L'entretien (partie 2)

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- Posez ça, intima une voix mordante dans son dos. 

Astal sursauta et obtempéra avant de se tourner vers l'homme qui venait de s'adresser à elle. A l'instant même où son regard se posa sur lui, tout en elle se figea de stupeur. La vision qui s'offrait à elle lui coupa le souffle aussi sûrement et douloureusement qu'un uppercut en plein plexus. L'homme qui lui faisait face semblait à peine plus âgé qu'elle. Trente-cinq ans, tout au plus. Il posait sur la jeune femme un regard indéchiffrable, à la fois brûlant et glacial, fascinant et parfaitement effrayant. Un frisson courut le long de l'échine d'Astal, la tirant in extremis d'une torpeur hypnotique redoutable. Elle refusa de se laisser capturer plus longtemps par ces yeux et détourna les siens, incapable de soutenir plus longtemps ce regard d'acier. Face à cet homme, la jeune femme se sentait menacée par des émotions et des sensations contradictoires qui déferlaient maintenant en elle en rouleaux tumultueux ne lui laissant aucun répit. Dans cette mer démontée, Astal perdait pieds. Elle le savait, elle le sentait. Elle en frémissait autant qu'elle enrageait. 

Réalisant qu'elle venait d'abaisser son regard vers le bout de ses bottines comme une gamine prise sur le fait, la jeune femme serra les dents de rancœur et de frustration. Elle n'était plus une petite fille, pas plus qu'une petite chose fragile. Et elle s'était promis. Promis de ne plus jamais se laisser fasciner ni écraser par aucun homme. Promis de ne plus jamais se laisser dicter ses choix et les orientations de sa vie par aucun d'eux. Promis de ne plus jamais dépendre de qui que ce soit. Promis de vivre libre, la tête haute.

Prenant son courage à deux mains, Astal releva les yeux vers le gérant. Son attention s'accrocha de nouveau aux deux yeux posés sur elle mais s'esquiva aussitôt pour venir se réfugier quelques instants du côté de la tignasse noir de jais du jeune homme. Quelques mèches ébènes retombaient gracieusement sur son front tandis que les cheveux de ses tempes à sa nuque étaient discrètement rasés. Des sourcils fins couraient le long de ses arcades, noirs et réguliers, immobiles, arborant seulement un léger froncement à la racine de son nez. Au-dessous, luisaient deux pupilles noires perdues dans des iris d'un bleu-glacier presque translucide et encerclé de pigments d'un bleu plus sombre sur leur pourtour. Comme si ce n'était pas suffisant, la couleur singulière de ces yeux était soulignée par des cernes épais et de longs cils noirs, exacerbant l'intensité de ce regard irréel. Ces yeux fascinaient autant qu'ils transperçaient l'âme de part en part. Ils étaient comme le chant des sirènes : envoûtant et mortel à la fois. Entre ces deux orbes, un nez droit, finement sculpté et légèrement retroussé à son extrémité. Au-dessous, des lèvres charnues et sensuelles, aux commissures légèrement affaissées dans une moue boudeuse. Cet homme était un paradoxe à l'état pur. De son visage ciselé à l'équilibre parfait, par des traits fins et des lignes graciles, émanait pourtant une force brute. La ligne épurée de sa mâchoire étroite et de son menton saillant dénotait avec la nuque robuste qui les soutenait. Le teint diaphane et la petite stature du gérant auraient pu donner l'impression d'un homme chétif, à la constitution fragile, mais c'était sans compter la morphologie tout en muscles qui se devinait aisément au travers de son jean gris et de son pull près du corps. La beauté de cet homme n'avait d'égal que sa froideur, éveillant chez ceux sur qui ils posaient son regard un terrifiant mélange de fascination, de magnétisme et d'effroi. Et même si Astal tentait de cacher son trouble, elle n'échappait pas à la règle.

Malgré l'avertissement d'Hanji, l'attention de la jeune femme finit par s'accrocher à l'impressionnante cicatrice qui courrait le long du visage du gérant, du milieu de son front jusqu'au menton. Légèrement oblique, la balafre lui écorchait l'arcade et la paupière droites et, un peu plus bas, lui fendait les lèvres. Par on ne savait quel miracle, son œil - lui - était indemne.

Sentant un regard insistant sur sa plaie, Livaï s'irrita de plus belle.

- Tu vois un truc qui te dérange, peut-être ? , cracha-t-il d'un ton glacial et acéré.

Le bruit du monde (Livaï x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant