Guillaume s'accroupit devant le visage endormi de son colocataire, en train de dormir profondément sur le canapé. Il n'avait pas bougé de là où il l'avait laissé la veille au soir, quand il était parti se coucher dans sa chambre après cette soirée bien trop alcoolisée. Il ne savait pas bien comment ils avaient pu en arriver là... mais c'était trop tard maintenant. Il ne pouvait plus reculer. Guillaume esquissa un tendre sourire et glissa ses doigts délicatement dans les quelques mèches noires tombées sur les yeux du plus jeune pendant son sommeil.
« Fais-moi une place
Au fond d' ta bulle
Et si j' t'agace
Si j'suis trop nul
Je deviendrai
Tout pâle, tout muet, tout p'tit
Pour que tu m'oublies... »Il avait à peine murmuré les premières phrases de cette chanson qui hantait à présent son esprit, caressant toujours délicatement de ses doigts le cuir chevelu d'Aurélien, lorsqu'il sentit le plus jeune esquisser un léger mouvement sur le canapé. Aurélien n'ouvrit cependant pas les yeux, ses cils frémissant au-dessus de ses paupières closes, et son sourire s'élargit à cette vision si douce.
« Fais-moi une place
Au fond d' ton cœur
Pour que j' t'embrasse
Lorsque tu pleures
Je deviendrai
Tout fou, tout clown, gentil
Pour qu' tu souries... »Il descendit son pouce sur la joue de son colocataire et ce dernier papillonna lentement des paupières, se réveillant enfin d'un si long sommeil. Il laissa son pouce caresser avec douceur la peau du plus jeune tandis que celui-ci plongeait son regard dans le sien, restant silencieux. Guillaume lui sourit tendrement et Aurélien cligna alors plusieurs fois des paupières pour éclaircir sa vision.
« Fais-moi une place
Dans ton av'nir
Pour que j'ressasse
Moins mes souvenirs
Je s'rais jamais
Éteint, hautain, lointain
Pour qu'tu sois bien... »Aurélien fronça légèrement les sourcils et lui lança un regard curieux, sans jamais faire un seul geste afin de se redresser sur le canapé ou pour se défaire de son étreinte. Guillaume lut de la confusion dans ses prunelles sombres, mais surtout de l'étonnement. Il continua de lui sourire de toute sa tendresse et déplaça sa main de sa joue à ses cheveux en bataille, afin de lui caresser le crâne de manière affectueuse, comme il le ferait avec un petit chat.
« Gringe...? dit enfin Aurélien sous la forme d'une question. Qu'est-ce que tu chantes ? »
Guillaume secoua la tête, un sourire attendri sur les lèvres devant l'air endormi et confus de son ami.
« J' veux q' t'aies jamais mal
Q' t'aies jamais froid
Et tout m'est égal
Tout, à part toi... »Sa gorge se serra sous l'émotion et il ne réussit plus qu'à dire les paroles, au lieu de les chanter, à mesure que la chanson avançait. Il voyait la confusion présente dans les yeux d'Aurélien se changer peu à peu en un autre sentiment. Il crut apercevoir dans son regard une lueur de compréhension et peut-être même... d'espoir.
« Gringe... » répéta le plus jeune dans un souffle et il aperçut des larmes s'amonceler dangereusement au coin de ses yeux.
Guillaume secoua la tête de nouveau, lui signifiant silencieusement de ne pas parler et de le laisser finir ce qu'il avait commencé. Et étrangement, Aurélien sembla le comprendre. Il reprit en plongeant son regard dans le sien :
« Je s'rai jamais
Distant, distrait, cruel... » dit-il en appuyant bien sur chaque adjectif, sans jamais quitter du regard le plus jeune.« J' veux pas q' tu t'ennuies
J' veux pas q' t'aies peur
J' voudrais q' tu oublies
L' goût du malheur... »