Livaï abaissa le rideau métallique et ferma à double tour la porte du Bruit du monde. Il avança de quelques pas puis s'arrêta au milieu de la boutique plongée dans un silence tranquille. Il n'avait aucune foutue envie de rentrer chez lui. Pas ce soir. Alors, comme souvent, le jeune homme était venu trouver refuge ici, dans ce lieu à l'abri du monde. Livaï se laissa envelopper par la douce obscurité qui y régnait et par les effluves de ses précieuses marchandises. Ici, le temps semblait immobile, suspendu, annihilé. Plus rien n'existait : ni ses erreurs ni son passé, ni le bordel de Mitras ni ses coupes gorges, ni la guerre ni les cadavres qu'elle charriait, ... ni Marc ni Astal. A la simple évocation de la jeune femme, Livaï serra les poings. Les maigres consolations que le Bruit du monde lui offrait se brisèrent - impuissantes - contre la noirceur et l'amertume des ténèbres qui le rongeaient de l'intérieur.
Le jeune homme reprit sa marche et se dirigea vers le fond de la boutique. Il passa le rideau, alluma le plafonnier de la réserve et, d'un pas las, se dirigea vers son atelier. Lorsqu'il entra, il délaissa l'interrupteur du second plafonnier, à gauche, pour se diriger à droite vers le vieux lampadaire rétro qui lui promettait une lumière plus douce et plus clémente. Tandis que l'ampoule s'éveillait pour répandre son halo généreux dans la pièce, Livaï se retourna et se figea instantanément. Là, sur le sofa qui lui servait régulièrement de lit d'appoint, il découvrit la silhouette recroquevillée de son employée, les bras enroulés autour de ses jambes et ses mains désespérément agrippées aux mailles de son pull. Son visage était un mélange de sidération, de terreur et de détresse. Ses yeux rougis et gonflés d'avoir trop pleuré se raccrochaient à ceux de Livaï comme à une planche de salut. Ses lèvres s'ouvraient et se fermaient machinalement sans pourtant arriver à articuler le moindre son.
- Comment ... ? , souffla Livaï, étourdi par cette apparition.
A ce simple mot, à cette voix, les larmes d'Astal redoublèrent et se mirent à rouler de plus bel le long de ses joues ; silencieusement d'abord, puis dans un gémissement qu'elle tenta d'étouffer, en vain. Livaï en eut les tripes nouées de voir la gamine dans un état si pitoyable, mais il se sentait surtout délesté d'un foutu poids de la savoir ici. De la savoir avec lui. Il s'approcha lentement du sofa et s'accroupit devant la jeune femme.
- Qu'est-ce que tu fous là, merdeuse ? , murmura le gérant d'une voix caressante.
- Marc ... Chez moi ... , hoqueta-t-elle entre deux sanglots.
La jeune femme alignait laborieusement ses mots, peinant à trouver son air au milieu de la mer démontée de ses pleurs.
- Hey ! Ça va aller, ok ? , l'encouragea le jeune homme.
A la tendresse du regard que Livaï venait de lui adresser, Astal sentit son cœur se serrer jusqu'à la nausée. Elle repensa à la cruauté des mots qu'elle lui avait balancé le matin même.
- Je ... Je suis désolée ! , gémit-elle. Je suis désolée ! Je suis désolée ! Je ne voulais pas ...
Cette fois, et pour de bon, la jeune femme explosa en sanglots. Livaï tiqua. Il se redressa, s'assit en équilibre au bord du sofa, se pencha vers Astal et l'attira contre lui.
- On se calme, murmura-t-il.
Durant les longues minutes qui suivirent, Astal resta lovée dans les bras du gérant, tellement agrippée au pull de ce dernier que les articulations de ses doigts se mirent à pâlir.
- Je suis désolée, répétait-elle comme un disque rayé.
- Boucle-la, lui glissa finalement le jeune homme dans un souffle. J'ai pas besoin de tes excuses.
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Le bruit du monde (Livaï x OC)
FanfictionAstal vient de déposer ses valises à Trost. Dans l'anonymat de cette bourgade où personne ne l'attend, la jeune femme n'espère qu'une chose : se reconstruire et trouver la force d'un nouveau départ. Rapidement, ses pas l'amènent à pousser la porte d...