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Alors qu'Arthur allait rentrer dans sa chambre, quatre paires de bras le saisirent pour le trainer au bout du couloir jusqu'à une porte dérobée tenue ouverte par Viviane.

— Ca sert d'avoir travaillé ici...

Arthur fut trainé ainsi jusque dans le vestiaire des employés avant d'être jeté contre un mur, alors qu'il allait se relever pour se battre, il se retrouva devant Breena, Golbar, Amani et Asterios. Perdu, il les dévisagea dans l'attente d'une explication, et ce fut Breena qui prit la parole.

— Ils t'ont dit quoi, au téléphone ?

— Qu'ils les tenaient en otage.

— Sans rire. Quoi d'autre ?

— Je dois aller les retrouver demain. Minuit, la ZAC de Rambouillet. Seul.

— Et tu comptes y aller ?

Arthur foudroya la guerrière du regard.

— Je ne comprends même pas que tu oses poser la question !

— Et comment comptes tu t'y prendre pour ne serait-ce que quitter la cité ?

Arthur ouvrit la bouche pour répondre avant de réaliser qu'il n'avait aucun plan ni les connaissances nécessaires pour ne serait-ce que sortir d'ici puis se rendre au lieu de rendez-vous après. Il ignorait même dans quelle partie de la France il était à l'heure actuelle. Et tandis qu'il cherchait quoi dire, Breena répondit pour lui.

— Alors l'affaire est entendue, on y va tous.

— Quoi ? Mais Vortigern a dit que...

— On l'a entendu aussi. Tu as toujours obéi à papa, toi ?

Arthur brandit l'index comme s'il allait lancer un argument implacable avant de se raviser, penaud.

— Non...

— Bien. Brutus va réunir des hommes. Tu as déjà pas mal de partisans même chez les Griffes Noires. Et on va détourner du matériel. Tu nous laisses élaborer un plan, et de ton côté tu fais ce que tu peux pour donner le change demain toute la journée.

— Comment ça ?

— Tu dois avoir l'air énervé, même vexé ou en colère, peu importe. Mais si subitement tu n'as plus l'air d'être au bout de ta vie, ils se douteront qu'on prépare quelque chose.

— OK...

— Bien. Maintenant que c'est fait, tu vas m'expliquer ce qu'il s'est passé avec Excalibur ?

Arthur dévisagea sa sœur quelques instants, puis les autres Maîtres et Viviane, pour réaliser qu'ils semblaient tous avoir de grands espoirs quant à sa réponse.

— Je... J'ai entendu une voix m'appeler... Alors je l'ai suivie...

Amani dut se retenir de crier.

— Alors pourquoi tu n'as pas essayé de sortir l'épée ?

Arthur le regarda avec une sincérité déroutante.

— La voix s'était tue... Si j'étais votre Roi élu, elle n'aurait pas dû se taire aussi près de moi, pas vrai ?

Tous échangèrent des regards gênés ou surpris, alors que Viviane se penchait vers son compagnon.

— Ou alors tu n'étais pas convaincu par toi-même. Quoi qu'il en soit, tu as plus important en tête pour le moment...

Amani attrapa alors Arthur par la peau du cou pour le relever.

— Tu vas venir à la pierre avec moi, dussé-je te tirer par la peau des couilles pour ça, et tu vas te saisir de cette épée pour qu'on soit fixés une fois pour toutes ! Tu es un Lurus, bordel de merde, pas un lâche !

Et alors qu'Arthur couinait en se débattant, Amani le rejeta devant lui. Avec autant de dignité que possible, Arthur se releva pour faire face à tous ceux présents, bras croisés devant lui.

— C'est bon, j'y vais... Mais par un passage dérobé alors... Après mon départ dramatique, ce serait suspect qu'on me voie y retourner...

Les Maîtres échangèrent quelques regards puis Amani opina du chef, et Viviane partit devant.

— Suivez-moi.

Alors qu'ils avançaient à travers les couloirs de services, Breena expliquait à Arthur.

— Si tu sors l'épée, ça fait de toi le Roi des Rois légitimes.

— Je sais... Grand-père me l'a dit... Une question en l'air. Pourquoi Brutus nous aide ? J'ai manqué de le tuer, j'ai bousillé ses rêves de gloire... Il ne le fait pas parce qu'il se sent redevable ou parce que tu lui as demandé, j'espère ?

L'intéressé répondit avant sa future épouse.

— J'ai envie de rencontrer les gens pour lesquels tu es prêt à sacrifier ton trône. Ils doivent être extraordinaires... Et je n'ose pas imaginer ce qu'il se passerait si tu n'y allais pas, ou pire si tu y allais mais n'en revenais pas... Vortigern a été brisé quand tu es parti, je n'ai pas envie de voir un autre roi fantôme... Et je voudrais découvrir la force de ce que tu sembles tellement chérir...

— La bière ?

— L'amitié... Chérie, il est con exprès ?

Breena posa sa main sur le bras de son fiancé alors qu'Arthur s'offusquait.

— Il se croit drôle, n'y prête pas attention...

Arthur se retint de crier.

— Je vous emmerde !

— D'accord, mais fais-le en silence parce qu'on est arrivés.

Viviane dévisageait son compagnon en souriant tout en ouvrant une porte donnant sur l'épée dans la pierre, et Arthur la passa en silence, captivé par ce qu'il voyait. De l'arme semblait émaner une énergie palpitante l'appelant tendrement, comme deux amants perdus de vue se retrouvant enfin, alors qu'il lui semblait voir une aura merveilleusement lumineuse s'élever du socle. En quelques pas seulement, il fut devant le rocher, plein de hâte et d'appréhension, n'osant pas tendre la main mais sentant en lui un besoin impérieux de se saisir de l'arme, tandis qu'à l'extérieure du palais de lourds nuages noirs s'amoncelaient, dissimulant la lune dans les ténèbres, et que le vent se levait.

Après presque une minute d'hésitation, il finit par tendre la main et se saisir de la poignée de l'arme sans que rien ne se passe. Il tourna alors la tête vers les Maîtres, et Amani, après avoir écrasé la main sur son visage, marmonna.

— Tire l'épée ! Elle ne va pas sortir toute seule !

— Oh, oui, pardon !

Se ressaisissant, Arthur tira sur la poignée, mais rien ne se passa. Fronçant les sourcils en observant l'arme, il semblait à l'écoute avant de marmonner.

— C'est pas cool...

Lorsqu'il relâcha la poignée, il entendit distinctement ses Maîtres soupirer, et les regarda en souriant.

— Il faut croire que je ne suis pas encore prêt...

Sans un mot de plus, il passa entre eux pour rejoindre Viviane.



La Trinité des Monstres - Tome 1 - LouveteauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant