Apres quelques détours, et avoir fait fausse-route au moins deux fois, nous nous garons enfin devant la petite maison, je descends du pick-up et aide Andrea à sortir le sapin.
« On l'installe dans le salon ? »
« Euh je suppose. » Il se tourne vers l'intérieur de la maison et crie : « Ab' ! On le met où le sapin ? Dans le salon ? »
« Yes. Dans le coin à droite. Pas celui où il y a la télé, sinon les guirlandes électriques vont faire des reflets et ce sera so bad ! Oh, posez le à coté du tourne-disque, ce sera nice. »
« Ça marche. Tiens Éos, tourne un peu à droite, sinon on va pas passer la porte. »
On dépose le sapin là où Abraham nous l'a demandé. Et nous commençons à le décorer. Abraham nous rejoint au bout d'une petite heure, et insiste pour poser lui-même le pic en forme d'étoile sur la cime du petit conifère. C'est dingue comme lui et Andrea peuvent se ressembler et agir comme des enfants parfois.
« Tu as invité qui ? On sera combien ? »
« Hum que tu connais, il y a Assaël, Kayssi évidement, Bart et Anastasie. Sinon, il y aura aussi Gwendal, Krys et Catalina. »
« Ok. Je savais pas que tu avais invité Bart et Ana. »
« Je me suis dit que ça te ferait du bien de les revoir. Ça fait un moment que t'as pas eut de contact avec eux, pas vrai ? »
Andrea se retourne pour prendre son frère dans ses bras, lui murmurant un petit « Thank you » au milieu de l'étreinte.
Abraham lui ébouriffe les cheveux avant de sortir son téléphone pour regarder l'heure.
« Je leur ai dit de venir pour huit heures trente, comme ça Kayssi aura un peu de temps pour se préparer en rentrant du boulot. Donc nous ça nous laisse nous une petite heure pour que tout soit prêt. »
« Ok. T'as qu'à aller prendre ta douche en premier, Éos et moi on va surveiller la dinde et dresser la table pendant ce temps-là. »
Son frère acquiesce et disparaît dans le couloir qui mène aux chambres et à la salle de bain. Quand il revient, c'est au tour d'Andrea d'aller se préparer, me laissant seul avec son frère. Ce dernier s'assoit d'un bon sur le plan de travail et plante ses yeux dans les miens.
« Alors, what's up ? »
Pour toute réponse, je hausse les épaules, un peu mal à l'aise.
« Don't be shy, je ne vais pas te manger. Comment ça se passe avec Andrea ? Ça n'a pas dû être facile, de le voir revenir. Je veux dire, à ce que j'ai compris, ma mère à tout manigancé pour que my lit' bro' soit considéré comme mort, et ça a dû te faire souffrir, d'autant plus quand il est tout à coup réapparut... »
« Ouais. Quand il est revenu, ça m'a fait dérailler. Au début j'ai pas voulu y croire, parce que j'avais peur que l'histoire se répète, et que je savais que je ne survivrais pas si je devais le perdre une fois de plus. Mais j'ai pas pu résister bien longtemps à le laisser revenir dans ma vie. Il ne lui a fallu qu'un sourire pour cela... »
« Ouais, ça a toujours été comme ça avec mon frère, un sourire de sa part et on oublie tout. » Rit-il.
« Pourtant, j'ai toujours l'impression d'être sur le fil du rasoir, au bord du gouffre, et qu'au moindre coup de vent, je pourrais y retomber. Ma plus grande crainte est d'entraîner Andrea avec moi. »
« I know. Je sais ce que tu ressens, je sais ce que ça fait de vouloir protéger quelqu'un sans réellement savoir comment faire, tout en étant persuadé que tout ce qu'on peut lui apporter c'est du malheur. But that's not true. Il faut se défaire de cette idée et se laisser vivre. Sinon, obviously qu'on ne sera que malheureux. L'amour c'est aussi prendre des risques, et en accepter les conséquences, à deux. »
« Mais c'est plus facile à dire qu'a faire. »
« C'est bien là tout l'enjeu des relations. Si c'était si simple, ça n'aurait pas autant d'importance, pas vrai ? »
Je hoche la tête, sachant très bien qu'il a raison. Abraham saute du plan de travail et ouvre le réfrigérateur pour en sortir un saladier de tomates cerises et une assiette de tranches de saumon fumé.
« Tu m'aide à mettre tout cela sur la table ? »
Je prends les plats et les dépose sur la table puis Abraham me tend une bouteille de vin rouge. Je bloque un instant en la voyant. La main tremblant légèrement au dessus, comme si le simple fait d'y toucher allait me brûler.
« Tu sais Éos, je pense que tu es un garçon qui a de la ressource et que tu vas t'en sortir. Je sais que tu as eu du mal à te sortir de ton addiction, mais tu n'as rien à craindre pour ce soir. J'vais veiller sur toi, et tu vas t'en sortir comme un chef. T'es d'la famille maintenant, et on laisse pas tomber les frérots. »
Je me tourne vers lui, le cœur en pleine embardée. C'est comme si ses simples mots avaient allumé un feu doux et réconfortant au fond de mon cœur. Personne ne m'avait considéré de sa famille depuis bien longtemps, et qu'il le fasse aussi spontanément me boulverse totalement.
Il me gratifie d'une tape virile sur l'épaule quand Andrea réapparaît dans le salon, dans une jolie chemise à rayures, un jean noir déchiré et effiloché en bas et des derbies bicolores. A croquer. Il est définitivement à croquer.
« Vous parliez de quoi ? »
« Oh rien, de trucs random comme ça. »
« Ah donc ça y est, mon frère et mon copain se mettent à comploter dans mon dos ? »
« Et ouais, Éos c'est mon grand pote maintenant ! »
Tout en disant ça il passe un bras autour de mes épaules ce qui visiblement me mets moins mal à l'aise que ce que je l'aurais imaginé, moi qui arbore les contacts spontanés en temps normal, je crois que pour une fois, bien qu'un peu étrange, ça me fait plaisir.
Andrea lève les yeux au ciel, mais je vois bien que ça lui fait plaisir. Que ça le soulage. En même temps, c'est évident que ça le soulage de voir que je m'entends avec son frère.
Abraham regarde l'heure et fronce les sourcils.
« Shit. It's alredy twenty-twenty. Tout le monde va arriver. Et Kayssi n'est toujours pas là... »
« Et mais va te préparer, toi ! » S'exclame Andrea, comme s'il remarquait seulement maintenant que je portais toujours mon sweat avec lequel j'avais pris l'avion ce matin. J'obtempère et me rends dans la petite salle d'eau qu'Abraham nous a fait visiter le matin même.
Au moment où je reviens dans le salon, propre et changé, je remarque que certains des convives sont déjà arrivés. Ils discutent tous ensemble, en un anglais à l'accent assez prononcé, et je me sens rapidement de trop, le petit français un peu exclus. Alors je reste bêtement dans l'ombre de l'embrasure de la porte sans oser pénétrer dans la pièce. Mais c'est sans compter sur Andrea qui tire ma main pour me faire avancer vers la lumière. Il me présente rapidement aux amis de son frère, et s tourne vers moi pour murmurer :
« Désolé, j'avais pas pensé au problème de la langue. »
« C'est rien. » Le rassuré-je.
En réalité, je comprends assez bien l'anglais, je ne suis juste pas à l'aise pour commencer à faire la conversation avec des inconnus, et encore moins dans une langue qui n'est pas ma langue maternelle.
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𝐴𝑢 𝑚𝑖𝑙𝑖𝑒𝑢 𝑑𝑒𝑠 𝐸𝑐𝑙𝑎𝑡𝑠, 𝑝𝑜𝑢𝑠𝑠𝑒𝑛𝑡 𝑞𝑢𝑒𝑙𝑞𝑢𝑒𝑠 𝑓𝑙𝑒
Teen Fiction-Suite de Comme un papillon dans un bocal, attention, ce résumé peut contenir des spoils du tome 1- Cela va faire un an. Un an qu'Andrea est sorti de la vie d'Éos, et un an qu'il ne le sort plus de sa tête. De l'autre côté de l'Atlantique, le châta...