Là, tout de suite maintenant, je voudrais remonter le temps... Ou m'enfuir en courant, je ne sais pas trop...

— Et si tu en faisais une arme, de ta trouille ?

La Trinité des Monstres - Tome 1 - LouveteauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant