Chapitre 13: une imprudente virée nocturne.

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Au bout d'une dizaine de minutes, la porte s'ouvrit et Raphaëlle apparut. C'est en refermant qu'elle vit son fils assis à même le sol. Il n'eut pas besoin de lever la tête pour qu'elle remarque ses yeux rougis par les larmes.

- Romann?

Elle s'agenouilla près de lui et releva son menton.

- Tu pleures?

- Plus maintenant maman.

Elle avait aussi les yeux colorés de sang. En tâchant de ne pas laisser l'eau couler une nouvelle fois, elle enfonça son petit sans sa poitrine.

- Ne t'inquiète pas maman, je ne laisserai plus personne te faire souffrir.

Elle ricanna.

- Tu ne peux pas Romann. Tu n'es qu'un enfant.

- On verra bien.

Ça c'était la réplique favorite de son père. Il lui ressemblait décidément trop. Raphaëlle se détacha de son enfant.

- Tu n'es pas ton père Romann. Et tu auras beau être plein de bonnes intentions à mon égard, ta petite force ne pourra pas me protéger.

- Ce n'est pas parce que je suis petit que je suis incapable.

- C'est moi ta mère, tu sais. C'est à moi de te protéger.

- Je ne suis pas contre. Seulement, toi aussi tu as besoin d'être protégée. Et j'étais peut-être encore trop petit à l'époque, mais un jour, il m'a fait promettre de toujours prendre soin de toi, surtout quand il ne serait plus là.

- Il a dit ça parce qu'il ne pensait pas partir de sitôt. Pour lui, même s'il devait partir avant moi, ce serait dans la vieillesse, au moment où tu serais déjà un homme fort.

- Il n'a pas évoqué ce détail. Et de toutes les façons, ça n'aurait rien changé. Je vais te protéger quand-même.

Raphaëlle dévisageait son garçon. Son courage la déroutait. Elle le savait surdoué mais pas aussi entêté.

- Qu'est-ce qu'elle voulait? Lui demanda-t-il... Maman... Qu'est-ce qu'elle voulait?

- Je n'en sais rien. Je ne lui ai pas laissé le temps de parler.

Sur ce, elle se releva et prit la direction de la cuisine.

- Tu as bien fait, lança-t-il.

Les pas de Raphaëlle s'immobilisèrent.

- Romann, dit-elle sans faire demi-tour, dans ta chambre.

- Maman...

- Obéis Romann, obéis.

- Pourquoi est-ce que tu refuses mon aide maman?

Elle se retourna violemment et se courba à hauteur de son fils.

- Parce que tu n'es qu'un gamin! Tu as à peine dix ans! Tu as beau être surdoué, ça ne te rend pas pour autant capable de me protéger! Tu ne peux rien faire pour moi, alors file dans ta chambre tout de suite!

- Non.

- Qu'est-ce que tu as dit?

- J'ai dit non. Tu es ma mère et je te dois respect et obéissance. Mais pas si le prix à payer, c'est de ne pas pouvoir t'aider.

Raphaëlle tomba sur le cul. Son fils la dépassa et retourna dans la cuisine. Après être restée seule devant sa porte pendant un instant, elle alla trouver son mari assis sur le tabouret, le couteau à la main. Il découpait les pommes de terres en petits carrés. Non, c'est impossible, pensa-t-elle. Elle secoua ses yeux en s'éloignant. Elle avait l'impression de devenir folle. Était-elle arrivée au point d'halluciner?

Elle remua de la tête et se précipita dans sa chambre. Sa clé de voiture à la main, elle gagna son véhicule en trombe. Son fils s'en apperçut mais arriva trop tard pour l'arrêter. Il accourut de tous ses poumons mais elle avait déjà traversé le portail. Le portier, surpris par l'attitude de l'enfant, referma le portail et s'approcha de lui.

- Y a quoi mon petit bonhomme? Pourquoi tu cours comme ça?

- Où va-t-elle? Demanda-t-il essoufflé.

- Aaah... Elle t'a pas dit avant de sortir?

Il secoua vivement la tête et reprit la route de la cuisine.

- Ah mais attends petit! Tu vas où en courant comme ça? Petit!... Petit!

Fatigué d'essayer de comprendre, le gardien haussa les épaules et retourna à sa bicoque.

Raphaëlle venait de se jeter dans la jungle de Cotonou, en pleine nuit. Pire, elle n'était pas dans son état normal. Et Romann se sentait coupable. Il se disait qu'il aurait mieux fait d'obéir. Pourtant, il n'avait pas fait le contraire pour la contrarier. Le jeune garçon voulait juste prouver à sa mère qu'il était capable de prendre des risques et donc de veiller sur elle.

***

Raphaëlle conduisait tel un automate, sans se soucier des violents coups de klaxon et des invectives qu'elle laissait derrière elle. Au fur et à mesure que les larmes jaillissaient, elle les bigornait contre sa paume, ne cherchant même plus à les arrêter. Au bout d'un moment, les pneus crissèrent sous un coup de frein.

En regardant sur le côté, elle réalisa que ce parc ne lui était pas du tout étranger. Ils avaient l'habitude de venir là avec Romann et son père. Sa tête balança dans l'éclat d'un sanglot. Elle desserra immédiatement le frein et s'infiltra de nouveau dans la circulation sans utiliser ses rétroviseurs. Cette imprudence lui valut des coups de klaxon et des injures qu'elle n'entendit pas. Seulement, cette fois-ci, elle ne roulait plus sans destination. Elle se doutait qu'elle allait regretter son prochain arrêt. Mais pour l'heure, elle se fichait éperdument des conséquences de ses actes.

Raphaëlle brûlait tous les feux sur son passage et violait les vitesses limites. Elle passait d'une rue à l'autre sans klaxonner, sans clignoter, comme si les routes lui appartenaient. Arrivée à destination, elle freina brusquement. Son corps projeté vers le volant lui rappela qu'elle n'avait pas mis sa ceinture de sécurité. Tant pis, pensa-t-elle.

Les lumières allumées indiquaient que l'appartement était bien occupé. Les tapettes de Raphaëlle touchèrent le bitume alors que la portière se refermait derrière elle. Au moins, elle était encore assez lucide pour verrouiller le véhicule.

À peine avait-elle sonné que le propriétaire lui ouvrait.

- Raphaëlle?!

Pour répondre à son étonnement, elle attaqua Rayan par les lèvres. Celui-ci ne lui résista pas. Mais au moment où elle poussa la porte pour entrer, elle se rendit compte qu'il n'était pas seul.

Tout aussi choqué que son ami, Joseph n'arrivait pas à croire qu'elle se soit pointée en t-shirt sur pagne noué à la taille. Et pourtant, elle était toujours aussi belle. Il reconnut aussitôt le visage de Raphaëlle. Et vu la façon dont elle le scrutait, Joseph devina qu'il était de trop.

- Laissez-moi deviner, il faut que je m'en aille.

Sans plus attendre, il posa son jus de fruit près du vase et déserta en laissant un clin d'œil à son ami.

Dr DJENGUÈ Où les histoires vivent. Découvrez maintenant