Chapitre 4: Dans ta vie, j'y suis j'y reste.

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Ses poignets enfermés dans les poings de Rayan, Raphaëlle fixa son petit sac, il était beaucoup trop loin d'elle. Et son trousseau de clés tenait à peine sur la table.

- À quoi est-ce que tu joues Rayan?

- Je ne joue pas.

- Non sans blague.

- Non, sans blague.

- Rayan...

- Je ne veux plus de ton argent.

- Rayan...

- Je ne veux plus être le gigolo.

- Rayan...

- Arrête de faire semblant bon sang! Tu vois très bien ce qui se passe!

Elle ravala discrètement sa salive.
Il n'avait pas tort, Raphaëlle n'était pas aveugle. Elle avait bien remarqué que quelque chose avait changé. Et cette idée les effrayait tous les deux.

- Je ne vois pas de quoi tu parles jeune homme. Et je te conseille vivement de me lâcher.

- Sinon quoi? Tu vas crier? Et qu'est-ce que tu vas dire aux gens quand ils vont venir? Que ton gigolo ne voulait pas te lâcher?

- Lâche-moi j'ai dit.

- Il va falloir que tu trouves mieux Raphaëlle.

Une petite flamme parcourut le regard de la femme. Est-ce qu'il venait de l'appeler par son prénom? Par peur de dire des choses regrettables, elle déglutit encore.

Emprisonné dans les yeux de la doctoresse, Rayan posa la paume de cette dernière contre sa poitrine. Elle pouvait alors sentir son cœur tambouriner.

- Tu es la seule qui me fait ça. Alors ne me demande pas de continuer de prendre ton argent. Je ne veux plus être ton gigolo.

- Très bien. Alors tu es viré. Je ne veux plus jamais te revoir. Ni chez moi, ni ailleurs. Et tu connais la règle, il ne s'est jamais rien passé entre toi et moi.

- Je suis désolé ma chère, mais il s'est passé des choses inavouables. Et je n'ai absolument aucune raison de m'en cacher.

- Tu comptes le crier sur tous les toits peut-être.

- Non. En tout cas, pas pour le moment. Mais par contre, je compte bien te revoir. Crois-moi, tu ne vas pas te débarasser de moi aussi facilement.

- J'ai dit que je ne voulais plus te revoir. Je n'en vois plus l'intérêt.

Un rire sardonique échappa à Rayan.

- Mais t'as pas l'air de bien comprendre ma petite Raphaëlle. Je ne te demande pas ton avis. Je suis dans ta vie, que tu le veuilles ou pas. Et tant que je n'aurai pas eu ce que je veux, je ne te lâcherai pas. D'ailleurs, à bien y penser, c'est parce que je l'ai voulu que je suis devenu ton gigolo. Rappelle-toi, je t'ai eu malgré toute ta résistance. Alors... Tout porte à croire que j'ai toutes mes chances de gagner une nouvelle fois. C'est moi qui ai commencé tout ceci. Il me revient donc parfaitement de droit d'y mettre fin. Tu ne crois pas?

Le souffle court, elle affrontait son regard sans pouvoir riposter.

- Maintenant, si tu veux bien m'excuser... Je suis bel et bien venu avec ma caisse, le fruit de mon dur labeur n'est-ce pas?

Il remua la clé de son véhicule sous les yeux de Raphaëlle avant de la laisser en plant.

Elle rabattit ses paupières en entendant la porte se fermer derrière elle. Dans quel pétrin s'était-elle foutue? Ce garçon était ce qu'il y avait de plus têtu. C'était lui qui l'avait abordée la première fois. Elle n'avait jamais souhaité avoir ce genre de services, tout du moins pas à voix haute.

***

Ce soir-là, le restaurant était bondé. Elle attendait encore le service de son plat et discutait alors avec son mobile.

- Bonsoir.

- Euh... Oui? Ah non j'ai déjà commandé, merci.

Un sourire amusé décora la face du monsieur. Il se rendait compte que son style vestimentaire n'était pas très différent de celui des garçons du restaurant. Un modash surmonté d'un gobi¹. Ils avaient tellement l'habitude de changer d'imprimés qu'elle ne faisait plus la part des choses.

- Sauf votre respect madame, je ne suis pas un servant.

- Ow... Euh... Toutes... Mes excuses j'ai... Confondu.

- Puis-je m'asseoir?

- Hemm...

- Je vous en prie, pour vous faire pardonner.

- ... Allez-y.

- Merci.

Il s'installa avec élégance.

- Alors... Comment puis-je vous aider?

- Vous êtes plutôt bien roulée pour une femme de quarante ans.

- Très bien tenté. Mais je crois qu'il y a beaucoup mieux pour demander mon âge.

- Et zut, ça marche à tous les coups pourtant.

- Vous voulez quoi?

- Wow... Sauvage en plus.

- J'ai pas que ça à faire. Vous voulez quoi?

- Pour faire court, je veux coucher avec vous.

- Disparaissez de cette table, lui ordonna-t-elle.

- Je ne suis pas magicien très chère.

- Je vous ai demandé de vous casser.

- Je ne suis pas une bouteille belle dame.

- Un vrai gamin en plus.

Elle décroisa ses cuisses et déposa ses poignets contre la table.

- Écoute... Mon garçon, je ne sais pas ce que tu as pris avant de venir ici. Mais vas jouer ailleurs, avec les petites filles de ton niveau.

Il adopta une posture identique.

- Eh bien laisse-moi te dire que tu ne peux en aucun cas te comparer à ma mère. Elle est mariée, avec des enfants et elle ne dîne jamais seule.

Elle avait déjà été traitée de veuve noire, mais personne n'avait jamais été aussi loin. Quant à lui, il s'était déjà relevé, prêt à s'en aller.

- Eh bien on voit que les gènes se transmettent bien de mère en fils. Elle a rencontré ton père comment déjà? Sur les trottoirs de Jonquet un soir?

Il se retourna à ces mots cinglants et plaqua ses paumes contre la table.

- Commence ta dernière prière vieille folle. Parce qu'à la minute où tu sors d'ici, c'est les pieds devant.

Elle réalisait dans les yeux de l'homme qu'elle avait touché une corde sensible. Elle n'aurait pas non plus toléré que l'on injurie sa génitrice. Mais il l'avait bien cherché.

- Montre-moi ce que tu as dans le ventre... Mon garçon.

Jonquet? C'était un Q.G. cotonois de filles de joie. Le quartier était très populaire, pour ce simple fait. C'était probablement l'un des quartiers les plus connus du pays.

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1: chapeau traditionnel africain.

Dr DJENGUÈ Où les histoires vivent. Découvrez maintenant