Aurélien entra précipitamment dans la chambre d'hôpital qu'on lui avait indiquée, un seul mot en boucle dans son esprit : Guillaume. Le prénom de son meilleur ami. Ce dernier était allongé, inconscient au monde qui l'entourait, sur un lit blanc et ses yeux, déjà bien humides, se remplirent instantanément de larmes à sa vue. Guillaume avait l'air bien amoché de là où il se tenait et il se retint de pleurer. Il resta paralysé quelques secondes qui lui parurent l'éternité à le fixer ainsi sans rien dire avant de relever lentement le visage et de tomber sur Clara. La petite amie actuelle de Guillaume. Celle-ci avait le visage baigné de larmes et le regardait sans rien dire, d'un air indescriptible. Une aura menaçante semblait se dégager d'elle.
« Clara... dit Aurélien dune voix tremblante, pas plus forte qu'un murmure. Qu'est-ce que... Qu'est-ce qui s'est passé ? »
Clara se contenta de le dévisager en silence, ses yeux sombres semblant le sonder.
« Accident de la route, dit-elle lentement, d'une voix qui se voulait forte. Ils ne te l'ont pas dit ? »
Aurélien secoua la tête de droite à gauche, les yeux toujours fixés sur son ami inconscient.
« Ils ont trouvé de l'alcool dans son organisme.
— Encore ?
— Oui, encore. »
Un silence inconfortable glissa entre eux, durant lequel Aurélien ne sut pas quoi faire de son propre corps. S'avancer ? Rester à distance ? Les laisser seuls ?
« Il t'a appelé, n'est-ce pas ? Avant d'avoir cet accident, dit-elle d'un air qui se voulait détaché et il releva le visage, surpris. Je le sais, Aurélien. Ils ont fouillé son portable. Tu étais le dernier numéro composé dans son téléphone. C'est pour ça qu'ils t'ont prévenu aussi. »
Aurélien sentait son cœur battre douloureusement dans sa poitrine et peina un instant à retrouver sa respiration.
« 8 appels, Aurélien. Qu'est-ce qu'il voulait ?
— Je n'avais plus de batterie... déglutit-t-il péniblement. Je ne savais même pas qu'il avait tenté avant de...
— Tais-toi ! Ne me mens pas, claqua la voix sévère de Clara dans les airs. À chaque fois qu'il boit, c'est la même chose. Il revient vers toi comme un toutou vers son maître. »
Aurélien sentit ses yeux se remplir de larmes et celles-ci dévaler lentement ses joues. Clara se leva et fit un pas vers lui, d'un air menaçant.
« Ça fait quatre mois que j'attends qu'il tombe enfin amoureux de moi. Que j'attends qu'il t'oublie.
— Je suis désolé... balbutia Aurélien entre deux sanglots.
— Désolé ne suffit plus Aurélien. Ses sentiments... envers toi... lui cracha-t-elle d'un air dégoûté. Il n'arrive pas à les surpasser. Et il n'y arrivera jamais. Malgré le fait qu'il sache leur immoralité.
— Ce n'est pas... de ma faute... hoqueta Aurélien, tremblant légèrement sous la violence des mots de l'autre femme, peinant à comprendre où elle voulait en venir.
— Tu n'as jamais rien fait pour contrer ses pulsions, non ? Tu t'es toujours laissé faire.
— Non... Je n'ai rien fait... rien fait de mal, bégaya Aurélien en fronçant légèrement les sourcils en confusion.
— Tu l'as laissé faire. Tu aurais pu repousser son amour. Tu aurais dû !
— Je n'ai rien fait ! répéta Aurélien en levant légèrement la voix. Je...
— Et bien tu aurais dû ! s'emporta Clara en lui assénant une énorme claque qui le laissa inconscient au monde quelques secondes. Tu as le diable au corps, Aurélien ! Si je ne l'avais pas forcé à arrêter de te voir... ! Il serait déjà en train de commettre l'irréparable...! Il a entendu raison un temps, il a lutté, il m'a écouté, mais je vois que la folie a repris le dessus ! Pourquoi tu ne veux pas tout simplement disparaître ! Notre vie serait tellement mieux sans ton existence ! »
Aurélien sentait sa joue le brûler et remonta lentement une main pour la poser sur sa peau rougie. Elle venait de le... frapper...? Il fixait le sol de ses yeux écarquillés et repassa les dernières phrases de la jeune femme dans son esprit. Il m'a écouté, si je ne l'avais forcé, sans toi, sans toi...
« C'est toi qui lui a demandé d'arrêter de me voir ? C'est à cause de toi qu'il ne répondait plus à mes appels ? Tu as fait ça ? » demanda-t-il lentement en relevant le visage vers Clara.
Celle-ci lui jeta un regard dédaigneux, ne prenant même pas la peine de répondre à ses questions.
« C'est pour ça qu'il a arrêté de venir ? À nos soirées ? De répondre à mes invitations ? Je croyais qu'il m'en voulait pour quelque chose... Qu'il me haïssait à présent...
— Oui, Aurélien. Il t'en veut pour quelque chose. Pour ce que tu lui fais ressentir, dit Clara avec un air dégoûté. Ces choses là ne sont pas normales et tu le sais. Jamais il n'aurait dû les laisser prendre possession de son esprit. Et je suis celle qui l'a aidé à s'en rendre compte. Et regarde ce qui lui arrive dès le moment où il faiblit et essaie de revenir vers toi... » dit-elle en faisant un geste évasif dans la direction du lit dans son dos.
Aurélien était sous le choc. Si Guillaume avait arrêté de venir du jour au lendemain à leurs sorties c'était à cause d'elle ? C'était pour ça que des fois il recevait des appels sans queue ni tête de lui lorsqu'il avait trop bu et que celui-ci refusait de lui répondre lorsqu'il essayait de comprendre en l'appelant à son tour ? Ce n'était donc pas à cause de lui, à cause de quelque chose qu'il aurait dit... C'était tout le contraire alors ? Il éprouvait des... sentiments plus qu'amicaux envers lui ?
« Je te hais !! Tu me dégoûtes ! » entendît-il Clara crier et en relevant le visage il la vit lever la main encore une fois dans la direction de son visage.
Aurélien resta pétrifié sur place, les yeux écarquillés, et ses yeux suivirent le mouvement comme au ralenti de sa main, jusqu'à ce qu'une voix grave se fit entendre dans le dos de la jeune femme.
« Clara ! »
Une poigne ferme attrapa le poignet de la jeune femme qui n'eut d'autre obligation que de suspendre son geste dans les airs et lorsque cette dernière se retourna d'un mouvement brusque, Aurélien aperçu Guillaume. Réveillé, les traits durs, et surtout un air de colère intense sur le visage.