Le bruit du monde (Livaï x OC)

Une deuxième chance

Cela faisait plus de deux heures qu'Astal se débattait au milieu de son salon avec le montage d'une bibliothèque en bois blanc acquise la veille. Toute absorbée qu'elle était par sa tâche, la jeune femme en avait oublié de déjeuner. A vrai dire, elle n'avait rien trouvé de mieux pour passer ses nerfs suite au simulacre d'entretien de la fin de matinée. Après avoir quitté la boutique en trombes, ignorant au passage les braillements d'Hanji qui l'avait imploré de rester, Astal était retournée se cloîtrer chez elle. "Les apparences sont trompeuses, je t'assure !", avait été la dernière supplique de la pâtissière avant que la jeune femme ne claque la porte. 

- Désolée ma grande, je crois qu'en l'occurrence les apparences n'ont jamais été aussi claires, marmonna Astal en se redressant sur ses pieds tandis qu'elle adressait un regard approbateur à sa nouvelle bibliothèque. 

Satisfaite du résultat, la jeune femme s'accorda une pause et grignota sur le pouce. Tandis qu'elle observait une volute de fumée s'élever de son mug de café, la nom de "Livaï Ackerman" revint titiller son esprit pour la énième fois depuis la fin de matinée. Étrangement, ce nom ne lui était pas inconnu mais Astal était bien incapable de se rappeler où et comment elle avait pu entendre parler de cet homme, elle qui n'avait jamais mis les pieds à Trost avant d'y emménager quelques jours plus tôt. Il lui sembla soudain que lever ce mystère serait sans doute le meilleur moyen d'oublier définitivement l'incident-de-la-boutique-de-thé et de passer à autre chose. Avant de s'atteler aux derniers cartons encore non déballés, Astal lança une page de recherche sur son téléphone et y entra le nom du gérant. 

- Allez, dis-moi qui t'es petit con ! , murmura Astal. 

Mais le sourire carnassier qui venait à peine de se dessiner sur ses lèvres s'évapora instantanément à la lecture des informations qu'internet lui offrit. La jeune femme se sentit blêmir en découvrant que le "petit con" en question était un des vétérans les plus décorés de l'armée, un "officier reconnu et estimé de ses hommes" précisait une coupure de presse, et l'un des survivants du conflit contre Mahr. Internet précisait également que le jeune homme avait quitté l'armée à son retour de la guerre, sans doute après y avoir perdu bon nombre de ses supérieurs et de ses subordonnés. 

- "Estimé de ses hommes", répéta Astal l'air abattu. 

Elle se trouva soudain méprisable d'avoir pu juger ainsi un homme dont elle ne savait rien. Hanji l'avait pourtant prévenu : les apparences étaient trompeuses et Astal - plus que quiconque - aurait du le savoir. "Tout ce qui brille n'est pas or" mais peut être l'inverse était-il tout aussi juste, peut être que tout ce qui est obscur n'est pas ténèbres ?  

En fin d'après-midi, Astal s'accorda une pause bien méritée après une séance de rangement acharné et sortit flâner dans les petits rues pavées du centre-ville. Elle se laissa tenter par la devanture d'une ancienne librairie et entra avec plaisir dans ce lieu où régnait un calme quasi monastique et où flottait une bonne odeur de vieux livres. Plongée dans la découverte émerveillée des rayonnages, la jeune femme en oublia le temps qui continua de s'écouler sans elle. 

La nuit était déjà tombée lorsque Livaï sortit de sa boutique, emmitouflé dans sa parka. Tandis qu'il tirait le rideau métallique de sécurité, une présence sur sa droite à moins de cinq mètres de lui lui fit jeter un coup d'oeil. Sans trop savoir comment, il reconnut instantanément cette silhouette élancée et ces boucles gracieuses aux reflets cuivrés. 

- Quoi, tu l'as tellement en travers de la gorge que t'as décidé de m'attendre à la sortie pour me casser la gueule ? , railla-t-il. 

Astal, qui revenait tout juste de son excursion un livre sous le bras, avait espéré que le gérant ne la voit pas. Peine perdue. La porte d'accès aux étages de cette ancienne demeure était à seulement trois mètres de l'entrée de la boutique qui occupait tout le rez-de-chaussée. Et c'était sans compter la clé d'Astal qui avait choisi cet instant précis pour jouer à cache-cache au fond de son sac.