Chapitre 44: au moins je connais ma vraie date de naissance maintenant.

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La prise de parole de Rayan laissa toute l'assemblée bouche bée.

- Alors pour commencer madame, où étiez-vous le 13 janvier 1986?

Les cils de Awa papillonèrent. Cette date ne lui rappelait rien. Sinon que son fils était né environ une semaine plus tôt.

- Je je... Je ne m'en souviens pas.

- Tu ne t'en souviens pas?

Tout le monde était choqué de le voir passer au tutoiement. Et à coup sûr, c'était le signe qu'il avait rangé de côté son respect.

- Eh bien laisse-moi te rafraîchir la mémoire. Le 13 janvier 1986 aux alentours de 22 heures, tu m'as déposé vivant sur un tas d'ordures. Tu pensais être seule, que personne ne t'avait vue. Mais tu as eu tort. Parce que la seule femme qui est digne d'être appelée ma mère aujourd'hui t'a vue. Ça s'est passé à Lokossa, dans le quartier de...

- Ça suffit maintenant jeune homme, intervint le professeur. Si tu n'as pas de respect, aie au moins pitié de cette pauvre femme. Tu parles tu parles, et regarde un peu l'état dans lequel tu la mets.

- Eh bien elle ne mérite pas mieux. Vous êtes dégueulasses tous les deux. Un couple aussi bien qui abandonne un gosse.

- Tu veux savoir où elle était le 13? Eh bien je vais te le dire. Mais avant, j'ai une petite histoire pour toi. Et tu vas l'écouter. Le 5 janvier 1986 à 22 heures 43 minutes, j'étais à une garde en traumatologie. Je n'étais qu'interne à l'époque. Ta mère était enceinte de huit mois seulement, alors j'ai été étonné de recevoir un appel comme quoi elle avait commencé le travail. Ce soir là, je me suis fait couvrir par un camarade et j'ai couru à la maternité de l'hôpital. Elle faisait 38 de fièvre et les contractions étaient de plus en plus violentes... Malgré tout, elle a poussé jusqu'à ce que tu sortes. J'ai pu assister à tout ça, parce que j'avais des relations et qu'en plus j'étais interne.

Tout le monde était attentif au récit, y compris Rayan.

- Tu n'as pas vagi Rayan... Tu es resté silencieux comme une tombe.

Silence radio.

- Alors ils ont manœuvré pour te réanimer... J'ai pris sur moi pour ne pas t'approcher. Parce que je n'étais pas en état de réfléchir comme il fallait... De l'autre côté, ta mère était en train de nous lâcher. Ce soir là était à la fois le meilleur et le pire de ma vie.

Un violent sanglot échappa à Awa et son mari la serra tout contre lui.

- Tu étais prématuré... alors tu as été mis sous couveuse. Mais... Tu étais encore en vie quand j'ai quitté la maternité... Puis le lendemain quand je suis revenu, personne n'a été foutu de me dire ce qui t'avait soi-disant emporté. Ton corps était...

Le ricannement de Boris Ogoubiyi résonna dans la pièce.

- En tant qu'interne, j'aurais dû comprendre que ce que je voyais n'était pas normal. J'aurais dû pousser le bouchon plus loin mais... j'en ai pas eu la force. J'en ai pas eu la force parce que... j'étais l'un de ceux qui croyaient fort en la sorcellerie... Le père de ta mère, un grand féticheur, ne m'a jamais aimé. J'ignore pourquoi. Alors, quand elle est tombée enceinte, il lui a tourné le dos. Pire, il l'a maudite elle et sa grossesse. Malheureusement la mère de ta mère n'était plus alors elle n'avait plus que moi.

Boris souffla et regarda sa femme.

- C'était une grossesse difficile et moi je... je mettais ça sur le compte de ton grand-père. Alors j'ai fait ce qu'il fallait sur le plan spirituel... Quand j'ai vu l'état de ce corps de bébé, j'ai tout de suite pensé à un autre maléfice de cet homme... J'ai eu tort, je m'en excuse. Si j'avais été un peu plus rationnel, on aurait peut-être compris à temps... que les bébés avaient été échangés.

Dr DJENGUÈ Où les histoires vivent. Découvrez maintenant