Chapitre 15: un invité surprise sous l'orage.

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Rayan gara la voiture de son amante et tira sur le frein à mains. La pluie battait son plein. Raphaëlle n'avait pas dit un mot tout le voyage durant. Et là encore, elle était impénétrable. Le front contre la fenêtre, elle pensait à ces choses que Rayan ne soupçonnait pas.

- Ne pense pas que je vais abandonner, Raphaëlle.

Elle daigna enfin lui accorder son attention. À travers son regard en coin, elle exprimait des excuses tacites. Quand elle y repensait, elle avait eu un comportement odieux ce soir. Et... elle se demandait comment elle en était arrivée là. Elle se méconnaissait. Elle savait qu'elle avait besoin d'aide mais n'était prête ni à en demander ni à se laisser aider.

- Merci, lâcha-t-elle d'une voix sourde... de m'avoir ramenée.

Il se contenta de hocher la tête et poussa la portière. C'est seulement là qu'il se rendit compte que son retour à la maison s'annonçait compliqué. Il n'avait ni parapluie ni imperméable sur lui. En même temps, comment aurait-il pu y penser? Cette pluie était une vraie garce. Elle s'était dissipée au moment où ils quittaient son appartement. Puis elle avait attendu qu'ils aient fait la moitié du parcours pour ressortir ses griffes.

Rayan posa ses pieds sur le sol mouillé. À la seconde où il claquait la portière, ses vêtements absorbèrent l'eau du ciel.

Prise d'une vague de culpabilité, Raphaëlle descendit à son tour. Mais en face d'elle, son fils était apparu dans le vide de la porte principale. Il ne bougeait pas et elle non plus. La culpabilité qui la charcutait déjà s'emballa. Soudainement, Romann quitta le seuil et retourna à l'intérieur.

- Je suis une mère horrible, chuchota-t-elle pour elle-même.

Cela ne l'empêcha pas d'aller jusqu'au bout de ses actes. Elle fit demi-tour et rattrapa Rayan.

- Attends...

Rayan n'était plus qu'eau. Et le portier, bien que protégé par une combinaison imperméable et un parapluie, s'impatientait près du portail.

- Comment... Comment est-ce que tu vas rentrer?

Même à travers l'eau, elle devina le regard étonné de son amant.

- Tu peux... peut-être... On a des chambres d'amis... Je dirai à Romann que tu es un ami... Mais si tu ne veux pas, je comprendrai. Je veux juste... J'étais pas dans mon état normal tout à l'heure j'ai...

- Viens, ne restons pas là.

Il passa son bras autour de ses épaules et ils gagnèrent ensemble la porte. À peine entrés, Romann vint à leur rencontre, armé d'une serviette géante. Les regards de Rayan et Raphaëlle se croisèrent. L'homme était surpris par la prévoyance du petit alors que Raphaëlle se rendait compte qu'elle avait mal jugé ses gestes. Quand il était parti en courant, elle avait cru qu'il ne voulait juste plus la voir. Pourtant, le charmant garçon était juste allé lui chercher de quoi se sécher et se couvrir.

Romann marqua une pause à la vue de Rayan. Sa mère se détacha de ce dernier et posa ses rotules sur le tapis.

- Je suis désolée chéri. Je n'aurais pas dû te laisser seul.

- Tiens, tu devrais te couvrir. Rappelle-toi que ta sphère ORL est aussi fichue que la mienne.

Raphaëlle accepta la serviette et la passa autour d'elle. Elle remarqua ensuite que son fils avait Rayan dans les iris.

- Euh... C'est... un ami. Il... m'a aidée à rentrer... saine et sauve.

- Il a une sphère ORL solide?

Raphaëlle répondit par un sourire.

- Ça devrait aller, répondit Rayan.

- Il va rester ici pour la nuit. Il a été gentil avec moi alors... je voudrais pas qu'il attrape froid.

- C'est bon maman. J'ai dix ans. T'as pas besoin de m'expliquer les choses de cette façon.

Rayan leva un sourcil.

- Tu viens? Je vais te montrer ta chambre cher ami de maman.

- Euh... Bien sûr mon pote. Avec plaisir.

Ils partirent tous les deux, laissant Raphaëlle dans le séjour. Elle les regardait discuter. Ils avaient l'air de bien s'entendre. À cette idée, elle courba sa tête et laissa d'autres larmes couler. Au moins un liquide chaud dans toute cette eau glaciale.

Après avoir installé leur invité surprise, Romann revint près de sa mère. Il s'installa en tailleur sur la moquette, juste en face d'elle. Raphaëlle ne lui cacha pas ses larmes. Elle y ajouta un sourire hésitant qu'il se contenta d'absorber.

- Quand tu pleures, ça te soulage?

- Oui... un peu. Enfin, sur le moment.

- Alors à quoi ça sert? Pourquoi tu ne fais pas des choses qui te soulagent à long terme?

- Des choses comme quoi?

- Je n'en sais rien. Enfin, pour le moment.

- Et tu comptes t'y prendre comment pour le savoir?

- Je ne sais pas encore. Mais si je sais une chose, c'est que sans ton aide, je ne pourrai pas. Tu es la seule à savoir ce qui te rend si triste. Je suis peut-être doué, mais je ne peux pas entrer dans ta tête.

- Les psychologues peuvent faire ça.

- Ça ne fait pas partie des carrières que j'envisage.

Cette remarque arracha un rire à Raphaëlle.

- Et pourquoi donc?

- Je ne sais pas, ça ne m'inspire pas de devoir passer mes journées à écouter des gens déprimés. Tu sais très bien que je me laisse facilement contaminer par les sentiments qui m'entourent. Je serais déprimé au bout d'un mois de profession.

- Monsieur est très circonspect à ce que je vois.

- Il me semble que je tiens de quelqu'un.

Elle? Elle ne pouvait même pas se rappeler la dernière fois qu'elle avait agi de manière avisée. Depuis que Raphaël avait rendu l'âme, sa vie était à la merci d'une trombe marine. Elle réfléchissait de moins en moins avant d'agir. Ses instincts étaient les principaux moteurs de ses agissements. Sa conscience n'était réduite qu'à médecin après la mort.

Un frisson fit claquer ses dents.

- Tu devrais peut-être aller te changer. Les habits mouillés ne t'aident pas.

- Tu as raison mon chéri... Tu... Tu as mangé?

- Oui. J'en ai donné à tonton Alain. Et il en reste assez pour ton ami et toi.

Sentant l'auto-punition effleurer l'esprit de sa mère, Romann se hâta de détendre l'atmosphère.

- Tu devrais me laisser seul un peu plus souvent. Y a pas mieux pour activer ma cognition.

- On lit sur la médecine?

- Seulement à titre de culture générale. Ne compte pas sur moi pour bousiller huit ans de ma vie sur les bancs.

- Ça me désole de le dire, mais tu fais bien. Il y a mille et une façons de gagner sa vie. Les études de médecine ne sont sans doute pas la meilleure voie.

- Alors pourquoi l'avoir choisie?

- Par suivisme. La blouse blanche, le respect que ça t'accorde. Je me suis laissée berner par toutes ces choses, sans savoir ce qu'il y avait en dessous.

- Et tu regrettes?

- Plus depuis que j'ai mon cabinet. Et puis, c'est un métier noble. Rien ne vaut la joie que je ressens quand mes patients sont soulagés de leurs maux. C'est juste que... je pense qu'il ne vaut mieux pas s'aventurer sur ce terrain quand on n'a pas des motivations solides. Sinon, on est très vite tenté d'abandonner et aussi il y a de plus grands risques de mal s'occuper des patients... Allez, je vais me changer.

Dr DJENGUÈ Où les histoires vivent. Découvrez maintenant