Guillaume repoussa la jeune femme qui s'était penchée vers lui un instant plus tôt pour déposer ses fines lèvres sur les siennes. Il avait été pris de panique l'instant même où leurs lèvres étaient rentrées en contact, se rappelant soudain d'où il était, et surtout d'avec qui. La jeune femme blonde aux formes plantureuses le regardait à présent avec une moue surprise, se demandant sûrement pourquoi il l'avait repoussé alors qu'elle avait tout le matériel nécessaire pour faire tomber les hommes à ses pieds. En particulier les hommes comme lui, ceux qui se retrouvaient facilement attirés par la beauté superficielle et extérieure de ces sirènes du monde réel. Surtout lorsque l'alcool était bien présent dans leurs veines. Mais ça, c'était avant. Maintenant, c'était fini. Parce qu'il n'était plus seul. Il n'était plus perdu dans la marée noire de ses pensées, dans ce monde si sombre. Il l'avait lui. Aurélien. Son colocataire, son meilleur ami, et tellement plus de choses encore. C'était la seule personne pour qui il avait vraiment eu envie d'arrêter les conneries, d'enchaîner les coups d'un soir, et de se reprendre en main. Il voulait le rendre heureux, le voir sourire. Alors il lança un regard désabusé à la jeune femme à ses côtés, en secouant la tête d'une manière lasse et se demandant comment encore une fois il avait pu se laisser aller de cette manière-là. Pourquoi encore une fois avait-il succombé à l'appel de la tentation ? Alors qu'il avait tout pour être heureux ? Combattre les mauvaises habitudes était décidément plus compliqué que ce qu'il pensait.
Il tourna la tête vers la table où ses amis l'attendaient depuis bientôt une demie-heure et croisa deux regards bien différents. Celui de son ami Claude qui semblait dire je vais t'écorcher vivant, et celui de son copain, qui le regardait d'un air abattu et avec une pointe de douleur dans les yeux. Il vit Aurélien se lever de sa chaise tandis qu'une panique folle montait lentement en lui. Aurélien lui tourna le dos puis se dirigea vers la sortie et il se leva précipitamment pour lui courir après alors qu'il vit du coin de l'œil Claude se lever à son tour d'un air menaçant. Il évita de justesse son ami et essaya tant bien que mal de retrouver Aurélien parmi la foule. Il le rattrapa une fois dehors, attendant calmement le bus de nuit qui passait toutes les demies-heures devant le bar et qui devait les ramener chez eux après la soirée. Il le dévisagea un instant, ne sachant comment entamer la conversation, et l'observa regarder d'un air absent le ciel étoilé au-dessus d'eux, les mains bien enfoncées dans les poches de sa veste.
« Orel ? » dit-il finalement dans une intonation interrogative, se rapprochant prudemment de lui.
Ce dernier se tourna simplement vers lui et lui offrit un petit sourire fatigué. Guillaume déglutit péniblement en apercevant les larmes au coin de ses yeux.
« Je rentre. Je suis fatigué. » expliqua Aurélien.
Un silence pesant s'installa entre eux et Guillaume enfonça ses mains plus profondément encore dans ses poches, énervé contre lui-même.
« Orel, il faut qu'on parle... dit Guillaume en faisant un pas de plus dans sa direction.
— Non, je ne crois pas Gringe... souffla Aurélien en s'éloignant imperceptiblement et il entendit de la douleur dans sa voix.
— Orel... S'il-te-plaît... murmura Guillaume, la gorge nouée.
— Tout ce que tu vas me dire je le sais déjà Guillaume, soupira Aurélien. Tu vas t'excuser, me promettre que c'est la dernière fois, que je suis le seul qui compte... continua-t-il d'une voix lasse. Et comme je t'aime, je vais te pardonner. Alors tu vois, ça ne sert à rien d'en parler. »
Guillaume regarda tristement son ami dont la voix s'était brisée sur la dernière phrase et regretta que Claude ne lui ait pas défoncé la gueule plus tôt. Parce qu'Aurélien l'aimait tellement qu'il était prêt à tout lui pardonner, quitte à ce qu'il en souffre. Il le voyait maintenant trembler légèrement de froid et s'insulta d'être un aussi mauvais petit copain.