Le bruit du monde (Livaï x OC)

Voyage

Emmitouflée dans sa doudoune, le nez bien à l'abri sous son écharpe en laine, Astal relut le sms de son patron. 

Rdv vendredi 18h sur le parking de la gare

17h58. La jeune femme s'était assurée d'arriver en avance pour éviter de s'attirer les foudres du gérant, particulièrement pointilleux quant aux horaires. A peu près autant que pour le ménage, se fit-elle la remarque en se fendant d'un sourire railleur.

Elle réajusta la lanière de son sac de voyage sur son épaule et entreprit de se balancer d'un pied sur l'autre pour combattre le froid mordant. En ce vendredi soir, le parking de la gare était plein à craquer. Les voyageurs allaient et venaient dans un flot incessant qui apaisait la jeune femme. Ils formaient autour d'elle une foule dense et compacte qui assurait son anonymat. Elle n'avait plus qu'à attendre tranquillement l'arrivée de Livaï.

Livaï.

Astal ne l'avait pas revu depuis mardi soir. Après l'apparition de Marc au Bruit du monde, le jeune homme l'avait renvoyé chez elle avec l'interdiction formelle de remettre les pieds à la boutique. Congés forcés. Elle ne s'était pas faite prier. Livaï avait également averti Hanji, lui demandant d'héberger son employée le restant de la semaine. Du moins, jusqu'à leur départ pour leur "weekend au vert".

A cette pensée, un frisson remonta le long de son dos. Astal se sentait tendue. Nerveuse. Il y avait évidemment l'angoisse brassée par le retour de Marc, mais était-ce la seule raison de son malaise ? Et d'ailleurs, ne ressentait-elle vraiment que du malaise ? Si elle voulait se montrer parfaitement honnête quant à ses propres sentiments, force lui était de constater qu'elle éprouvait aussi une pointe d'excitation, voire même une certaine joie, ce qui - à bien y réfléchir - l'inquiétait tout autant.

Livaï.

Elle était touchée par cet homme, par sa manière bien à lui de se soucier d'elle et sa manie de chercher à camoufler son grand cœur sous une bonne couche de mépris grognon. Elle avait été surprise, aussi, par son attitude depuis l'apparition de Marc. Livaï ne savait rien de ce dernier ni de leur passé commun, mais il semblait en avoir deviné suffisamment pour se donner la peine de mettre Astal à l'abri.

Une Megane RS noire s'arrêta devant la jeune femme, la tirant de ses pensées. Elle releva le nez et en détailla les courbes gracieuses et puissantes, la coupe sportive et élégante, attendant que son conducteur ne se manifeste. Celui-ci finit par ouvrir la portière et, après s'être extrait de la voiture, se dirigea vers le coffre.

- File ton sac et monte, lança une voix tranchante devenue familière. On décolle.

Sans surprise, le voyage se passa dans le plus grand silence. Astal avait bien tenté de prendre quelques nouvelles de son patron, mais celui-ci - peu affable - était resté quasi mutique, se contentant de botter ses questions en touche par quelques grommellements. Bercé par les vibrations de la voiture, les slap et la ligne de basse des Red Hot Chili Peppers, la jeune femme s'abîma rapidement dans un sommeil de plomb. S'abandonner si aisément à Morphée n'était pas dans ses habitudes mais, depuis l'apparition de Marc, les nuits d'Astal étaient devenues d'un blanc aussi immaculé que celui de la neige recouvrant la campagne en ce début d'année. A bout de force, la douce chaleur et la protection de l'habitacle, l'odeur de cèdre et la présence rassurante de Livaï à ses côtés eurent tôt fait de dissiper les peurs de la jeune femme. Marc était maintenant loin derrière elle. Elle ne risquait rien. Du moins, pour les deux prochains jours.