Noël (partie 2)

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Astal prit une profonde inspiration. Par où commencer ? 

- D'aussi loin que je me souvienne, se lança-t-elle, j'ai toujours aimé peindre, dessiner ... En faire mon métier, c'était comme une évidence.

Un maigre sourire teinté d'amertume joua sur ses lèvres.

- Je crois que j'ai jamais été aussi fière que le jour où j'ai appris que j'étais reçue aux Beaux Arts. 

La jeune femme chuchotait d'une voix mal assurée, les yeux rivés sur ses mains qu'elle tordait nerveusement pour fuir le regard appuyé de l'homme assis à ses côtés. Dans leur dos, les éclats de rire des convives toujours attablés ne faiblissaient pas. 

- Même si le rythme d'étude était soutenu, j'étais comme dans un rêve. Mais l'École avait un prix et moi j'étais fauchée. La bourse ne suffisait pas. Rapidement, j'ai compris que pour financer mes études je n'avais pas d'autre solution que de dégoter un petit boulot. C'est comme ça que je me suis retrouvée à faire la plonge dans un resto minable, avec des conditions de travail atroces et des horaires impossibles. Quand je rentrais chez moi, il était souvent minuit passé et je devais encore bosser, réviser, peindre ... A cette époque, je ne dormais presque plus. Et puis ... 

Les mots se suspendirent d'eux-même. Astal déglutit nerveusement comme pour ravaler ce qu'elle s'apprêtait à dire. Elle n'avait même pas encore entamé le véritable drame de son existence - se bornant à s'en approcher à pas de loup - que déjà elle ne se sentait plus la force d'aller plus loin. Avec remords, elle ravala ses confidences et botta en touche dans un haussement d'épaules : 

- J'ai fini par ne plus pouvoir suivre le rythme, conclut-elle trop brusquement pour ne pas éveiller les soupçons de Livaï.

Celui-ci continua à la dévisager en silence comme s'il attendait qu'Astal poursuive. Mais lorsqu'il comprit que la jeune femme ne s'aventurerait pas plus loin, sa couardise l'irrita profondément. Bien décidé à obtenir une réponse à la question qui lui brûlait les lèvres depuis quelques semaines, Livaï mit les pieds dans le plat :

- Et ce type que tu fuis, c'est qui ? , balança-t-il sans ménagement, d'une voix mordante. 

A ces mots, la jeune femme releva brusquement les yeux vers la mine sévère qui la toisait et se figea. Son cœur bondissait anarchiquement dans sa poitrine et le sang lui battait aux tempes. Comment pouvait-il savoir ? 

- Que ... ? , balbutia-t-elle. 

- Me prends pas pour un con. Tu crois que j'ai pas remarqué les appels incessants que tu recevais quand t'es arrivée et la gueule que tu tirais dès que ton portable vibrait ? Sans parler de tes réactions dès qu'un type te touche. 

Livaï se pinça les lèvres. Il y était sans doute allé un peu fort, se dit-il en scrutant le visage affolé et pâle de la jeune femme. Mais ce manque de franchise l'agaçait d'une manière peu ordinaire. Les doigts d'Astal s'enfoncèrent nerveusement dans ses cuisses tandis que des larmes perlaient aux bords de ses cils. Livaï soupira.

- Hey, merdeuse ! , l'interpella-t-il à voix basse. Je t'interdis de chialer le soir de mon anniversaire, c'est bien compris ? 

Aussitôt, un maigre sourire se dessina sur le visage d'Astal :  

- C'est demain votre anniversaire, patron,  rétorqua-t-elle.

A cet instant, Livaï n'eut d'autre choix que de l'admettre : cette gamine était belle. Foutrement belle, même ! Malgré la flopée de larmes qui s'étaient finalement échappée de ses yeux, son visage irradiait une douceur lumineuse. Il devait aussi admettre qu'il aimait sa répartie et sa pugnacité. Cette morveuse était coriace. Alors, conclut-il, si elle ne pouvait pas se confier sur "ce type", c'est que le moment n'était pas venu. Il se devait de respecter cela.

Le bruit du monde (Livaï x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant