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La faim le tiraille. La faim et le froid. Il n'a que ces choses qui préoccupent son esprit. Il n'est que l'instant. Un être l'a relâché et a émit un bruit, mais il n'a pas comprit. Il a trop faim pour comprendre. En tournant la tête de tous les côtés, il voit plein de corps froids comme lui. Et quatre corps chauds. L'un d'eux est plus chaud que les autres, mais il lui fait peur. Tout son être crie au danger. Alors il se reporte sur les autres corps. L'un des trois, plus loin est plus froid que les deux autres, alors il s'approche de ceux-là à quatre pattes, précautionneusement. Ils gesticulent mais restent droits, ils gémissent, mais il ne comprend pas. Il s'approche plus prêt, les renifle. Ils sentent si bon, ça lui donne faim. L'un d'eux essaye de le repousser, il bondit hors de porter des coups et feule, ses canines grandissant dans sa gueule alors que la faim attise sa rage.

Il bondit sur l'agresseur et l'agrippe, avant de mordre profondément à la gorge, sur cette grosse veine palpitante qui l'attire tellement, et se nourrit enfin. Il boit goulument chaque once de ce liquide qui le ressource et le revigore. Il sent la vie revenir en lui à mesure que sa soif s'étanche, et sa colère diminuer alors que le froid diminue. Il entend crier au loin. Une femelle et un mâle. Elle hurle de peur, il sent l'odeur de son corps changer. Le mâle appelle quelqu'un. Nicolas... Ce nom effleure une partie de lui, mais il ne sait pas laquelle, et il s'en moque. Lorsque sa victime lui a livré son ultime goutte de chaleur, il redescend du corps. Le monde autour de lui n'est plus si floue, les couleurs reviennent et les contours des choses se font plus précis. Se tenant debout, bien qu'encoure vouté, il se dirige vers le second corps. Une femme qui pleure et dont le visage chatouille sa mémoire.

— Ma... Man...

Il se colle à elle, l'enlace en blottissant sa tête dans le cou de la femme. Il voudrait pleurer avec elle sans savoir pourquoi. Redressant la tête, il lui sourit, avant de planter ses crocs dans sa gorge et de boire de nouveau malgré les gémissements de sa victime. Il entend les cris des deux autres redoubler de force, il les entend l'appeler et hurler en niant ses actes. La femelle l'implore d'arrêter, le mâle, un prédateur, lui dit de se reprendre. Mais il a faim. Et toute cette nourriture à sa disposition étanche sa faim allègrement. Même s'il a conscience de faire du mal à sa mère.

Sa mère... Il était en train de se nourrir de sa mère et ne pouvait pas s'en empêcher. Il en avait besoin même si ça le rebutait. Sa survie en dépendait. Quand enfin elle rendit son dernier soupire, que son corps ne contenait plus assez de sang pour alimenter son cœur, il continua de boire encore jusqu'à la rendre exsangue puis de la relâcher pour la regarder. Sa mère était si pâle, et malheureusement son visage resterait à jamais figé dans un masque de terreur. Il sentit une larme naitre au coin de son œil alors que son esprit lui revenait petit à petit. Mais il avait encore tellement faim...

Il se détourna du prédateur pour aller vers la femelle. Elle l'implorait, le suppliait, mais il avait faim. La terreur panique qui l'habitait poussa cette proie facile à uriner, mais il s'en moquait.

— Nicolas ! Arrêtes toi sale con !

Le prédateur ! Ils se dévisagèrent, et il comprit enfin. Ce n'était pas un prédateur. Il était en colère, mais pas un ennemi. Dans son esprit, un autre mot vint. Frère.

— Si tu veux du sang, bois le miens, mais laisses Lucie ! Tu l'aimes, bordel de merde !

Il regarda la femelle, puis le mâle, et prit sa décision. Il se tenait droit et fier, un sourire carnassier aux lèvres et s'approcha du mâle qu'il renifla sans gêne.

— Vas-y, mords si tu veux ! Bois ! Rien à foutre que ça te rende plus sauvage, et avec de la chance tu iras crever ce fils de pute ! Mais ne touches pas à Lucie !

Il le contourna, repoussant Septus sans ménagement sous les rires de Dracula, avant de se saisir de son frère et d'écarter sa tête sur le côté pour libérer son cou.

— Vas-y, bon appétit mon frère !

Dans un rugissement, Arthur planta les crocs dans son ami et le bu jusqu'à la fin. Lorsqu'il le relâcha, Arthur chuta en avant, tandis que Nicolas se léchait les lèvres.

— Comment te sens-tu, mon fils ?

La rage au ventre, Nicolas foudroya Dracula du regard.

— Je meurs d'envie de te crever !

Tous les vampires se figèrent. Il ne devrait pas être en état répondre de la sorte.



La Trinité des Monstres - Tome 1 - LouveteauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant