Chapitre 49 : V I O L E N T

781 115 52
                                    

« C'est qui lui ? » Craché-je presque en arrivant à leur hauteur.

Andrea sursaute et m'offre un petit sourire.

« Je te présente Djalah, un ami à moi. On s'est croisé par hasard alors on a prit un café ensemble en t'attendant. »

Ledit Djalah regarde Andrea en souriant, presque à s'en faire mal aux joues. Dans les poches de mon blouson, je sers les poings.

Mais pour qui il se prend cet idiot ?

« Tu t'assois on prend un truc ? »

J'avise un instant leurs deux tasses vides et je secoue la tête.

« Non, j'ai pas trop envie là. J'te laisse dire au revoir à ton pote, moi je vais t'attendre dans la voiture. »

Je fais demi-tour, les nerfs en pelote. Je sens dans ma poche le petit porte-clefs nounours que je lui avais acheté pour lui offrir une fois qu'il aurait son permis, et sous un éclat de colère je le jette au sol -sans me rendre compte que mon attitude est totalement disproportionnée-, au milieu de la galerie marchande. Je retraverse le parking et monte dans la voiture, sans réussir à me calmer. Après quelques minutes durant lesquelles il s'est arrêté de pleuvoir, Andrea ouvre la portière et s'assoit à côté de moi. Je démarre en trombe avec le besoin de me vider l'esprit.

Au bout d'un moment, il demande, soucieux.

« Est-ce que ça va ? Tu as l'air tendu. »

Je lâche un rire nerveux.

Tendu ? Evidemment que je suis tendu !

Et le pire c'est que je n'arrive même pas à savoir pourquoi, ça m'énerve encore plus. Alors incapable de tout retenir, je me laisse exploser :

« Non ça va pas ! Rien ne va ! Parce que je te trouve avec ce gars que je ne connais même pas et puis j'en sais rien, c'est le bordel, le gros bordel ! »

Il fronce les sourcils.

« C'est juste un ami Éos, pourquoi tu te mets dans des états pareils ? »

« Mais j'en sais rien bordel ! C'est juste que ça me fait chier ! » Crié-je sans réellement m'en rendre compte.

Il s'enfonce dans son siège.

« Ok, mais crie pas tu m'fais peur. »

« C'est moi qui te fais peur ? Putain mais non, c'est moi qui suis mort de trouille. »

« Éos, ces derniers temps tu as changé, j'te reconnais plus. Pourquoi tu t'énerves comme ça ? »

Je m'arrête sur le bas-côté en un croisement de pneus et tire le frein à main.

« T'sais quoi, prends le volant. Rentre, chez toi j'en sais rien mais moi faut que j'aille prendre l'air. »

« Attends quoi ? Mais tu ? »

Je lui lance les clefs et sors de la voiture. Il la quitte à son tour et je l'entends dire dans mon dos :

« Mais putain Éos qu'est-ce que tu fous ? Éos ? T'es sérieusement en train de ma laisser en plan ? Mais... Je sais même pas si j'ai le permis, les résultats ne sont que dans deux jours ! Comment veux-tu que je rentre ?»

Je continue mon chemin, traversant la chaussée sans lui jeter un seul regard. Il faut que je mette de la distance, avant de dire des conneries que je pourrais regretter.

Il s'est passé une heure, peut-être deux, depuis que j'ai laissé Andrea tout seul. Et je tourne en ronds, je dérive dans les rues froides. Je n'ose pas me montrer chez lui, pas après avoir été aussi odieux. Je voudrais appeler quelqu'un, en parler, je crois que j'en ai besoin, vraiment besoin, mais je ne veux pas me l'avouer. Et puis sincèrement, qui pourrais-je appeler ? Judy ? Comme à chaque fois que j'ai un problème ? Je n'ai pas envie qu'elle croie que je n'ai rien à foutre. D'ailleurs, je n'ai même pas pris de ses nouvelles depuis la dernière fois, quand elle m'a parlé de ses problèmes de couple... Penser à tout cela me fait me sentir encore plus minable.

Après la colère vient toujours la tristesse. Comme si c'était des mécanismes indissociables. Je monte dans un bus qui retourne vers le centre-ville, la pluie a reprit depuis un moment et je me retrouve trempé et la nuit ne va pas tarder à tomber. Mais je crois que je m'en fous pas mal.

Le bus passe devant mon ancien lycée et je ferme les yeux, comme si toutes les conneries que j'ai pu accumuler dans ma courte existence me revenaient à la figure rien qu'avec cet endroit. Putain et comment je pourrais reprendre les études si je n'arrive même pas à gérer mes émotions. J'ai les oreilles qui bourdonnent. J'attrape une bouteille d'eau et des cachets de l'hôpital que j'avale rapidement, jusqu'à ce que mes mains arrêtent de trembler. Je sais que ce n'est pas l'alcool le problème, enfin pas que l'alcool.

Mais le sevrage en ambulatoire n'est pas autorisé quand il s'agit aussi de se priver d'alcool ainsi que d'autres substances, telles que les ecstasys, le LSD ou l'héro, même si je n'ai pas souvent touché à cette dernière.

Mais je commence à me demander si tout cela n'était peut-être pas une connerie de passer sous presque silence toute cette partie de mes addictions. Mais j'avais tellement honte, et puis j'avais aussi peur, peur de l'hospitalisation, peur de ne pas m'en sortir seulement entouré de médecins, parce que les hôpitaux, ça m'a toujours fait flipper, et je croyais qu'avoir Andrea toujours avec moi, d'être chez lui, pourrait m'aider, mais je suis toujours en colère depuis quelques semaines, et je vois bien que je lui fais encore du mal, qu'il n'a pas les épaules pour supporter tout cela, même s'il donne l'impression du contraire, je ne me laisserais plus avoir par ses sourires trop heureux pour masquer trop de tristesse.

Je descends du bus et fait le reste du chemin à pied. Ça me donne l'occasion de réfléchir à ce que je vais bien pouvoir dire à Andrea en rentrant. Il faut que je m'excuse. Comment les gens s'excusent habituellement ? Des fleurs ? Du chocolat ? Non, ce serait de trop et vraiment surfait. Mais qu'est-ce que je peux bien lui dire ?

Je vois ma voiture garée devant chez lui, beaucoup mieux stationnée que la première fois qu'il l'avait conduite. Je prends une grande inspiration et sonne à la porte. 

_

Laissez-moi juste le temps d'enfiler ma combinaison anti-chocs avant de tenter de me lapider 🙄

Je vous jure que même si ce n'est pas l'impression que ça donne en surface, les choses sont en train de doucement s'arranger.

Avec amour et dévotion,

Paradoxalementparadoxale.

𝐴𝑢 𝑚𝑖𝑙𝑖𝑒𝑢 𝑑𝑒𝑠 𝐸𝑐𝑙𝑎𝑡𝑠, 𝑝𝑜𝑢𝑠𝑠𝑒𝑛𝑡 𝑞𝑢𝑒𝑙𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑓𝑙𝑒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant