Chapitre 10: Et si elle avait des secrets ?

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Rayan somnolait presque, mais un coup de klaxon le fit sursauter. Sa main débarbouilla son visage: Raphaëlle était de retour. Il mit le contact, prêt à foncer derrière elle. Tout comme la dernière fois, il parvint à se faufiler avant que le portier n'ait le temps de refermer.

De la colère. Elle avait juste envie d'en coller une bien grosse à Rayan. Elle jeta un coup d'œil à son fils. Ce dernier remarquait à peine qu'ils étaient rentrés, focalisé sur le niveau 55 de son jeu qu'il s'apprêtait à exploser pour la dixième fois.

- Mon chéri, attends-moi là une minute, d'accord?

Il consentit du chef, sans lever le moindre regard vers sa mère. Elle se précipita à l'extérieur. Et bien entendu, elle se retrouva face au jeune homme.

- Qu'est-ce que tu fous là? Hurla-t-elle tout bas.

- Enragée dis donc.

- Vas t'en.

- Il n'en est pas question.

- Fous le camp j'ai dit! S'écria-t-elle en le poussant.

- Même si tu me frappes chérie, je ne compte pas bouger.

Elle souffla et zyeuta furtivement son véhicule. Heureuse de constater que Romann était obéissant. Cependant, son geste attira l'attention de Rayan.

- Écoute-moi Rayan...

- Non, attends...

Il lui lança un œil suspicieux et la dépassa.

- Où est-ce que tu vas?... Rayan!

- Shuuut, riposta-t-il en se retournant. C'est pour ça que tu montes sur tes grands chevaux alors. T'as trouvé une autre marionnette à ce que je vois.

- Pardon?

Il ne lui répondit pas et continua sa route.

- Raya...

- Ne me touche pas, l'arrêta-t-il durement. Pas touche.

Et au moment où il se retourna pour finir ce qu'il avait commencé, la portière bascula et Romann descendit en un saut.

- Maman, j'ai atteint le prestige, annonça-t-il tout sourire.

Les épaules de Raphaëlle s'affaissèrent, alors que Rayan fronçait les sourcils.

- Oups, lâcha le petit. Pardon maman.

Elle demeura coite, les lèvres pincées, les paupières rabattues, le souffle lent. En réouvrant ses yeux, elle tomba dans ceux de Rayan. Elle ne s'attendait pas à la déception qui la mitraillait.

Romann était encore arrêté là, observant la scène inexplicable qui se déroulait sous ses petits yeux. Il ne connaissait pas Rayan. Mais vu la façon dont ils se regardaient avec sa mère, il devinait déjà qu'il y avait un problème.

Rayan dévisagea de nouveau le gamin et pas à cause du rouge collé à son front. Quelques secondes plus tard, un moteur vrombit et des pneus crissièrent.

Sans se retourner, Raphaëlle saisit le poignet de son fils dans un silence noir. De son mètre vingt-deux, il tenta de cerner l'humeur de sa mère, mais il en revint bredouille.

- Maman...

- Oui chéri.

- Tu n'es pas fâchée alors?

- Si, tu as désobéi...

En fait, pas du tout. Elle le remerciait intérieurement, parce que désormais, elle n'avait plus à se cacher d'avoir un enfant.

Le tonnerre frappa et ils levèrent leurs têtes à l'unisson. Raphaëlle était heureuse d'avance. Elle adorait la pluie et la fraîcheur que celle-ci apportait à la nature. Mais surtout, elle se délectait d'écouter les grondements de Zeus, en essayant de s'endormir, hypocritement emmitouflée sous sa grosse couette. À cette simple idée, un sourire colora son visage.

- Pourquoi tu souris?

- Parce qu'il va pleuvoir.

- Tu aimes jouer sous la pluie toi aussi?

- Non, répondit-elle d'une voix rieuse. Pas exactement.

- Moi j'aimerais bien. Mais j'ai trop peur d'attraper froid. Fichue sinusite.

- Et dire que tu tiens ça de moi.

- Au moins, on a ça en commun.

Et bien d'autres choses, espérait-elle.

Il était presque midi. L'internat n'était pas la porte à côté. Mais le trajet en avait bien valu la peine. Contrairement à ses craintes, les retrouvailles ne lui étaient pas aussi difficiles qu'elle l'imaginait. Elle ne pensait pas que son fils aurait été aussi accueillant, aussi ouvert. Elle s'attendait à ce qu'il prenne ses distances.

- Tu te rappelles toujours où est ta chambre?

- Maman...

- Oh, veuillez m'excuser monsieur le surdoué.

- Excuses accordées milady.

Raphaëlle entonna un rire que Romann se garda encore une fois de rejoindre.

- Si vous voulez bien m'excuser, ajouta-t-il à côté d'une courbette jamais connue.

- Mais je vous en prie, mon prince.

Elle se contenta d'une révérence médiocre. Mais alors qu'elle pensait s'être débarassée de Romann, ce dernier apporta une rectification aux dires de sa mère.

- Non, pas mon prince. Mon roi.

Raphaëlle fronça les sourcils.

- Ne suis-je donc pas l'unique héritier de feu notre roi Raphaël Djenguè?

Le sourire qui illuminait le visage de sa mère s'éteignit.

- Il me revient donc de prendre le trône en main.

Elle était partagée entre l'admiration et la désolation. Comment pouvait-il parler ainsi de son défunt père? Était-elle faible d'esprit au point où même son fils de 10 ans avait réussi à mieux gérer ce deuil? Le souffle court, elle fixait Romann comme pour percer son regard.

- Maman? Est-ce que tout va bien?

Romann, terrifié par ces yeux qui lui paraissaient soudainement étrangers ne savait plus où se mettre.

- File dans ta chambre Romann, allez.

Sans se faire désirer, il se sauva en courant. Raphaëlle fixa les carreaux, en écoutant les pas de son fils agresser le sol. Tournant ses yeux vers la plus grande fenêtre du salon, elle se rendit compte que le ciel n'était plus que ténèbres. Il était midi, mais la nature mimait minuit.

Tête baissée, elle tira sur les volants de sa robe, libérant le bout de tissu qui s'était emmêlé sous ses sandales. Suivie par la valse du vêtement qui caressait le marbre, elle se dirigea à son tour vers sa chambre, perturbée.

Dr DJENGUÈ Où les histoires vivent. Découvrez maintenant