Face à face

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Astal enfila son manteau à la hâte et sortit sur le perron. Dans l'obscurité et à travers le rideau de pluie qui s'abattait sur le district, la jeune femme chercha Livaï du regard. Elle aperçut sa silhouette, de dos, à quelques mètres de là, figée au milieu de l'allée bétonnée de la villa, le visage tourné vers le ciel chargé. Son cœur se serra en repensant au dernier regard qu'il lui avait lancé avant de quitter le salon. Prenant son courage à deux mains, elle s'avança pour le rejoindre, bien décidée à crever l'abcès qui s'était installé entre eux et enfoncer ses dernières défenses.

Le temps qu'Astal n'arrive à hauteur de l'ancien militaire, la pluie battante avait déjà détrempé ses boucles cuivrées et son trench. Mais toute à son appréhension, elle ne prêta aucune attention à l'humidité mordante qui la glaçait jusqu'aux os et qui la faisait pourtant grelotter. Après quelques instants d'hésitation, et ne sachant quoi dire, elle noua ses bras autour de la taille de Livaï et posa son front contre son dos. Elle sentit sous ses mains son corps se crisper tout entier et ses muscles se bander nerveusement. De longues secondes s'écoulèrent sans que le gérant ne se retourne vers celle qui la retenait.

- Va te mettre à l'abri, finit-il par dire. Je vais envoyer un message à Hanji pour qu'elle passe te prendre.

Astal décolla son front de sa parka et chercha sur le profil de Livaï le sens de ses mots.

- Quoi ? , bafouilla-t-elle. Qu'est-ce que ... ?

- Elle te ramènera chez toi.

- Non ... , s'indigna la jeune femme.

Livaï se dégagea de son étreinte et lui jeta un bref coup d'œil. La pluie ruisselait sur sa peau diaphane, plaquant des mèches de cheveux ébène sur son front. Plus que jamais, son visage était de marbre et rien, pas la moindre émotion, ne semblait pouvoir en percer la surface.

Pourtant ... , désespéra Astal en se souvenant à nouveau du regard qu'il lui avait jeté à table.

Sans rien ajouter, Livaï se détourna et reprit son chemin dans l'allée.

- Non ! Non, non, non, Livaï ! , protesta-t-elle en le retenant cette fois par le bras.

Elle le força à lui faire face.

- Arrête ça tout de suite, s'exclama-t-elle.

- Et toi, arrête avec ta pitié de merde, ok ? , cracha-t-il d'une voix aussi glaciale et mordante que la pluie qui tombait sans discontinuer. J'en veux pas. Si tu veux faire une B.A, trouve toi un autre pigeon. T'as pas à te forcer.

- Me forcer ?

Livaï lui adressa un regard morne.

- Parce que tu crois vraiment que je me force ? , insista-t-elle dans un froncement de nez. Tu crois que je suis comme ça avec toi par pitié ?

- Tu sais ce que je suis.

Astal détailla le visage de l'homme qui lui faisait face et se risqua à poser une main sur sa joue droite, balayant doucement du pouce sa pommette balafrée. Son cœur se serra en réalisant qu'elle ne comprendrait jamais vraiment tout ce par quoi il était passé, toute cette peine qu'il disait - à juste titre - avoir purgé et qui pesait lourdement sur ses épaules et dans sa vie. Elle le savait : son dévouement et son zèle militaire, les pertes subies et les horreurs de la guerre avaient du largement racheter les fautes commises durant son enfance. Largement ... sauf peut-être dans sa tête.

- Tu te trompes, murmura-t-elle du bout des lèvres. Je sais juste un peu mieux qui tu étais, mais ça ne change rien à celui que tu es aujourd'hui. Au contraire.

Le bruit du monde (Livaï x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant