Guillaume s'immobilisa devant le spectacle qui se déroulait devant ses yeux, le souffle court. Ses yeux remontèrent le long de la silhouette d'Aurélien, le cœur battant dans les oreilles, et s'arrêtèrent sur son visage. Celui-ci avait les yeux écarquillés, la bouche de l'homme se tenant à ses côtés plaquée sur la sienne et le corps penché en arrière, dans un geste paniqué de recul. Soudain, Aurélien repoussa violemment l'autre homme et se recula de quelques pas avant de tourner la tête dans toutes les directions, jusqu'à ce que ses yeux se posent enfin sur lui. En croisant son regard, Aurélien sembla sur le point de défaillir et il vit un air de terreur passer momentanément dans ses prunelles tandis qu'il secouait la tête, avant qu'il ne s'enfuit en courant vers la sortie du bar.
Guillaume resta figé un instant, se demandant s'il avait rêvé avant de se reprendre et de lui courir après, dans le but de le rattraper. Orel. Ce dernier avait prit la fuite en s'apercevant de la connerie monumentale qu'il venait de faire. Embrasser quelqu'un d'autre que lui. Ou plutôt... se laisser embrasser par quelqu'un d'autre que lui. Et vu sa réaction en voyant qu'il avait été témoin de ce dérapage, Guillaume ne se doutait pas qu'il s'en voulait à mort. Mais ce n'était pas grave. On fait tous des erreurs, non ? Aurélien l'aimait, il le savait. Et tout ça, c'était en partie de sa faute, non ? Il l'avait laissé boire plus que d'habitude tout en sachant pertinemment bien combien il tenait mal l'alcool. Et il l'avait laissé hors de sa vue, se rendant compte qu'à l'instant que ça faisait longtemps qu'il n'avait pas vu son copain depuis le début de la soirée. Il l'avait cherché pendant au moins une vingtaine de minutes avant de le retrouver en train de discuter avec cet homme, accoudé au bar. Il les avait regardé du coin de l'œil, sans rien dire, attendant de voir ce qui allait se passer et n'avait pas su réagir à temps lorsque cet homme avait posé sa main sur la nuque de son amant, l'attirant contre ses lèvres.
***
Aurélien était juste à l'extérieur du petit bar, sur le petit pont, et il le rejoignit en quelques enjambées à peine. Il s'approcha de lui, la respiration haletante et un peu inquiet, le voyant regarder d'un air hypnotisé l'eau du canal passant sous le pont, sous leurs pieds. Il l'appela calmement en s'avançant vers lui, presque à sa hauteur, et Aurélien releva la tête pour le regarder d'un air terrifié.
« Non... dit Aurélien dans un sanglot, en faisant un pas en arrière. Ne m'approche pas Guillaume...
— Orel, tout va bien hein... lui sourit-il en retour, tentant de le rassurer tant bien que mal.
— Non... répéta Aurélien en secouant la tête, faisant un pas de plus en arrière. Ce que j'ai fait est impardonnable...
— Ce sont des choses qui arrivent, Orel. Ce n'est pas grave. Tu as seulement un peu trop bu... dit Guillaume d'une voix douce, en essayant de se rapprocher de lui petit à petit.
— Je suis désolé... Je m'en veux tellement... Je suis minable, sanglota Aurélien pris de soubresauts. Il vaut mieux pour toi que je disparaisse de ta vie... »
Guillaume fut prit de panique en l'entendant dire cela. Aurélien lui avait toujours dit qu'il ne se sentait pas légitime à ses côtés. Qu'il ne comprenait pas comment il pouvait retourner ses sentiments. Et à chaque fois que son amant se perdait dans ses idées noires, il le savait capable de n'importe quoi. En plus de cela, il était complètement bourré. Il ne savait plus ce qu'il disait.
***
Guillaume déglutit péniblement en le voyant jeter un œil par-dessus le petit muret du pont, regardant dans le vide et vers le canal qui coulait inlassablement sous leurs pieds, grondant dans ses oreilles.
« Orel, qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-il en s'avançant prudemment de lui, sans qu'il ne le voit.
— Je vais sauter, murmura Aurélien.