Guillaume croqua d'un air las dans son sandwich. Aujourd'hui, il était de sortie au jardin botanique municipale avec ses camarades de classe de sixième. Il écoutait ces derniers discuter vivement d'une oreille distraite, son regard se perdant dans le vague. Il se faisait clairement chier. C'est alors qu'il vit la lourde porte de métal séparant la rue du jardin s'ouvrir et une femme entrer en poussant un landau. Il vit un petit garçon suivre de près la femme, venant attraper du bout des doigts le trench-coat de celle-ci, et il pensa distraitement qu'elle devait être sa mère. Guillaume se sentit étrangement hypnotisé par le garçon qui semblait n'avoir tout au plus que trois ans de moins que lui. Celui-ci avait des cheveux mi-longs et noirs qui lui arrivaient au-dessus des épaules et des traits très fins. Guillaume l'observa jeter un coup d'œil anxieux autour de lui avant de montrer du doigt un endroit un peu plus reculé à sa mère et celle-ci lui sourit tendrement avant de hocher la tête. Elle l'accompagna jusqu'à l'endroit qui était entouré de fleurs. Elle fouilla un instant dans son sac avant de lui tendre un carnet avec un crayon et il vit le plus jeune offrir un sourire rayonnant à sa mère en attrapant ces derniers. Il se pencha ensuite vers le landeau et il le vit, ou en tout cas c'est ce qui lui sembla, embrasser le bébé qui devait être dedans. Sa mère lui ébouriffa gentiment les cheveux avant de s'éloigner en souriant, le laissant seul avec les fleurs. Guillaume vit le garçon suivre sa mère des yeux un instant avant de se tourner pour se diriger vers un banc près du parterre de fleurs. Ce dernier s'y assit en tailleur et Guillaume le vit ouvrir son carnet pour commencer à dessiner, un petit sourire sur les lèvres. Guillaume était fasciné et ne le lâcha pas du regard pendant toute la pause du repas.
***
« Mec, la balle ! »
C'était Guillaume qui s'était écrié cela en voyant Julien, un des garçons de sa classe, donner un coup de pieds dedans et l'envoyer valser hors des limites du terrain. Julien avait vraiment deux pieds gauches. Ce dernier fit un signe désolé et se dirigea à petites foulées vers le ballon de foot qui avait roulé un peu plus loin. En le suivant des yeux, Guillaume vit le garçon de tout à l'heure se baisser pour ramasser le ballon et Julien s'arrêter devant lui. Guillaume l'observa tendre le bras pour le récupérer et dire quelque chose, qu'il n'entendit pas, à l'intention du plus jeune. Celui-ci ne sembla pas apprécier ce que Julien lui avait dit car il le vit faire un pas en arrière en gardant le ballon dans ses mains. Guillaume vit Julien s'énerver et il se dirigea vers les deux garçons d'un pas rapide.
« Julien, lâche l'affaire. » dit-il à l'attention de son camarade de classe et celui-ci jeta un regard noir au garçon avant de tourner les talons et de les laisser seuls.
Guillaume le suivit des yeux pour s'assurer qu'il s'éloignait bien avant de jeter un coup d'œil hésitant au garçon à ses côtés. Celui-ci se mordait fébrilement la lèvre et avait le regard fuyant, ce qui poussa Guillaume à lui jeter un regard confus.
« Mmh, ça ne va pas ? »
L'autre garçon ne répondit pas, lui jetant un regard hésitant et Guillaume lui sourit maladroitement.
« Il t'a dit un truc méchant ? Pour que tu ne veuilles pas nous rendre la balle ? Julien est un peu débile des fois... »
Le plus jeune resta silencieux un instant avant de hocher la tête et Guillaume soupira :
« Je m'excuse pour lui alors, euh... dit-il en lui offrant une grimace désolée.
— Aurélien, lui répondit d'une voix douce le plus jeune avant de lui tendre le ballon. Tiens, je suis désolé. »
Guillaume attrapa la balle et lui offrit un sourire reconnaissant.
« Merci, Orel. »
Le garçon écarquilla les yeux de surprise au surnom qu'il venait de lui donner et Guillaume s'injuria mentalement.
« Hum, je... T-T'excuses pas... bafouilla Guillaume en se passant une main derrière la nuque d'un air embarrassé. Tu... Tu as quel âge, en fait ?
— J'ai huit ans, répondit Aurélien en se mordant timidement la lèvre. Bientôt neuf.
— Ah... Et t'es pas à l'école ? T'es en quoi... CE2 ? »
Il vit le garçon le regarder d'un air hésitant et Guillaume se dit qu'il était allé trop loin.
« Je sais pas vraiment... répondit d'un air timide le plus jeune. C'est maman qui me fait l'école à la maison.
— Sérieux ? s'étonna Guillaume en haussant les sourcils. Et t'es jamais allé à l'école ?
— Non...
— T'as trop d'chance, s'exclama Guillaume. Moi j'en ai marre de l'école, c'est nul...
— Je sais pas... dit Aurélien en fronçant légèrement les sourcils. J'aimerai bien y aller, moi. Maintenant que papa et maman ont décidé d'emménager ici, je vais leur demander si c'est possible...
— T'es sérieux ? dit Guillaume d'un air étonné et Aurélien hocha la tête d'un air timide. T'es vraiment bizarre, Orel...! » dit-il en riant doucement.
Le plus jeune lui lança un regard interrogateur et il lui sourit doucement, afin qu'il comprenne qu'il ne se moquait pas de lui. Guillaume entendit ses amis lui crier de revenir dans son dos et soupira d'un air exaspéré.
« Désolé, j'dois y aller. Sinon mes potes vont me tuer. »
Aurélien hocha la tête d'un air compréhensif et Guillaume lui offrit un sourire éclatant avant de s'éloigner :
« À plus, Orel ! On se verra peut-être bientôt au collège du coup ! Y en a qu'un ici. J'essaierais de te trouver ! »
Guillaume rejoignit ses copains et leur lança la balle pour reprendre leur partie de foot où ils s'étaient arrêtés. Il vit du coin de l'œil le plus jeune se rasseoir sur son banc et se remettre à dessiner calmement. Il eut l'impression pendant la demie-heure qui suivit que celui-ci jetait de temps en temps des coups d'œil dans sa direction et lorsque sa mère vint le chercher un peu plus tard, Guillaume s'arrêta de jouer pour le regarder partir. Il vit Aurélien ranger ses affaires dans le sac de sa mère et hocher la tête à ce qui était apparemment une question. Le plus jeune se tourna alors vers lui d'un air hésitant et Guillaume lui fit un grand signe de la main pour lui dire au revoir. Le plus petit lui sourit timidement et lui fit un signe de la main à son tour avant d'attraper la main de sa mère et de s'éloigner avec elle. Guillaume le suivit des yeux, un air grave sur le visage, avant de se remettre à jouer au foot. Il espérait bien le revoir au plus vite.