Le weekend avait été particulièrement long et éprouvant pour Astal. Afin d'oublier les appels incessants du numéro inconnu, elle s'était tenue à distance de son téléphone, refusant d'y répondre, et s'était réfugiée dans la lecture de son manuel sur la voie du thé. D'ailleurs, se dit-elle, s'y mettre sérieusement ne pouvait qu'aider à mettre rapidement un terme à cette idée saugrenue de cours du soir. Mais malgré ses efforts pour garder la tête hors de l'eau, les ombres du passé menaçaient plus que jamais de la submerger. D'ailleurs, ses cauchemars étaient revenus en force, ne l'autorisant à s'endormir qu'au petit matin. Plus que tout, elle redoutait l'identité de la personne qui tentait de la joindre avec une obstination acharnée.
Marc ?
Ce ne fut qu'en ce mardi après-midi qu'elle en eut la confirmation. Tandis qu'elle prenait sa pause au grand air devant la boutique, Astal vérifia son téléphone, non sans appréhension. Une boule se forma instantanément dans sa gorge lorsqu'elle constata que, pour la première fois, l'inconnu avait laissé un message sur son répondeur. Le cœur au bord des lèvres, le souffle court, elle en prit connaissance.
- Astal. C'est moi. Décroche s'il te plait ! Je dois te parler , suppliait Marc d'une voix rauque.
Livaï, qui venait de surgir de la réserve avec son cahier de comptes sous le bras, déboula dans la boutique en hélant un "Hé, merdeuse !" qui resta sans réponse. Voyant la jeune femme postée dehors devant la vitrine, téléphone à l'oreille, il grogna. Alors qu'il se dirigeait à grandes enjambées vers la porte, bien décidé à passer un savon à cette morveuse qui quittait son poste sans l'en informer, le visage de la jeune femme le fit stopper net. De ce qu'il percevait de son profil, quelque chose clochait sérieusement. La gamine était pâle. Beaucoup trop pâle. Ses épaules étaient légèrement repliées et ses phalanges crispées sur le téléphone. Le manteau dans lequel elle était emmitouflée se soulevait au rythme d'une respiration saccadée.
- Tch !
- Hé, merdeuse !
Astal qui était en train d'enfoncer son téléphone au fond de sa poche après avoir soigneusement supprimé le message de Marc, se tourna vers son patron qui venait d'apparaître à la porte.
- Quand t'auras fini ta pause, grommela-t-il dans une grimace, tu viendras me filer un coup de main pour les commandes. Je voudrais ton avis.
- Oui, bien sûr, souffla-t-elle dans un maigre sourire.
Que cet homme acariâtre lui demande son avis, ce n'était dix fois rien mais c'était déjà suffisant pour lui redonner un peu de baume au cœur. D'autant que de prononcer ces quelques mots semblaient visiblement lui avoir arraché la gueule. A ce constat, Astal se pinça les lèvres pour réprimer un rire.
Bel effort, mon petit canard !
19h30 passées. Cela faisait un bon quart d'heure que la jeune femme était installée face à Livaï, dans la semi-obscurité de son atelier. Pour ce premier cours du soir, le gérant avait choisi d'aborder la distinction des différents thés selon leur degré d'oxydation et une première approche des différentes étapes du processus de fabrication. Mais la jeune femme n'écoutait pas, incapable de focaliser son attention sur ce qui se passait autour d'elle. La seule chose qui occupait son esprit et crispait chacun de ses muscles étaient ces images d'un autre cours, d'un autre soir, dispensé par un autre professeur. Un cours particulier qui avait fait basculer sa vie dans un cauchemar long de quatre ans.
VOUS LISEZ
Le bruit du monde (Livaï x OC)
FanfictionAstal vient de déposer ses valises à Trost. Dans l'anonymat de cette bourgade où personne ne l'attend, la jeune femme n'espère qu'une chose : se reconstruire et trouver la force d'un nouveau départ. Rapidement, ses pas l'amènent à pousser la porte d...