Il n'avait pas pu s'en empêcher. De pleurer. Il avait pleuré jusqu'à avoir l'impression d'être complètement vide de toutes larmes. Au moins, pensa-t-il avec un petit sourire sur les lèvres, il n'avait pas pleuré devant lui. Il avait réussi à attendre qu'il soit parti pour se laisser aller aux larmes. Le caennais tira sur sa cigarette en regardant le ciel parsemé de faibles étoiles. Il était comme ces dernières en fin de compte, fragile au milieu de tant d'autres, mais essayant jusqu'au bout de lutter. Il brûlait au contact de Guillaume, espérant sans cesse qu'un jour sa seule présence lui suffirait, et les sentiments qu'il lui faisait ressentir allaient bientôt avoir raison de lui. C'était trop douloureux comme sensation.
Soudain, il entendit des bruits de pas derrière lui et se retourna brusquement. Guillaume se tenait derrière lui, un air gêné sur le visage et son éternel bonnet rouge foncé dans les mains. Il lui jeta un coup d'œil surpris, presque effrayé. Il ne l'avait pas entendu rentrer.
« Tu... t'es déjà rentré ? lui demanda Aurélien la bouche sèche.
— Oui. Et toi... tu ne dors pas à cette heure-là ?
— Il est quelle heure ?
— 3h du matin.
— Si tôt ? Non, j'arrivais pas à dormir. »
Aurélien baissa légèrement le bras, laissant la fumée de sa cigarette s'envoler dans les airs, formant une sorte de mur de brouillard entre Guillaume et lui.
« Alors ? Tu as couché avec elle ? Ça y est, tu as fait ton choix ? » demanda-t-il d'une voix qui se voulait assurée et en baissant la tête.
À son grand étonnement, Guillaume resta silencieux et ne répondit rien. Il osa lui jeter un coup d'œil furtif, se faisant violence pour ne pas s'enfuir vers sa chambre, et son cœur fit un bond dans sa poitrine en voyant son regard triste fixé sur lui. Ça y est, il allait le quitter. Pour cette fille.
« Ça y est... alors ? » murmura-t-il d'une voix étouffée en sentant ses larmes s'approcher dangereusement de ses paupières.
Il ne pouvait pas pleurer. Pas ici, pas devant lui. Il ne voulait pas le culpabiliser.
« Ça y est ? C'est fin-
— Je n'ai pas pu le faire, le coupa Guillaume.
— Quoi ? »
Aurélien releva le visage, un air confus sur le visage, et lança un regard plein d'incompréhension à son ami.
« Je n'ai pas pu le faire, répéta Guillaume. Littéralement, expliqua-t-il. Je n'ai pas pu coucher avec elle. »
Un petit silence passa entre les deux hommes avant que Aurélien n'écrase sa cigarette dans le cendrier posé sur la petite table du balcon et se mette à réfléchir à la signification de ses mots.
« Tu n'as... pas pu le faire avec elle ? Comment ça ? Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
— Tu sais très bien ce que je veux dire, Orel.
— Tu veux dire que... inconsciemment... ton corps a refusé de se donner à elle...? »
Le silence gênant qui suivit sa question lui fit comprendre qu'il avait bien comprit.
« Alors... c'est encore de ma faute, hein ? dit-il dans un soupire, en forçant un petit rire, et en détournant le regard du visage de son ami afin de contempler l'horizon.