Un matin

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Lydie, je ne peux pas t'appeler, ni te dire où je suis. Pardonne-moi.

Je me fais du souci pour toi ... Et Marc aussi ...

Je sais que je suis mal placée pour te demander quoi que ce soit mais s'il te plait : quoi qu'il arrive, quoi qu'il te dise, Marc ne doit surtout pas avoir ce numéro !

Tu as raison Astal : tu es mal placée pour me demander ça. Sais-tu à quel point il souffre de ta disparition ? As-tu la moindre idée ? As-tu cherché à te mettre à sa place trente secondes ? Et tu sais ce qui me rend vraiment folle ?  C'est de voir à quel point, malgré ta lâcheté et ton égoïsme, Marc continue à t'aimer éperdument.

Désolée Lydie, les choses ne sont pas aussi simples. J'espère qu'un jour tu pourras me pardonner.



Astal tourna et vira sous sa couette tout au long de la nuit, réprimant tantôt ses pleurs, tantôt sa rage. Le sommeil lui échappait tout autant que la situation. Marc ... Elle l'avait fui en disparaissant de sa vie du jour au lendemain sans laisser de trace. Avait-ce été la bonne solution ? N'y aurait-il pas pu avoir à cette relation une autre issue plus raisonnable et plus assumée que cette fuite ? Bien sûr que non, songea la jeune femme. Aujourd'hui encore, elle le savait. Elle savait qu'affronter cet homme ou rester à ses côtés aurait conduit au même : il l'aurait détruit. Il aurait détruit sa vie comme il l'avait fait pendant ces trois dernières années. Le petit gérant du Bruit du monde pouvait bien la considérer comme une fille-ne-portant-pas-ses-burnes, la jeune femme n'en démordrait pas : dans certaines situations la fuite restait la seule solution viable. Une question de survie. Peut-être était-ce même une preuve de courage ? 

En quittant Mitras pour Trost, Astal avait espéré un nouveau départ mais voilà : son passé la rattrapait. Et la rattrapait déjà. Dans l'obscurité dense et implacable de cette nuit-là, un flot de questions obsédait la jeune femme : Marc avait-il son numéro ? Lydie lui avait-elle transmis ? Chercherait-il à la contacter ? Pire, chercherait-il à la retrouver ? En serait-il capable malgré les précautions qu'elle avait prise à supprimer toutes traces de son passage derrière elle ? Du fond de son lit, Astal réprima un frisson. Les derniers mots de Lydie revinrent la tourmenter. 

"Marc continue à t'aimer éperdument". 



8h28. Lorsque le chant clair du carillon s'éleva, Livaï jeta un coup d'œil en direction de la jeune femme qui venait de s'engouffrer dans la boutique. D'un geste fluide, celle-ci ôta sa capuche et passa une main dans ses cheveux pour arranger ses boucles cuivrées. Dehors, le ciel était encore sombre. Il pleuvait comme vache qui pisse. 

- Tes pieds ! , grogna l'homme à l'adresse d'Astal qui s'apprêtait à quitter le paillasson pour s'approcher de lui. 

- Je les ai essuyé, protesta-t-elle. 

- Pas assez. Tu recommences ! 

Tandis qu'elle s'exécutait, les lèvres pincées, Livaï détailla minutieusement son visage. Derrière l'expression agacée dont il se savait être l'instigateur, derrière son maquillage plus prononcé que la veille comme en guise de cache-misère, ses traits fins étaient tirés, déformés, signes visibles d'une lutte intérieure qu'il devinait acharnée. Son teint blafard contrastait avec les cernes noirs qui soulignaient son regard voilé, d'ordinaire pourtant si vif et pénétrant. De toute évidence, la nuit avait été courte et particulièrement désagréable. Lorsque la jeune femme releva le nez de ses bottines en cuir noir enfin sèches pour planter son regard vide dans celui du gérant, ce dernier se sentit étonnamment pris au dépourvu. Indécis. Que devait-il faire d'une merdeuse dans cet état ? Plus contrarié par l'aveu de son propre embarras que par l'état de la jeune femme, Livaï laissa échapper un soupir. 

Le bruit du monde (Livaï x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant