« Tu as fait quoi ?! »
Guillaume regardait d'un air embarrassé son ami Ablaye qui venait de lever la voix dans le petit bar où ils s'étaient rejoint avec leur bande de potes. Les regards hébétés et crédules de ses amis sur lui le faisait se sentir encore plus mal. Est-ce qu'il avait bien fait de se confier à eux ?
« Il est où là, Orel ? demanda soudainement Claude à ses côtés et il le remercia silencieusement de briser l'atmosphère pesante qui s'était installée entre eux, même si c'était pour poser une question à laquelle il avait déjà répondu plus tôt dans la soirée.
— À l'appart, Claude. Je vous l'ai déjà dit. Il ne se sentait pas trop en forme... tenta-t-il d'expliquer en relevant le visage pour affronter le regard étrangement sérieux de son vieux pote de toujours.
— Tu m'étonnes, il doit se douter de quelque chose...! l'interrompit Ablaye, en s'adressant à lui de nouveau de manière acerbe.
— Je lui ai dit que je rentrerai pas trop tard... Que je devais seulement vous voir une heure ou deux pour vous parler de quelque chose... bredouilla Guillaume en détournant le regard une seconde, signe qu'il était mal à l'aise.
— Ok, c'est fait. Tu comptes faire quoi maintenant ? »
Guillaume tourna la tête vers Mathieu qui venait de s'adresser à lui. Ce dernier avait le visage ferme et le fixait d'un air calme, et pourtant une aura menaçante semblait l'entourer.
« Co-comment ça ? bégaya Guillaume en se passant une main sur la nuque d'un air gêné.
— Par rapport à Orel, dit Mathieu d'une voix qui se voulait calme malgré son énervement palpable. C'est notre pote aussi, Gringe. Depuis plus longtemps que toi, même.
— Je... Je ne sais pas... C'est pour ça que je voulais vous en parler... Pour savoir... si je devais le lui dire... ou bien...
— Il est pas con le petit, le coupa Claude. Je suis pratiquement sûr qu'il le sait déjà, là.
— Tu... tu crois ? demanda Guillaume en sentant son cœur battre plus fort de panique.
— Ouais. C'est évident, cracha Ablaye. Putain Gringe, tu peux pas ranger ta putain de queue des fois ?! Je savais que t'allais faire de la merde à un moment ou à un autre ! C'est Orel, merde ! Pas une meuf quelconque que t'aurais rencontré en soirée ! Qu'est-ce que tu avais besoin de revoir cette nana ? Qu'est-ce qu'il t'ait passé par la tête ?!
— Le pire c'est qu'il se doutait que ça allait arriver, dit dans un murmure Seydou, qui était resté silencieux depuis le début de la conversation. Il m'en avait parlé quand tu étais là-bas.
— Mais qui part en vacances en Espagne avec son ex, putain ? » s'énerva Ablaye en criant soudain et Guillaume baissa instantanément les yeux.
Il avait l'impression horrible d'être un gamin qui a fait une bêtise et qui se fait enguirlander par ses parents. Un gamin qui ne peut rien rétorquer tellement sa faute est apparente aux yeux de tous et qui n'a donc aucune autre solution que de se taire et d'attendre que l'orage passe.
« Tu as intérêt de lui dire, Gringe. Sinon, c'est moi qui le fait. »
Guillaume releva la tête brusquement et ses yeux croisèrent ceux, bleus et dénués de toute bienveillance, de Mathieu. Son regard était si glaçant qu'il en trembla presque. Son ami ne l'avait jamais regardé ainsi auparavant, lui qui était d'ordinaire si compréhensif et indulgent.
« Et tu sais que je ne plaisante pas. Pas avec ça. Pas avec Orel. »
Sous ses airs calmes, Guillaume pouvait entrevoir une véritable tempête à l'intérieur de son ami. Et quand il se tourna vers ses amis, restés silencieux après la déclaration de Mathieu, il lut la même chose dans leurs yeux. De la résignation, de la colère, de la déception. Oui, c'était couru d'avance de toute façon. Ils avaient toujours attendu ce moment en sachant pertinemment bien qu'il ne serait pas long à arriver, pensa amèrement Guillaume. Le jour où il les décevrait. Le jour où il le blesserait. Il croisa le regard de Claude et celui-ci lui fit un signe minuscule de la tête, qu'il comprit comme une invitation à se lever et à rentrer chez lui.