CHAPITRE 16 (NV)

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Jonathan

En reposant le téléphone sur la table de chevet, je poussai un long soupir. La vie de Kalie semblait plus pesante qu'elle n'y paraissait et surtout quand Sydney s'invitait trop souvent dans le tableau. Après le dîner avec Cynthia et Kalie, une gêne s'était installée entre nous. D'une part à cause du presque-baiser et d'autre part à cause de toute la discussion en général. Surtout que mentionner Lucas n'était absolument pas judicieux.

Si elle savait.

Ce qui ne m'enchantait absolument pas en ce moment était le message de Sydney. Elle m'avait invité à dîner avec sa famille dans un restaurant de fruits de mer, comme au bon vieux temps. Je gloussai intérieurement. L'hypocrisie dont Sydney demeurait sans faille. Elle arrivait à regarder Kalie en face et à lui mentir en lui affirmant qu'elle me détestait tout autant qu'elle alors qu'on a bien passé une nuit ensemble.

Je n'en étais pas fière et jamais je ne le serais. Une partie de moi manque cette période qui semblait si joyeuse et paisible sans tout ce bordel autour. Mais le bordel c'était moi qui l'avais créé. Un putain de foutoir même.

En guise de réponse, je lui avais envoyé un « oui, pas de soucis » à la demande de Kalie. Elle voulait passer du temps avec son amie, enfin, en apparence. Après tout, je lui devais bien ça.

Wow, jamais je n'aurais cru penser ça.

La tension s'était nettement apaisée depuis qu'on s'entre-aidait. Les maths étaient du charabia pour moi et grâce à Kalie, je comprenais un peu mieux les méthodes utilisées en cours. Pour le basket, elle suivait mes instructions à la ligne et s'entraînait dur depuis. Quand tout allait bien dans le meilleur des mondes, pourquoi tout gâcher ? Lui parler de Sydney ne ferait que de la détruire.

Je m'habillai donc rapidement sans porter la moindre attention à mes vêtements, puis sortie en trombe de la maison. Cynthia sortait avec des amis ce soir pour une fois, ce qui me laissait une bonne dose de liberté. Le contact entre nous était moins fluide qu'avant. Elle devait m'en vouloir d'avoir omis la partie « Lucas ». Qu'est-ce que ça pouvait me faire ? Ce n'était pas ma mère après tout.

Dans le bus, les écouteurs enfoncés dans mes oreilles, j'écoutais en boucle la musique du jeu Life is strange, Spanish Sahara par Foals. Une pépite cette musique. Le paysage défilait sous mon regard attentif. Avec une telle atmosphère, ma mère apparut dans ma tête comme une image scotchée. Son sourire aux lèvres aux côtés de mon père et moi, son ventre bombé qui transportait mon petit frère. Une famille heureuse et qui possédait tout et pourtant tout parti en éclat en un claquement de doigts. L'image qui semblait collée dans mon esprit se fissurait petit à petit ne laissant qu'un vide immense.

Le bus s'arrêta au restaurant où Sydney m'avait donné rendez-vous. La façade de l'immeuble était assez banale, des dessins de crabes et autres animaux marins occupaient la place sur la pancarte à l'entrée. Je m'attendait à plus chic de la part des Collins. Une famille aisée et qui se contentait de vivre dans une petite ville avec de petits gens qui ne signifiaient rien pour eux.

Dès que je déposai un pied dans l'immeuble, je remarquai Sydney. Ses cheveux coupés courts étaient bouclés cette fois-ci et semblaient briller plus intensément que les autres jours. Un jean et un simple t-shirt composaient sa tenue. Sa mère en face d'elle était son portrait craché, les mêmes cheveux, la même teinte de peau, les mêmes yeux. Elle dégageait une aura sévère, son visage impassible aurait pu faire frissonner n'importe qui. Caroline était son prénom. Un nom aux sonorités douce et calme qui contrastait avec son caractère. Travaillant dans un cabinet d'avocat, Caroline Collins était sans doute la plus douée dans les affaires judiciaires. Tout le monde se dirigeait vers elle tant elle se montrait à la hauteur de leurs attentes. À force de voir des atrocités, tous les jours, ça avait dû déteindre sur elle.

Le père de Sydney, Gavin, semblait tout aussi froid que sa femme. Un couple pour qui le destin avait bien fait les choses. Ils se correspondaient parfaitement, s'en devenait pénible. Ils finissaient les phrases l'un de l'autre à des moments, et pourtant, aucune étincelle n'illuminait leurs yeux quand ils se regardaient ou se touchaient. Comme si tout était faux.

Sydney me regarda puis me fit signe de venir m'asseoir, je m'exécutai en affichant mon plus beau sourire.

— Salut ! commença Sydney en me faisant la bise.

— Bonsoir, enchaîna Caroline, avant de reporter son attention sur son téléphone.

Gavin me fit un hochement de tête. Charmant.

J'espérai un peu plus de chaleur venant de leur part. Il s'en fichait complètement de ma présence. Peu de temps après, le serveur arriva, quatre cartes dans les mains. Nous commandions à tour de rôle nos plats. J'optai pour des moules frites et Sydney prit la même chose. Ses parents prirent le plat du jour à savoir un homard.

Caroline posa son téléphone sur la table pour enfin me regarder en soulevant légèrement son sourcil parfaitement tracé. Son verre dans les mains, je pouvais la sentir me jauger.

— Alors, Kalie. Comment ça va en ce moment ? demanda-t-elle, d'une voix plus douce que je ne le pensais.

— Bien, rien de nouveau.

— Aucun gymnase à saboter ? s'interposa Gavin, son regard scotché à son téléphone.

Mais bien sûr, Gavin Collins était le directeur du lycée. Lui et le coach avaient négocié un arrangement pour nous laisser hors de tout cela. Pour me protéger.

— Papa ! C'est vraiment pas le moment. Tu avais promis.

Il me scruta d'un regard sévère.

— Désoler Sydney, mais Kalie a dépassé les bornes sur ce coup-là et je voulais juste m'assurer qu'elle ne doit plus mêler ma propre fille à ses enfantillages.

Je gloussai. En réalité, je devrais me réjouir de voir Kalie prendre tout le blâme, mais pour une fois, je faisais une bonne action.

— Tu te moques de moi, Kalie ?

— Et Jonathan dans tout cela ? Pourquoi a-t-il besoin de votre protection et celle du coach ?

Il sembla surpris.

— C'est vrai papa ? Tu as masqué l'affaire pour Jonathan ? demanda Sydney, d'une voix douce, presque admirative.

— Pour notre équipe et pour le bien-être de l'école, reprit-il. Si Jonathan n'a pas été sermonné par moi, c'est parce que le coach s'en est chargé.

Les plats arrivèrent à tour de rôle ce qui brisa l'atmosphère pesante. Le reste du dîner se passa calmement non sans une bonne dose de regards furtifs de la part du reste de la famille. Quelle ambiance !

Une sonnerie interrompit le repas de Gavin qui sembla étonné par le nom affiché sur le téléphone. Je pouvais parier qu'il avait jeté un regard furtif à Sydney. Il se leva carrément de sa chaise, puis décrocha. Je pus capter une phrase :

— Je t'ai dit de ne pas m'appeler sur ce téléphone. 

Rends-moi mon corps ! TOME 1 #Wattys2020Où les histoires vivent. Découvrez maintenant