Chapitre 46: s'il y en a pour quatre, il y en a pour sept

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Chose promise, chose due.

Auriane avait promis organiser un dîner avec son mari, histoire de prouver à son amie que leur couple se portait toujours à merveille. Le moment était venu.

Raphaëlle et Rayan étaient les premiers arrivés. À l'entrée, ils distinguèrent enfin Auriane et Isaac. Raphaëlle n'avait jamais porté cet homme dans son cœur, même si c'était un grand chirurgien. Toujours aussi snobe et inexpressif comme le disait Auriane.

- Salut les amours, ça va?

- Ça va et toi? Lui répondit Raphaëlle.

- Ça va super.

Remarquant la totale absence d'Isaac, Rayan lança un regard perdu à Auriane.

- Oh oublie-le, lui répondit-elle. Il est tout le temps comme ça.

Raphaëlle et Rayan se regardèrent en étouffant leurs rires.

Alors voilà l'affaire. Isaac et Auriane avaient forgé le mariage le plus étrange du monde. Traditionnel, civil et religieux. Ils y étaient tous passés. Mais le problème se posa lors de leur aménagement ensemble.

La maison était subdivisée en trois compartiments. Un pour Auriane. Un pour les enfants. Et un pour Isaac. Une ingénieuse idée de notre très chère psychiatre.

Elle disait que c'était un moyen infaillible pour faire vivre la flamme à tout jamais. Ils étaient donc mariés. Mais pour se voir, ils devaient s'appeler, comme s'ils vivaient séparément. Bien évidemment, il y avait des choses qui se faisaient toujours ensemble. Notamment les repas et tout ce qui concernait les enfants. Leur compartiment était d'ailleurs celui où tout le monde pouvait aller et revenir sans le moindre protocole. Il était un peu la maison dans leur maison.

Raphaëlle avait toujours trouvé cela absurde. Mais lorsque Auriane avait une idée derrière la tête, rien ne l'arrêtait. Et puis elle semblait si confiante en ce que son chéri était tout à fait d'accord.

Ce soir, Romann était gardé par la famille adoptive de Rayan. Ils avaient beau ne pas apprécier Raphaëlle, le petit avait gagné leurs cœurs. Quant aux trois filles d'Auriane, les parents d'Isaac s'étaient portés volontaires pour les garder.

Ils commençaient à peine la soirée lorsque trois individus pénétrèrent le restaurant. Cela n'avait rien d'étonnant. C'était tout à fait le genre d'endroits que pouvaient fréquenter les personnes de leur rang. Raphaëlle remarqua le regard de son mari sur eux. Oui, son mari. Cela faisait bientôt un an qu'ils s'étaient dit oui.

Elle se doutait bien qu'en fouillant correctement, elle retrouverait des membres lointains de sa famille. Mais elle n'avait rien envie d'avoir à faire avec eux. Elle n'espérait pas réitérer l'expérience de sa première union. Et malgré l'absence totale de famille de son côté, ils avaient quand bien même célébré le mariage traditionnel d'une bien drôle de façon. Raphaëlle avait littéralement encaissé toute une dot dont Rayan avait lui-même fait la liste. Autant dire que c'était l'une des dots les plus onéreuses du pays. Les parents de Rayan trouvaient cela inacceptable de doter une femme "sans famille". Mais fidèle à lui-même, Rayan en avait fait fi.

Depuis lors, il avaient emménagé ensemble, dans une nouvelle demeure. Et contrairement aux craintes de Raphaëlle, son fils n'y avait opposé aucune résistance. Les deux amoureux préparaient leurs mariages civil et religieux pour très bientôt. Raphaëlle voulait faire simple. Mais Rayan insistait pour mettre le paquet. Raison pour laquelle il prenait son temps.

Au cœur des deux années passées, le jeune homme avait accepté rencontrer, de temps à autres, ses parents biologiques. Et entre autres, il avait fait une brève connaissance avec sa jeune sœur, Mélodie - désormais médecin généraliste. Ils avaient même organisé une rencontre entre les familles adoptive et biologique. Rencontre au cours de laquelle Rayan avait profité pour introduire sa fiancée. Cela va sans dire que la famille adoptive voyait la biologique du mauvais œil. Ils avaient cette sensation qu'avec leur argent, les autres comptaient leur voler Rayan. Ils ne s'étaient plus jamais revus après. Leur fils avait préféré en rester là pour éviter les tensions.

Une poursuite avait été engagée contre Aristide Koudégbé et l'infirmière qui l'avait aidée à l'époque. Cette dernière avait été arrêtée. Cependant, Aristide s'était tuée avant qu'on ne puisse l'avoir. Malgré les années filantes, elle n'avait toujours pas pu enfanter. Et après ses aveux, elle avait jugé n'avoir plus rien à faire sur terre.

Raphaëlle quant à elle n'hésitait pas à laisser les Ogoubiyi intégrer sa vie. Et Rayan l'avait plutôt bien accepté. Même s'il avait conscience que c'était juste une stratégie de son épouse pour les rapprocher.

Alors les revoir ce soir dans le même restaurant qu'eux, Rayan ne s'y attendait point.

- Je reviens, dit-il avant de quitter la table.

Raphaëlle le vit discuter avec un garçon puis se diriger vers Awa, Boris et Mélodie. Raphaëlle se posait toutes les questions du monde. Elle espérait seulement qu'il ne ferait rien de regrettable.

Il leur tendit successivement une main qu'ils serrèrent tous les trois. Il leur adressa ensuite quelques mots apparemment pacifiques. Et ils hochèrent la tête à l'unanimité. La seconde d'après, ils se dirigaient droit vers la table des deux couples.

- Les gars, je leur ai proposé de se joindre à nous. J'espère que ça vous gêne pas.

Un sourire illumina le visage de Raphaëlle. Et cela ne fit que ravir son époux.

- Non pas du tout, répondit Auriane. Mais on fait comment? On a pris une table pour quatre.

- Justement. J'ai négocié la table au fond.

Ils jetèrent tous un œil à la table en question. Non seulement elle était spacieuse mais en plus, elle était bien positionnée. Ils se levèrent comme un seul homme et gagnèrent leur nouvel emplacement.

Une fois assis, Raphaëlle posa une main sur la cuisse de son mari et lui murmura:

- Je suis fière de toi.

Tout le monde riait et souriait. À l'exception d'Isaac, le démusclé. C'était la seule explication à cette totale absence de réaction. Il avait tout l'air d'une sculpture. Et Raphaëlle tâchait d'éviter de le regarder.

- T'es bien silencieux toi, lâcha Mélodie à l'endroit d'Isaac.

Raphaëlle étouffa un rire dans sa paume alors que Rayan se retenait.

- Et si tu te contentais de manger plutôt, répliqua Isaac.

- Eh ben, y en a un qui est aigri ici.

- Mélo, la réprimanda sa mère.

- C'est bon, je me tais.

- Excusez-la, reprit Awa. Les enfants de nos jours sont tellement insolents.

Et toute la table rigola, à l'exception d'Isaac.

Dr DJENGUÈ Où les histoires vivent. Découvrez maintenant