Guillaume leva les yeux au ciel et marmonna un juron dans sa barbe en voyant le métro s'arrêter devant lui. Ce dernier était bondé, chose qu'il détestait. C'était probablement une des choses qu'il détestait le plus depuis qu'il avait emménagé à Paris. Le métro, ces gens qui s'agglutinaient les uns aux autres afin d'arriver le plus vite possible à leur boulot, ces mêmes gens aigris et à l'air maussade dès le matin... Il soupira puis monta à bord du train souterrain et vint agripper la barre centrale de sa main afin de se tenir à quelque chose. Il fusilla du regard les quelques personnes restées sur le quai qui essayaient à tout prix de monter à leur tour malgré le fait évident que la rame ne pouvait contenir plus de gens que ça. Il serra les dents lorsque le métro se remit en marche, bien trop rapidement et secouant la petite rame où il était. Il entendit des personnes jurer dans leur barbe et se rentrer dedans sans prendre la peine de s'excuser. Il vit du coin de l'œil une silhouette se rapprocher de lui et avant même qu'il ne puisse tourner la tête dans sa direction, il sentit un poids lui tomber dessus. Instinctivement, il lâcha la barre pour rattraper l'autre personne et ses mains se posèrent sur ses hanches. La personne qu'il avait empêchée de lui tomber dessus se retourna au contact de ses mains et lui lança un petit sourire désolé. C'était un jeune garçon qui devait bien faire une tête de moins que lui et Guillaume le dévisagea en silence, apercevant la jolie couleur rosée qui commençait à apparaître sur ses joues. Le garçon réussit à se redresser difficilement et lorsque son dos se détacha de son torse afin qu'il se retourne Guillaume vit ses cheveux mi-longs virevolter un instant.
« Pardon, s'excusa ce dernier en lui décochant un petit sourire gêné. La secousse m'a surpris...
— Y'a pas de souci, t'en fais pas. » répondit Guillaume en lui offrant un sourire maladroit à son tour.
Il passa une main sur son pantalon et se mordit la lèvre en pensant que lorsque le garçon lui était tombé dessus, ses fesses étaient entrées en contact avec son pénis. Il leva les yeux au ciel et vit le garçon lui lancer un petit regard curieux avant de se tourner vers la fenêtre pour regarder dans une autre direction. Guillaume se tourna à son tour, se forçant à penser à autre chose, fortement gêné.
***
Cependant, près de dix minutes plus tard, le chauffeur sembla freiner brusquement parce que le métro s'arrêta d'un coup, l'envoyant valser quelques pas plus loin. Son corps rentra violemment en collision avec un autre et en ouvrant les yeux, alors qu'il était sur le point de jurer dans sa barbe, il s'aperçut qu'il était tombé, à son tour, sur le garçon qui lui était tombé dessus dix minutes plus tôt. Il était affalé de tout son long contre lui, poussé par les autres personnes surprises par le freinage abrupte du métro. Il avait ses deux bras de part et d'autre de l'autre garçon dans une tentative veine de se rattraper à quelque chose et son visage n'était plus qu'à quelques centimètres à peine du sien, à son plus grand embarras. De là où il était il pouvait voir à quel point les cils de l'autre garçon étaient longs et se surprit à se perdre dans ses prunelles étrangement sombres. Son regard continua sa descente sur son visage et il remarqua avec délice la couleur empourprée qu'avaient pris ses joues. Il ne put s'empêcher de loucher un instant sur sa bouche et le vit se mordre la lèvre inférieure d'un air embarrassé.
« Je suis désolé ! s'empressa-t-il de dire en remontant ses yeux jusqu'aux siens. Je voudrais bien me redresser mais je ne peux pas... y'a trop de gens... »
Le garçon hocha la tête lentement, lui disant silencieusement qu'il comprenait, et Guillaume déglutit difficilement. Il était vraiment dans une position inconfortable. Il sentait son corps entièrement en contact avec celui de l'autre garçon et se concentra pour garder la face. Il avait tellement honte. Il sentit son cœur battre à cent à l'heure dans sa poitrine et en relevant le visage, il s'aperçut du regard gêné du garçon sous lui qui essayait de regarder ailleurs. En fait, c'était le sien qui battait fort contre son torse. Le métro repartit et quelques personnes réussirent à se redresser, libérant de l'espace. Guillaume se releva et passa une main sur son tee-shirt, détournant le regard d'un air embarrassé. Il sentit soudain ses joues le chauffer et il se demanda avec horreur s'il était en train de rougir. Pitié.
« Ça va ? demanda-t-il au garçon en se tournant vers lui à nouveau. Je ne t'ai pas fait trop mal ?
— Hum, non... Ça va, merci. » le rassura l'autre garçon et Guillaume lui offrit un sourire désolé.
Il le vit se remettre une mèche derrière l'oreille et passer une main sur son pantalon avant de lui sourire d'un air timide. Guillaume resta silencieux et se prit à se perdre dans les traits irréguliers du garçon avant d'entendre la voix du métro annoncer l'arrêt auquel il descendait. Il vit le garçon relever le visage pour écouter attentivement la voix et lorsque les portes s'ouvrirent, celui-ci lui décocha un petit sourire avant de sortir. Guillaume resta immobile un instant avant de lui emboîter le pas et de sortir à son tour de la rame. Il suivit le garçon jusqu'à la sortie en marchant lentement, se disant que si celui-ci le voyait sur ses talons il allait croire qu'il le suivait. Il n'avait pas envie de passer pour un psychopathe.
***
Pourtant, lorsqu'il sortit de la bouche de métro, il faillit lui rentrer dedans car celui-ci s'était arrêté pour regarder quelque chose sur son portable et il le vit sursauter de surprise. Guillaume écarquilla les yeux, surpris lui aussi, et se mit à balbutier :
« Je... Désolé, je ne t'avais pas vu...
— Ah... bafouilla l'autre garçon en se mettant à rougir doucement. C'est de ma faute, je n'aurais pas dû m'arrêter aussi près de la sortie... »
Guillaume le vit se mordre la lèvre fébrilement et prit une grande inspiration. Bon, à quoi jouait le destin, là ? Une fois, ok, deux fois, encore à la limite, mais trois ? C'était un signe, non ? Surtout que, il devait l'avouer, le garçon devant lui ne le laissait pas indifférent. Il ne savait pas vraiment pourquoi mais il se sentait attiré par lui comme par une force mystérieuse. Il avait un physique agréable et une pointe de curiosité envers lui lui chatouillait à présent l'estomac.
« Dis-moi... commença-t-il à dire en essayant de trouver les mots justes, maintenant qu'il avait rassemblé un peu de courage. Ça te dirait d'aller boire un verre ? »
Il vit le garçon écarquiller les yeux d'un air étonné puis soudain, les joues de ce dernier se colorèrent de cette jolie couleur qu'il avait aperçu lors du trajet mouvementé dans le métro. Il allait s'excuser de sa demande déplacée et lui demander d'oublier ce qu'il venait de dire quand il le vit hocher la tête d'un air intimidé.
« Oui, ça me ferait plaisir... euh...? dit l'autre garçon en laissant sa phrase en suspense, lui demandant ainsi son prénom.
— Guillaume, dit-il précipitamment. Je m'appelle Guillaume. Et toi...?
— Aurélien. »
Guillaume se sentit fondre intérieurement au petit sourire intimidé du plus jeune et se repassa son prénom en boucle dans son esprit. Aurélien. C'était doux, tout comme lui, et Guillaume lui sourit avant de faire un signe de tête en direction d'une rue qu'il appréciait particulièrement et où il savait se trouvaient de nombreux bars sympas. Aurélien acquiesça et il se mirent en route vers la rue en silence. En silence, oui, mais aucun des deux ne réussit à cacher le sourire qui apparut sur leurs visages respectifs.