Astal adressa un regard glacé à l'homme qu'elle avait espéré ne jamais revoir. Mais Marc était bien là, à quelques mètres d'elle, et la fixait intensément. La jeune femme tressaillit lorsque son regard se perdit dans le sien. Ce regard là l'avait toujours envoûté, non pas tant du fait de sa beauté que par sa profondeur et le jeu de son intensité. De l'obscurité de ses pupilles émergeaient des ondes qui se propageaient à ses iris pour s'y mouvoir à leur surface dans une danse hypnotique. A cet instant précis, Astal crut y lire toute sa douleur et sa dévotion pour elle. Foutaises ! Pourtant, immédiatement, ce regard éveilla en elle le murmure d'une voix depuis longtemps endormie : Et si ... Et si tu t'étais trompée à son sujet ? Et si il t'aimait vraiment ? Tu es un monstre de l'avoir abandonné : regarde comme il t'a cherché, regarde comme il souffre. La culpabilité, les remords et la confusion brouillèrent aussitôt les pensées de la jeune femme, tandis que son cœur martelait sans répit sa poitrine.
- Astal, murmura une voix sur sa gauche.
Ce timbre vibrant la tira de sa torpeur naissante. La jeune femme détourna le regard vers celui qui venait de l'appeler, une pointe d'inquiétude dans la voix, et plongea dans le bleu glacier de ses yeux. Un refuge, voilà ce qu'ils étaient. Voilà ce qu'il était. Ce regard-là aussi la troublait mais d'une autre manière car, dans cette mer azurée et tourmentée, elle restait toujours une femme libre. Astal arpenta ce visage balafré qui lui était devenu si cher au fil des mois. A cette simple vue, à la simple présence de cet homme, la petite voix se tut et le poids qui enserrait sa poitrine se volatilisa. Astal n'était plus seule.
- Ça va aller, patron, voulut-elle le rassurer en s'avançant vers lui. Je vais lui parler.
Livaï la fixa sans ciller.
- Seule, ajouta-t-elle.
- Hors de question, tança-t-il à voix basse.
- Patron, je ...
Le gérant saisit le poignet de son employée et la ramena près de lui d'un geste brusque, s'interposant au passage entre elle et Marc.
- C'est hors de question que je te laisse seule avec ce connard, siffla-t-il entre ses dents.
Astal se perdit quelques instants dans la contemplation de ce visage crispé de colère. Son inquiétude lui arracha un sourire attendri. De sa main libre, la jeune femme recouvrit délicatement la poigne qui enserrait son poignet.
- Vous avez l'écran de surveillance dans l'atelier, et je promets de vous appeler s'il y a quoi que ce soit, murmura-t-elle. S'il vous plaît ... S'il te plaît ...
Livaï soutint le regard assuré de son employée avant de pousser un soupir résigné. La merdeuse avait gagné. Le jeune homme desserra sa poigne et fit lentement glisser ses doigts le long de son avant-bras jusqu'à rejoindre ceux d'Astal. Il s'y retint quelques instants, le temps de prendre conscience qu'il n'avait aucune foutue envie de laisser cette femme en pâture à ce connard. Qu'il n'avait aucune intention de la laisser - d'ailleurs - à qui que ce soit. Qu'il n'avait aucune putain d'envie de perdre cette gamine. Et le vertige le pris.
Astal abaissa le regard jusqu'à cette main qui s'accrochait maladroitement à la sienne. Impossible ! Elle écarquilla les yeux avant de les replonger dans ceux de Livaï.
- S'il y a quoi que ce soit ..., siffla-t-il.
La jeune femme opina. Un sourire radieux illumina son visage.
- Je t'appelle, assura-t-elle en pressant sa main dans la sienne.

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Le bruit du monde (Livaï x OC)
FanfictionAstal vient de déposer ses valises à Trost. Dans l'anonymat de cette bourgade où personne ne l'attend, la jeune femme n'espère qu'une chose : se reconstruire et trouver la force d'un nouveau départ. Rapidement, ses pas l'amènent à pousser la porte d...